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Patrice Duchemin, planneur stratégique free-lance, se méfie des Canadair.
28/08/1998À voir l'après-12juillet, sorte de 1er janvier du calendrier footballistique, ses débordements de joie et ses effets sur les cotes de popularité de nos dirigeants, on peut se dire que, pour sortir un pays de ses difficultés économiques, rien de tel qu'une bonne dose d'émotions partagées. Évidemment, de pareils événements ne se produisent pas tous les jours et, parfois, ce qui aurait pu être dopant ne se révèle que dopé. Mais, enfin, imaginez un peu. Vous créez tous les trimestres une fête (les Français adorent ça...), vous confiez les droits de retransmission en exclusivité à une chaîne de télévision (très important le média de masse), vous composez une rengaine rythmée (pas plus de cinq mots, après c'est trop dur), vous multipliez les gros plans de «vrais-gens-de-la-rue- en-joie», vous saupoudrez de quelques interventions de sociologues (genre la France est en train de recoudre son tissu social) et vous martelez matin, midi et soir. Qu'observe-t-on alors? Miracle, tous les autres sujets d'actualité ont disparu! Votre événement devient l'unique sujet de conversation du moment, à condition qu'il n'y ait pas de canicule. Ceux qui le considéraient «nul» finissent par le trouver «pas si mal» et ceux qui avaient pour habitude de rester chez eux se retrouvent dans la rue avec leurs voisins. En puisant l'émotion à la source pour la déverser dans chaque foyer, les médias sont des Canadair de joie bien utiles pour éteindre nos incendies sociaux.