Profession
Agences et annonceurs s’arrachent les UX designers, cette profession qui s’inspire de l’expérience utilisateur et où il y a plus d’offres d’emploi que de demandes. Enquête sur un métier aux expertises de plus en plus variées.

Des carnets de commandes remplis, des experts qui s’arrachent et des formations qui poussent comme des champignons… L’«UX» (user experience) design est le nouvel eldorado du digital. «Avant, il n’y avait que des agences spécialisées qui proposaient cette démarche UX design, constate Perrine Grua, directrice générale France et Pays Bas d’Aquent. Depuis 2015, c’est l’explosion: des groupes bancaires, des télécoms et autres créent des directions de l’expérience utilisateur, qui peuvent compter des dizaines de personnes. Aujourd’hui, il y a plus d’offres d’emploi que de candidats.» La France était en retard en matière d’UX design par rapport aux Etats-Unis, aux Pays Bas, à la Grande Bretagne. Elle se rattrape à vitesse grand V. Pourquoi un tel engouement pour ce métier? Et au fait, c’est quoi être un UX designer en 2016?

Compétence transversale

«Notre activité explose et l’on se contente de gérer des appels entrants», se targue Sébastien Berten, président d’UX Republic, une agence qu'il a cofondée en 2013 et qui compte déjà 50 salariés. Ne pas avoir besoin d’aller chercher les clients, le rêve de toute entreprise! Si l’UX bénéficie de vents porteurs, c’est logique: «L'usager consulte son téléphone toutes les six minutes en moyenne. Si l’expérience est positive, tout se passe bien, si elle est négative à chaque fois, il a de quoi passer une mauvaise journée», sourit Antoine Visonneau, «évangéliste UX» et directeur associé d’UX Republic. Comme notre relation à notre mobile est devenue fusionnelle, l’interface doit être à la hauteur de cette relation. Et il y a un effet d’entraînement pour tous les écrans: si le gouffre, en termes d’expérience, est trop important entre une appli mobile dernier cri et des applications métiers vieillottes sur un ordinateur de bureau, cela ne peut pas durer longtemps.

Tout cela explique l’engouement pour l’UX design. En réalité, il s’agit plus d’une famille d’expertises, aux dénominations différentes selon les entreprises. Perrine Grua résume cela en trois missions: «L’UX designer, c’est celui qui sait comment vous pensez, le designer UI [designer d’interface], c’est celui qui sait comment vous bougez à l’écran, et le designer d’interaction, c’est celui qui sait comment vous réagissez.» Trois expertises qui peuvent s’entremêler selon les entreprises et les projets: «Le design d’expérience utilisateur peut sous-tendre les deux autres expertises, note Laure Poulain, responsable département design interactif de l’école Les Gobelins. UX, c’est à la fois un métier et une compétence transversale importante.» Pas simple.

Dans la pratique, un UX designer sera plus amené à intervenir en amont pour analyser les usages et établir assez vite un premier prototype (wireframe, c’est-à-dire fil de fer en anglais). «Très vite, on fera du “guérilla testing”, c’est-à-dire établir des maquettes assez basiques que l’on fera tester par des inconnus au Starbucks ou dans une gare, explique Antoine Visonneau, d’UX Republic. Cela nous permet de détecter 80% des erreurs de conception.» Puis interviendra le designer UI: «Il est plus dans l’habillage, l’interface émotionnelle, il va déterminer l’ambiance, les couleurs, les typos, travailler sur l’efficacité de la page, cela correspond davantage à ce que l’on appelait l’ergonome», poursuit Laure Poulain. Enfin, il y a le travail du designer d’interaction. Là, il s’agit de comprendre comment les internautes peuvent échanger avec la marque, à travers une autre expérience: «Par exemple nos étudiants ont imaginé autre chose qu’un bouton pour interagir en ligne avec la marque Sisley, une manière de créer une relation unique avec la marque», décrit Laure Poulain, de l'école Les Gobelins.

Reconversions

La montée en puissance de l’UX n’est pas prête de s’arrêter, selon Perrine Grua, d'Aquent: «La démarche UX change la façon de travailler le marketing, elle est même utilisée pour aider à la transformation des entreprises.» Enfin, à mesure que les équipes grandissent, apparaissent aussi des managers, tel le lead UX (directeur). Il s’agit à la fois d’encadrer les équipes de production et d’insuffler cet esprit UX dans toute l’entreprise. Ces vents porteurs créent des vocations, donnent des ailes à des professionnels en quête de reconversion: «On retrouve des profils issus des sciences cognitives, du marketing, du développement, des créatifs…», détaille Perrine Grua.

Des formations nombreuses

«C’est un métier nouveau, il est très difficile d’avoir des profils qui l’exercent depuis cinq ans, il y a donc très peu de seniors, explique Benoit Drouillat, directeur UX et digital de World Appeal, cofondateur et président de l'association professionnelle Designers interactifs, qui vient de publier une enquête sur les métiers de l’UX. Les écoles ont été très réactives, elles sont aujourd’hui nombreuses à former à cette expertise, qui n’existait pas il y a 3-4 ans. Actuellement, plus de 60% des professionnels exerçant ce métier ont au moins un niveau bac +5.» 
 
 

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