E-réputation
Mais pourquoi les internautes sont-ils si féroces avec les marques sur les réseaux sociaux? A l'Essec, Emmanuelle Le Nagard planche sur le sujet.

«Quels sont les déterminants de la vengeance des consommateurs sur internet? Pourquoi un consommateur insatisfait d’un service va-t-il délibérément, et de façon planifiée, créer un site “je hais cette marque”, un blog, des vidéos sur You Tube ou encore une page Facebook? Nous ne nous sommes pas intéressés aux simples réactions de mécontentement de consommateurs mais plutôt à des cas où il y a une volonté caractérisée de nuire à la réputation de l’entreprise.

Les enquêtes “customer rage studies” menées par l'université d'Arizona montrent qu’il y a un nombre croissant de consommateurs qui l’ont déjà fait ou ont envie de se lancer dans ces actes de vengeance. Le facteur déclencheur peut être une réclamation non prise en compte, mais parfois il n’y a même pas de demande de réparation auprès de l’entreprise, simplement la volonté d’aller sur la place publique pour se venger.

Outragés mais libérés

Nous avons interrogé des “vengeurs”: ils se voient comme des justiciers, des Robins des bois de l’internet. Cela se retrouve dans leurs motivations: “pour que l’entreprise ne recommence pas”, “pour lui donner une leçon”, “une façon de lui apprendre comment on traite ses clients”. Ils nous ont expliqué qu’ils “n’avaient pas de canal de communication pour s’exprimer”, “que cela les avait soulagés”, qu'ils s’estimaient parfois “bafoués, humiliés car leur réclamation avait été ignorée”.

Les multinationales mises à mal

Nous avons découvert lors de nos travaux et grâce à des expérimentations (en simulant de fausses vengeances sur internet), que la théorie, assez répandue en psychologie sociale, selon laquelle les internautes n’apportent leur soutien à une vengeance qu’à condition qu’il y ait un équilibre, une symétrie, entre ce qui est subi et le moyen de se venger, ne se vérifie pas du tout. En réalité, il y a une sorte d’idéologie sur le web selon laquelle cet espace est là pour permettre au faible consommateur de rendre justice face au plus fort. Nous avons par exemple observé le cas de plusieurs multinationales attaquées, malmenées, et les internautes apportaient d’emblée leur soutien, sans qu’il n’y ait jamais de vérification des allégations. La grande entreprise a forcément tort. Les rares internautes qui osent critiquer ou remettre en cause les motivations d’un vengeur et ses arguments, sont à chaque fois des clients fidèles de la marque.»

Le prof

 Emmanuelle Le Nagard, professeur de marketing à l’Essec, est également première vice-présidente de l’association française du marketing qui regroupe 700 enseignants en marketing. Ses thèmes de recherche à l’Essec: lancement de nouveaux produits, marketing de l'innovation, stratégie marketing, stratégies de prix… Le sujet de «la vengeance des consommateurs» a été traité dans une thèse de Gisèle de Campos Ribeiro, étudiante en doctorat dirigée par Emmanuelle Le Nagard. Gisèle de Campos Ribeiro, qui a soutenu sa thèse en 2013, est devenue ingénieur de recherche à l’Essec. Toutes deux continuent aujourd’hui de travailler sur le sujet.


Ses trois conseils

Etre très réactif et identifier le plus tôt possible la personne à l’origine de ces critiques.

Adresser une réponse personnalisée rédigée par un manager suffisamment haut placé dans l’organigramme, reconnaissant la déficience de la marque. Cela peut stopper la vengeance ou faire en sorte qu’elle ne soit plus approuvée par les internautes.

Compenser à sa juste valeur le préjudice. Le fait d’apporter une compensation coupe court au mouvement de critiques des autres internautes. Attention, certaines études montrent qu’une compensation excessive peut être contreproductive.


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