Bruno Lévêque, le pivot

Du reggae en fond sonore, des photos de collaborateurs qui tapissent les murs et un éclairage Led style «boîte de nuit», qui change constamment de couleur... En prenant place dans l’ascenseur de Prestashop, éditeur d’une solution de création de boutiques en ligne, pas de doute possible: vous êtes dans une start-up. Ses bureaux parisiens flambant neuf, situés juste à côté de la gare Saint-Lazare, viennent d’être décorés par des artistes de rue. Et un oiseau (le macareux), nouveau logo de l’entreprise, est représenté sur tous les murs. A la tête de cette joyeuse colonie, Bruno Lévêque, jeune trentenaire qui partage son temps entre San Francisco, Miami et Paris. Sa société compte 130 salariés, et a réalisé 11,3 millions d’euros sur chiffre d’affaires en 2014 (en croissance de 30%). Son logiciel open-source est utilisé par 250 000 marchands dans le monde et traduit en 65 langues. Prestashop se rémunère en vendant des modules complémentaires aux e-commerçants: transport, solutions de paiement, logiciels de comptabilité… L’entreprise noue aussi des partenariats stratégiques avec des acteurs clés du marché: Google, Ebay, Paypal, American Express, La Poste, etc., afin que leurs modules soient diffusés gratuitement avec le logiciel Prestashop. Elle travaille aussi avec de nombreuses agences.

Style collégial

La société poursuit sa croissance et recrute une quarantaine de personnes en 2015: marketing, commercial, développement et growth hacker (à mi-chemin du profil marketing, développeur et data scientist). Le manager revendique un style collégial: «L’avis de l’ensemble des équipes compte beaucoup pour moi, dans des start-up comme les nôtres, nous sommes obligés d’avoir des gens impliqués, qui se sentent bien, valorisés, sinon cela ne fonctionne pas, précise Bruno Lévêque. Je demande souvent aux collaborateurs de voter pour des idées. Nous recherchons des profils malins, débrouillards, audacieux, capables de prendre des risques.» Du coup Bruno Lévêque interroge systématiquement les nouvelles recrues sur ce thème: «Quelle est la décision la plus difficile que vous ayez eue à prendre ces douze derniers mois en termes de carrière ou de business?»

Lui-même a su faire pivoter sa start-up au bon moment: «En 2009, nous étions déjà une vingtaine de salariés, nous avons basculé d’un business model de services (développement de sites e-commerce) à celui d’éditeur de logiciel, précise le président, parti dans la foulée à la conquête des Etats Unis, pour faire de sa petite entreprise une “billion dollar company”. Certains de nos gros concurrents sont introduits en bourse et se trouvent valorisés plus d’un milliard de dollars alors qu’ils ont moins d’utilisateurs que nous.»

Selon Jean-Rémi Gratadour, fondateur de Dessin original.com (librairie d’art en ligne), client historique de Prestashop, Bruno Lévêque a très vite compris qu’il devait aller prendre pied aux Etats unis, pour donner une nouvelle dimension à sa solution et être mieux connecté avec les dernières innovations. Les qualités de ce manager, toujours selon Jean-Rémi Gratadour: «Il a créé son entreprise à 22 ans, il est très agile intellectuellement et a une vision très claire. Comme tout patron trop visionnaire, il doit parfois sembler un peu trop tranché, trop déterminé, à ses collaborateurs.»

Le patron de Prestashop a su aussi oublier le management à la française: «Pour que cela fonctionne, il faut s’entourer de managers américains, adopter un discours positif, axé sur l’encouragement, les axes d’amélioration.» Et écouter un peu Bob Marley…