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Depuis deux ans, Stéphane Père pilote la stratégie data de The Economist. Un chantier qu’il mène à distance de ses équipes, en usant d’un management direct et dynamique.

«Un choc.» C’est en ces termes que Stéphane Père, tout sourire, se souvient de ses débuts en tant que chief data officer chez The Economist. Lui, le directeur commercial extraverti et passionné, qui aimait célébrer les succès commerciaux de ses équipes d’un coup de gong lorsqu’il travaillait à New York, le voilà à Paris en train de gérer à distance «une population d’introvertis», pros de la base de données et de l'analyse de données. «J’ai appris que le silence n’était pas un problème; ça le serait avec des commerciaux», estime celui qui pilote depuis plus de deux ans la stratégie data de The Economist.

Sa mission? Générer de nouveaux revenus grâce aux millions de données générées par les lecteurs, internautes et mobinautes du célèbre magazine britannique. C’est ainsi que dès 2014, le titre a lancé sa data management platform (DMP) afin de permettre aux annonceurs de mieux cibler les internautes, que ce soit sur les supports de The Economist ou ailleurs, en utilisant toute la palette publicitaire à leur disposition (vidéo, achat de mots clés, social…). Au préalable, le titre avait dû faire évoluer sa politique en matière de vie privée afin de permettre le retargeting.

Grâce à la data, The Economist a également divisé par deux son coût d’acquisition de nouveaux abonnés sur le digital. «La data est souvent perçue comme une fonction support, dans laquelle les entreprises ont rarement envie d’investir. L’une de mes missions a été de vendre le projet en interne en montrant que nous étions une source de revenus», se souvient le manager de 38 ans, qui a sous sa responsabilité 12 salariés. Signe particulier: il est le seul de l’équipe data à travailler à Paris. Les autres sont répartis entre Londres et New York.

Canal d'irrigation

«C’est frustrant de ne pas être avec mes équipes au quotidien mais il est possible de recréer ce côté dynamique que j’aime dans le management avec des outils web, par exemple en mettant des effets sonores dans la messagerie Google Hangout», s’amuse-t-il. Plus sérieusement, les calendriers sont mis en commun et le suivi des projets se fait par des outils collaboratifs comme Slack ou Confluence.

The Economist veut désormais aller plus loin dans l’utilisation de la data, avec pour objectif d’irriguer toute l’entreprise, qu’il s’agisse des activités online ou offline. «Ma marque de fabrique est d’accompagner les changements de marché. Aujourd’hui le moment est venu de parler de data science. Nous voulons faire plus de prédictif et de modélisation, par exemple pour identifier les abonnés à risque», anticipe le dirigeant.

C’est dans cette optique qu’il vient de recruter un head of data science. «Dans un contexte de surenchère des salaires dans le secteur de la data, nos employés sont très désirables. Le rôle du manager est de vendre aux salariés l’envie de rester. Mon head of data science, j’ai vraiment dû le draguer!», s’enthousiasme le chief data officer.

«C’est dans le stress que Stéphane Père travaille le mieux. Pour lui, la déconnade fait aussi partie du management», se souvient Nathalie Henault, une ancienne collègue au service commercial de The Economist. «C’est un gentil par nature, qui n’est pas obsédé par le pouvoir. Ça lui coûte d’être ferme, mais il a appris», ajoute Marie-Louise Boisseau, qui a également travaillé avec lui à la régie.

Stéphane Père se voit lui comme un manager direct et impatient, qui déborde d’idées et qui a besoin d’être canalisé. «La clé, c’est de s’entourer de profils complémentaires pour neutraliser ses faiblesses», reconnaît-il.

Parcours

1977. Naissance à Paris.

2002. Master en management à l’EM Lyon.

2003. Entre à Canal+ régie puis devient directeur commercial de Yahoo France.

2007. Rejoint The Economist.

2013. Est nommé chief data officer chez The Economist.

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