Content marketing
En matière de contenu de marques, les agences cherchent toutes le Graal. Celui qui leur permettra de retenir l’attention d’un internaute sur-sollicité. Et chacune a sa stratégie pour y parvenir. Tour d'horizon.

« Capter l’attention. Ce défi est toujours plus difficile à relever, affirme d’emblée Myriam Nouicer, business partner chez Ogilvy Paris. Dans un contexte où le volume de contenus augmente chaque année, où les Français consultent en moyenne 50 fois leur mobile par jour et où, chaque minute, 400 heures de vidéos sont uploadées sur YouTube, la vraie bataille est celle de l’attention. » Une difficulté qui ne freine pas les acteurs du brand content. Le contenu de marque attire tout le monde : agences digitales, médias, agences médias, agences de production de contenus, sans oublier les agences de communication globales... La plupart se sont dotés d’une large palette de technologies et d’expertises afin de maîtriser ce long process qui va de l’analyse des audiences, voire de l’anticipation de leurs besoins, jusqu’à la mesure du ROI [retour sur investissement] en passant par toute la chaîne de diffusion. Mais la clé en matière de brand content, c’est bien sûr la stratégieen plaçant la marque au cœur de cette dernière. « Nous sommes des bâtisseurs de marque, pas des producteurs de contenu qui proposent la même chose à une audience, quelle que soit la marque, explique ainsi Emmanuelle Charpentier, codirectrice de l'offre Contenus chez Babel. L’enjeu est d’élaborer un discours différenciant et de le porter sur la durée pour créer de la fidélité. » Une démarche similaire prévaut chez Les Gaulois : « Nous pensons stratégie de marque avant de penser message ou production. L’enjeu est de savoir comment nous allons travailler des contenus pour nourrir la plate-forme de marque », détaille Olivier Tewfik, directeur connection planning.

 

Verticaliser pour se protéger des Gafa.

Webedia adopte une approche différente. « Nous disons aux annonceurs : mettez vos clients au centre et ne raisonnez pas seulement en termes de marques », explique Raphaël Grandemange, directeur général de Webedia Brand Services. Une démarche mise au service de la conquête d’un territoire bien défini : « Nous croyons beaucoup à la verticalisation du digital en thématiques : gaming, beauté, tourisme, etc. Cela va permettre de contrer les Gafa qui ont gagné la bataille de la puissance. »

Everyday Content se distingue en prônant une approche élargie. « Le brand content, c’est un ensemble qui englobe la marque - qui donne le ton -, mais aussi les parties prenantes : collaborateurs, consommateurs, influenceurs, fournisseurs – qui produisent aussi du contenu, précise Cécile Leprince, directrice générale. Nous prenons en compte cette vision globale et les récits des différents protagonistes dès la conception du contenu de marque. »

Poussant plus loin cette perspective, MNSTR propose de transformer les marques en... « générateurs de contenu » affirme Lionel Curt, son président : « Converse a par exemple ouvert des studios d’enregistrement pour des groupes de musique et généré des centaines de contenus teintés par la marque. Avec Salomon, nous avons lancé une appli pour aider les runners à cartographier les parcours avec du dénivelé au sein des villes. »



ROI, es-tu là ?

Quelle que soit la stratégie, le brand content capte une part toujours plus importante des investissements, ce qui pousse les annonceurs à porter une attention croissante au ROI et donc aux KPI [indicateurs de performances]. Selon Xavier Mendiola, directeur général de DDB, il y a deux dimensions, d’un côté, le temps court et de l’autre, le temps long : « Le quantitatif est l’enjeu clé du temps court. Il s’agit de mesurer la visibilité, l’engagement et l’influence. Dans le temps long, ce sont les critères qualitatifs qui priment. Là se mesurent l’impact sur la stratégie marketing qui peut aller jusqu’au changement de modèle économique - comme c’est le cas de Red Bull - ou la capacité à toucher de nouvelles communautés, et l’impact pérenne sur l’image de marque. »

 

La mesure du ROI se heurte encore à de nombreux obstacles. Gare aux circuits trop complexes. Lors d’une opération pour un groupe bancaire, Everyday Content a produit un contenu destiné à encourager les prospects et les clients à prendre rendez-vous avec un conseiller... mais ses équipes n’ont eu aucun contact avec les commerciaux chargés de répondre aux appels entrants. « Il reste difficile de réunir autour de la table tous les acteurs du processus », résume Cécile Leprince.



