Compétences
La marée du digital monte à toute vitesse dans l’entreprise. Une étude de l’IAB donne des repères pour éviter de se noyer.

«Le marketing et la communication digitale, c’est le Far West, les frontières n’ont jamais été aussi mouvantes», lance Vincent Montet, membre du conseil d’administration de l’Interactive Advertising Bureau (IAB) France, en charge des sujets emplois-formation, et directeur de la stratégie digitale de l’Efap. C’est justement dans ces moments qu’il y a davantage besoin de repères: l’étude sur les métiers et les compétences de la transition numérique dans le secteur du marketing et de la communication (lire ci-dessous) arrive à point nommé.

«Il y a aujourd’hui une loi de Moore des métiers [lois selon lesquelles la puissance des processeurs double tous les 18 mois], même si l’on ne sait pas trop si ce sont les métiers qui font les technologies ou l’inverse. Cela se produit tous les six mois avec la succession de vagues d’innovation: big data, ad-exchange, programmatique…», sourit Vincent Montet. Etat des lieux de ces mutations.

A la croisée des technos.

Première question de taille: quels métiers ont des chances de perdurer? Dans le «Top dix» des métiers durables (voir l’infographie), les experts du marketing et de la communication interrogés citent d’abord le data-scientist (à 85%), puis le chef de projet web mobile (81%), le chef de projet e-CRM (78%), le responsable de la stratégie mobile (78%) et le directeur du marketing digital (77%).

Pour accroître la durée de vie de son métier, il vaut mieux qu’il soit bourré de nouvelles technologies: idéalement à la croisée du mobile, de la data et du social. «D'ailleurs, actuellement les frontières entre direction marketing et direction des systèmes d’information (DSI) explosent: le marketing est en train de prendre le pouvoir sur la techno», constate Vincent Montet.

Ensuite, quelles compétences sont-elle indispensables pour survivre dans cet univers mouvant? La gestion de projet se détache largement dans les compétences les plus importantes (73%). Mais pour faire face à la montée de la marée du siècle, celle des données, et éviter de finir noyé, il faut renforcer d’urgence ses compétences en pilotage de l’activité: qu’il s’agisse de la maîtrise des leviers de performance (62%), des outils d’analyse (59%), de la mise en place de DMP (data management platform, 46%), de la gestion de bases de données/CRM (43%). Sans oublier les compétences en social media, référencement, adwords…

Bien sûr, la révolution des métiers est toujours en cours: «Nous sommes en train de créer des postes de digital content manager, ou social content manager, capables d’adapter le contenu en fonction des datas», note ainsi Sébastien Imbert, directeur marketing digital de Microsoft. Du côté du social media, il y a aussi une autre tendance: la montée en puissance de la dimension créative. «Nous attendons de nos social media managers qu'ils aient des capacités créatives très fortes», poursuit Sébastien Imbert.

L'un dans l'autre.

Dans cette phase où les métiers se redéfinissent en permanence, un métier peut devenir une des compétences d’un nouveau métier: «Le community management est une des tâches du poste de social media manager, dont le spectre est beaucoup plus large, avec de l’analyse des données, de la veille, de la publication de contenu…, illustre Perrine Grua, la directrice du cabinet Aquent. L’autre enseignement de cette étude c’est que l’on voit se dessiner des parcours d’évolution, et l’on se rend compte que même d’anciens métiers du web, comme le webmaster, ont su se transformer.»

Chez Microsoft, un ancien webmaster est devenu «digital marketing optimization manager», complète Sébastien Imbert.

Paradoxalement, le digital a aussi apporté une nouvelle donne au marketing: «La plupart des équipes marketing n’étaient jamais en contact direct avec le client, rappelle Vincent Montet. Aujourd’hui, avec le marketing digital, il n’est plus rare de recevoir un mail direct du client ou des réactions, interpellations sur les réseaux sociaux.»

Enfin, une question n’est pas encore tranchée: qui du chief digital officer (CDO), chief data officer et du chief digital marketing officer (CDMO) va survivre à la révolution actuelle? Sébastien Imbert, de Microsoft, défend son métier. Pour lui, le CDMO a beaucoup d’avenir: «On commence à en trouver dans de nombreux groupes, mais il survivra s’il parvient à prendre de la hauteur, à donner un cap à son équipe et ne se limite pas à une mission tactique.»

Pour le chief data officer, les besoins sont tels dans les grands groupes, qu’il a de belles années devant lui. Quant au chief digital officer, il est trop tôt pour statuer: la logique voudrait qu’il se fasse harakiri, une fois que toute l’entreprise sera «digitalisée», mais pour l’instant il a encore pas mal de boulot…

 

Avis d’expert 

 

«Les fiches de poste n’ont plus de sens»

 

Vincent Montet, membre du conseil d’administration de l’IAB France, en charge des sujets emplois/formation et directeur de la stratégie digitale de l’Efap

 

«C’est la première fois que l’IAB se positionne sur les compétences, les ressources humaines et l’analyse des métiers. Nous avons mené cette étude avec trois sponsors: Microsoft, La Poste et Aquent. Deux autres organismes nous ont rejoints dans cet état des lieux: l’ACSEL (Association pour le commerce et les services en ligne), le SNCD (Syndicat national de la communication directe) et le CPA (Collectif de la performance et de l’acquisition). L'étude a été menée entre novembre 2014 et janvier 2015, et nous avons eu 400 répondants. L’étude quantitative a été complétée par une étude qualitative, avec deux focus groupe auprès d’une d’une dizaine de personnes.

Le digital crée aussi une nouvelle culture des métiers. La technicité des nouveaux métiers, dont les outils se renouvèlent sans cesse, génère un jargon pour chaque communauté d’expertise. Par exemple, les gens de la performance et du display vont utiliser un vocable différent pour parler de la même chose. Et ils ont du mal à se comprendre. En plus, comme tout le monde tâtonne avec ces nouveaux jobs, le même métier est parfois nommé différemment d’une société à l’autre. Dernier constat: avec le digital les fiches de postes n’ont plus de sens.»

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