Recrutement
En agences ou dans les départements communication ou marketing, l’emploi des personnes handicapées stagne. Mais ça commence à bouger doucement. Le point, à l'occasion de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées.

«Nous organisons la dix-neuvième édition de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées (SEPH, du 16 au 22 novembre) et il y a encore des métiers, comme la communication ou le marketing, où rien ne bouge», s’énerve Eric Blanchet, directeur général de l’association l’Adapt. Il faut dire que le contexte de crise a plutôt figé la situation: «Depuis trois ans les chiffres d’embauches sont étals, il y a comme un plafond de verre pour le recrutement des personnes handicapées», poursuit-il. L'Association des paralysés de France évoque le chiffre de 480 000 demandeurs d'emplois parmi les personnes handicapées, et un hausse de 130% en huit ans. Si les agences et les départements marketing ou communication sont plutôt à la pointe en matière de lutte contre les discriminations (genre, sexe, ou race) sur le sujet du handicap, le secteur est à la traîne. Alors pourquoi ça coince? Et si, avec l’embellie économique, les choses étaient déjà en train de changer…

«S’il y a peu de personnes handicapées dans l’univers marketing/communication, c’est parce que nous sommes dans un monde où l’image, la représentation est importante», avance Eric Blanchet, de l’Adapt. Pourtant, aujourd’hui, il y a plusieurs indices d’une prise de conscience. D’abord l’AACC (association des agences conseils en communication) est en train de se mobiliser: «Nous avons beaucoup de mal dans nos agences à recruter des personnes en situation de handicap, note Gildas Bonnel, président de la commission développement durable et de l’agence Sidièse. Du coup, nous venons de décider d’une série d’initiatives: la publication d’un livret baptisé “Guide handicap, mettre en place une démarche simple et concrète”. Et surtout, nous nous sommes fixé comme objectif d’accueillir, dans le cadre du stage obligatoire de 3e, 100 jeunes en situation de handicap.» Enfin, l’AACC souhaite aussi renforcer les relations avec les associations pour mettre en place un vrai projet handicap. «Bref, en 2016 nous allons vraiment accélérer sur ce sujet», affirme Gildas Bonnel.  

Chez Australie (140 salariés dans le groupe), «ce n’est pas une thématique qui était traitée en tant que telle, reconnaît Alexandra Gaudin, directrice des richesses humaines de l’agence. Ce n’est pas un sujet tabou, nous avons deux personnes en situation de handicap et nous avons adapté les postes, rendu l’organisation plus flexible avec du télétravail…» L’agence a décidé de passer à la vitesse supérieure sur ce thème: «Nous allons ajouter le logo “handi-accueillante” en tête de nos annonces d’emploi», illustre Alexandra Gaudin, qui songe à d’autres initiatives dans les mois à venir.

Communication permanente

Du côté des grands groupes, la cause avance doucement. Il faut dire que comme pour tous les métiers de cadres, il y a une pénurie de candidats diplômés: 80% des personnes handicapées n’ont pas le bac. «Nous sommes dans la même situation que la plupart des sociétés, nous plafonnons sur les embauches, d’autant que sur les fonctions marketing ou communication, il y a souvent une exigence de diplômes, surtout en France», dit Sandrine Dhellemmes, directrice inclusion et mission handicap à la Société générale. «A fin 2014, notre taux d’emploi de personnes handicapées est de 2,85%, et il a tout de même progressé de 59% en sept ans. Il ne faut pas cesser de communiquer sur ce thème; sinon c’est un sujet que l’on oublie.» Et, selon Sandrine Dhellemmes, le digital peut être une opportunité, car cela crée de nouveaux métiers, mais à condition que les outils numériques soient déjà accessibles. Or c’est loin d’être toujours le cas…

Au sein de BPCE (Banque populaire, Caisse d’Epargne, 108 000 salariés), le taux d’emploi global est de 4,3% (dont 0,45 d’emplois indirects) et les embauches se poursuivent: le groupe recrute 300 personnes en situation de handicap chaque année, dont un tiers en CDI. «Nous avons 12,5 millions d’euros d’achats par an consacrés au secteur adapté et protégé, et mis l’accent cette année sur les prestations marketing-communication, en proposant à nos filiales un annuaire des structures spécialisées par région», souligne Blandine Jamin, directrice du pôle développement RH chez BPCE. Chez l’opérateur SFR, qui vient de signer un cinquième accord sur le sujet, l’objectif est d’atteindre un taux d’emploi global de 5% en 2018. Le groupe a ainsi confié 3,2 millions d’euros de prestations au secteur protégé en 2014: édition marketing, plaquettes publicitaires, prestations de centre d’appel…  

Les agences doivent montrer l’exemple sur ce sujet, conclut Gildas Bonnel: «La communication a un impact sur l’imaginaire et la société, et le fait d’intégrer des personnes handicapées permettra d’acculturer nos équipes à ce sujet et fera aussi progresser la représentation du handicap dans la publicité.»

Sabooj, une agence de com adaptée

A première vue, Sabooj est une agence comme les autres. Dans ses bureaux, tout proches de la place de la République, il y a le kit complet de l’agence de com: un open-space, des graphistes, une belle mezzanine avec cafétéria...  A première vue seulement, car Sabooj est une entreprise adaptée, fondée en 2009 et qui emploie aujourd’hui dix personnes handicapées sur 14 salariés. «L’idée m’est venue alors que j’étais à la communication RH du Crédit agricole, et je cherchais une entreprise adaptée à laquelle confier des vidéos de recrutement… et je n’ai jamais trouvé, relate Marie-Hélène Delaux, la présidente de l’agence. Le Crédit agricole m’a ensuite accompagné dans ma création d’entreprise». En septembre 2010, elle recrute deux graphistes sourds.   

«C’est compliqué pour des personnes handicapées, de travailler en free-lance, car elles sont assez fatigables et peuvent avoir du mal à gérer une forte pression», explique Marie-Hélène Delaux. Sabooj affiche une belle ambition: après avoir réalisé 520 000 euros de chiffre d’affaires (CA) en 2014, l’objectif et de quadrupler le CA dans les quatre ans et de recruter 20 personnes en situation de handicap.

Aujourd’hui l’agence fait de la com 360: conception du plan de com, édition, web, vidéo, photo. «Et demain des relations presse, de l’emailing, des séminaires, des reportages vidéo…», complète Marie-Hélène Delaux. Les clients de l’agence sont des groupes du CAC 40. Et elle s’associe parfois à d’autres agences sur des appels d’offres: «Comme récemment avec Strateact pour les travaux du futur T9», conclut la dirigeante, qui aimerait aussi travailler en sous-traitance pour de grosses agences de communication… A bon entendeur.

 

La websérie de Bouygues Telecom sur le handicap invisible

L’opérateur sensibilise aujourd’hui ses collaborateurs au handicap invisible à travers une webserie de 8 épisodes intitulée Marc et Andy et cinq bandes dessinées. Sont mis en scène deux acteurs, Marc, collaborateur en lutte constante contre ses handicaps invisibles et Andy, qui met la vie de Marc sens dessus-dessous. Chaque épisode présente, avec un ton décalé et sans tabou, des situations qui peuvent se présenter dans la vie de l’entreprise et montrent que tous les collaborateurs peuvent se sentir concernés. Au total ce sont 12 pathologies génératrices de handicap (acouphènes, hernie discale, diabète, migraine, arthrose…) qui sont mises en lumière.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.