Un enjeu sur lequel travaille Webedia en incitant ses clients à aligner et désiloter leurs équipes internes pour entrer dans une logique transversale autour d’un « content hub ». Un mouvement qui s’inscrit dans une mutation plus globale, indique Raphaël Grandemange : « Les entreprises ont de plus en plus des content ou social room et recrutent des producteurs de contenu. Nous accompagnons ce mouvement d’internalisation. » Pour combler les trous du circuit et recueillir plus de données afin de les recouper, il estime qu’une étape majeure sera bientôt franchie : « L’enjeu des années qui viennent est de mettre les données issues des cartes de fidélité dans la boucle de la mesure. Carrefour est l'un des premiers à avoir franchi le pas. Il sera alors possible de cerner plus précisément le ROI de chaque canal. »



Un marché qui se structure.

Le consensus autour du ROI reste cependant difficile à bâtir. D’autant plus que de nouveaux enjeux viennent s’y agréger, comme le souligne Olivier Breton, président de All Contents : « J'ai le sentiment qu'au-delà du quantitatif, que les annonceurs maîtrisent maintenant très bien, ils ont besoin de constater la force de prescription de ce qu'ils publient. C'est plus fin. Plus qualitatif. Plus complexe. »

 

Toujours plus attendue, la détermination fiable du ROI risque de se faire attendre, constate Marion Combaluzier, fondatrice de l'agence AKL : « Ce qui est mesuré, ce sont les conditions de réussite (reach, engagement, partage) mais pas la réussite elle-même. Le chemin qui mène des conditions de réussite au résultat final, quel qu’il soit, n’est pas droit. Tout au plus peut-on conclure à la présomption de l’efficacité du dispositif. » Mettre en cohérence tous les canaux, pour disposer d’une mesure précise et continue, reste soumis à un faisceau de facteurs : le niveau de maturité des entreprises, encore disparate, leur orientation, tantôt centrée sur le marketing ou la marque, mais aussi la diversité des offres qui pousse les clients à tester des configurations très diverses, ainsi que l’évolution de l’écosystème digital lui-même. Faire émerger des standards homogènes relève du vœu pieux : l'innovation permanente génère de nouvelles possibilités qui viennent régulièrement élargir le champ des possibles. Mais même sans repères stables, l'avenir se présente bien puisque la bataille pour capter l'attention va encore s'intensifier et avec elle, l'appétit des marques pour le brand content.



 

Quels moyens de diffusion ?

Dans un contexte de profusion de contenus, la diffusion est devenue un enjeu crucial pour toucher son audience. Son importance reste cependant sous-estimée, regrette Marion Combaluzier, fondatrice de l’agence AKL : « L’apparente gratuité du média digital induit une distorsion de réalité : les marques croient que la diffusion sera gratuite. » Une illusion qui occulte aussi le fait que l’accès aux internautes est l’objet d’une bataille permanente, ajoute Fabien Donnay, responsable de la Content Factory de DDB : « En réalité, même les audiences les plus attachées à une marque sont aussi sur-sollicitées par d’autres contenus concurrents. » Côté budget, les annonceurs avancent timidement, note Marion Combaluzier : « Les décideurs prétextent des budgets tendus pour ne pas investir. Je dirais que les esprits sont convaincus, mais qu’il manque le passage à l’acte. Il est clair que le manque de fiabilité des chiffres de la publicité display a freiné cette évolution. »



 



 



 

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