Débat
Montée en puissance des réseaux sociaux, porosité des publics internes et externes, création de directions du contenu… le communicant interne va-t-il survivre à toutes ces révolutions?

OUI. La distinction entre les communications interne et externe a moins de sens aujourd'hui. Les communicants ont adopté une approche par les contenus, qui privilégie l'information au-delà des publics. Il faut dire que le salarié est aujourd’hui un citoyen, un consommateur, un client ou un actionnaire de sa société. Les contenus de communication interne sortent hors de l'entreprise et les contenus externes – médias, réseaux sociaux, etc. – entrent dans l’organisation. La notion de salarié, «un et indivisible», à qui l'entreprise adressait ses messages sans possibilité pour lui de réagir, n'existe plus. D'une communication de haut en bas («top-down»), nous sommes passés à des logiques de pair à pair («peer to peer»), d'animation de communautés, qui mélangent bien souvent des publics internes et externes. Le digital a fortement estompé les frontières, l'entreprise devenant un grand corps social plus ouvert et transparent vis-à-vis du monde extérieur. Dans ce contexte, la direction de la communication a un rôle clé. D'un côté, elle doit certainement accepter un contrôle de l'information moins fort qu'auparavant. Mais elle peut, en parallèle, adopter une posture d'animation de conversations, tout en maîtrisant son timing, en réintroduisant du sens dans l'information, et en veillant à la cohérence des discours: corporate, marketing, RH, actionnaires... Sur le plan de l’organisation, la fusion entre les équipes internes et externes de communication constitue probablement le meilleur rempart contre l’envie, toujours forte, de la fonction RH de s’accaparer le discours interne.

Jean-Luc Letouzé, président de Communication & Entreprise

 

NON. La communication interne n’est pas morte car son public – ceux qui «font» l’entreprise au quotidien – existe toujours. Et quand on l’oublie, ce public interne sait se rappeler à nous… Cependant, la communication interne est appelée à évoluer énormément. D’abord, elle produira moins d’information, en la sous-traitant ou grâce à la «curation» de contenus générés par les salariés. Le communicant interne gardera ainsi son rôle de «rédacteur en chef». Il en profitera pour abandonner la langue de bois afin de réaligner le discours de l’entreprise avec la réalité vécue par les salariés. Fini les trains qui arrivent toujours à l’heure! On parlera vrai. Libéré de cette tâche de production, le communicant interne pourra se consacrer aux missions à forte valeur ajoutée, comme l’écoute et la connaissance des publics internes, la conduite du changement, notamment l’accompagnement de la transformation digitale, et le conseil aux managers. A l’heure où la communication interne est très «digitalisée» et très écrite, il veillera à créer des moments «live», de la proximité et de l’oralité, notamment avec les dirigeants, et à garantir la clarté et l’intimité. Car on ne peut pas dire aux salariés la même chose qu’à ses clients. Parce que la communication interne, ce n’est pas juste informer, c’est surtout développer les échanges au sein des équipes. A l’heure où les entreprises sont préoccupées par la production de contenus et la gestion de leur plateforme de marque, le communicant interne ne peut juste être un expert en dispositifs éditoriaux. Il va devenir un véritable «chief human communications officer».

Guillaume Aper, président de l’Association française de communication interne

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