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HUMEUR
23/10/1998Xavier Charpentier, planneur chez BL/LB, dit merci à Chanel.
Une femme est assise, souriante, à côté d'un flacon de parfum. Elle est noire, sa robe est blanche, c'est signé Chanel, le parfum s'appelle Allure. C'est une affiche toute simple. Pourtant, c'est l'une de ces publicités, infiniment rares, qui font avancer la société.«Publicité rare», «faire avancer la société».En voilà, de grands mots! Ce n'est quand même pas la première fois qu'une jeune femme noire pose pour une publicité. Non, mais c'est probablement la première fois qu'elle pose de cette façon. Habillée, souriante, valant pour elle-même en tant qu'individu et non pour ce qu'elle est censée représenter dans l'imagerie populaire et publicitaire. Photographiée comme une jeune et séduisante femme (dont la peau est noire) et non seulement comme une Noire symbolisant, au choix, la tentation démoniaque et bestiale de la vitesse, la gourmandise du chocolat, l'anti-racisme d'un marchand de pulls, l'authenticité sophistiquée d'une collection inspirée de l'Afrique, le dynamisme d'une marque de pagers s'adressant aux jeunes ou l'esprit de fraternité saisissant immédiatement qui boit du café instantané. Une marque de parfum pour qui une femme noire n'est pas uniquement un porte-symbole et qui la met en scène non comme une Noire mais comme une femme, simplement, respectueusement. Dans un pays où l'on parlait publiquement, il n'y a pas si longtemps, de «l'odeur» des immigrés, décidément, merci Chanel.