Ressources humaines
Les chatbots sont en train de coloniser les services clients des entreprises, mais ils ne s’arrêteront pas là. Prochaine étape: la DRH.

Une armée de robots! En quelques mois, les chatbots (robots conversationnels) se sont multipliés dans Messenger, la plateforme de communication de Facebook, au point qu’ils sont déjà plus de 11 000, comme l’indiquait fin juin David Marcus, le vice-président des services de messagerie du réseau social. Leur mission: faciliter le dialogue entre les marques et les internautes sur le réseau. Grâce à un mélange d’intelligence artificielle et d’analyse du langage naturel, ils sont capables de réaliser des petits miracles en matière de relation client. Au point que leur usage va certainement s’étendre à d’autres domaines. Facebook at Work, le réseau social d’entreprise qui devrait être lancé officiellement d’ici à l’automne, intégrera d'ailleurs des bots dans sa messagerie (baptisée Work Chat). Et au sein du réseau social d’entreprise de nouvelle génération Slack (très utilisé dans les start-up), il y a déjà des services automatisés en RH. Dans quels domaines ces robots conversationnels vont-ils s’imposer? Les DRH eux-mêmes deviendront-ils des bots?

Personnalisation

«Nous sommes aux débuts des bots en RH, mais cela va se développer très rapidement, prédit Jean-Noël Chaintreuil, fondateur de la société “231E47”. Dans Slack, il y a déjà une section RH avec 300 applications automatisées aussi bien pour évaluer la performance des salariés, réaliser des sondages d’opinion, mesurer la qualité de vie au travail, planifier les congés.» Parmi les Slack Bots, l'un des plus aboutis est sans aucun doute Leo, le bot d’Office Vibe, qui permet d’évaluer la satisfaction des salariés. Ils sont capables de collecter des informations et de dialoguer. Mais ils vont gagner en intelligence dans les prochains mois et seront capables de proposer des services de plus en plus complexes, et de formuler des réponses personnalisées.

«L’idée, c’est de faire en sorte que les collaborateurs n’aient plus à appeler les RH pour des tâches répétitives et à faible valeur ajoutée», poursuit Jean-Noël Chaintreuil. D’autant que comme le souligne Olivier Fecherolle, directeur business développement RH Europe de l’Ouest d’Oracle, «les services ressources humaines doivent gérer de plus en plus de salariés et ils ne peuvent pas tous les prendre au téléphone. D’ailleurs notre logiciel HR helpdesk, lancé récemment, aide l’employé à trouver les informations dans la masse de données RH pour résoudre son problème. C’est une étape intermédiaire avant l’arrivée des bots. Par exemple, le salarié peut poser sa question en langage naturel: “Combien me reste-t-il de jours de congés?”»

Coachs

Selon Arnaud Pottier-Rossi, directeur associé de l’agence Kalaapa: «Tout ce qui est de l’ordre du conversationnel et de l’analytique va être laissé à des robots et à leur intelligence artificielle.» Concrètement, les bots devraient être capables de vous rappeler que vous avez une formation, de vous aider à gérer vos congés, et pourquoi pas les notes de frais… Dans le recrutement, ils pourront assurer le suivi des candidatures, des entretiens, répondre aux questions sur le déroulé du processus d’embauche… Au fur et à mesure, les bots gagneront en intelligence et rempliront une fonction supplémentaire dans leurs missions: ils seront ainsi capables d’analyser une candidature reçue et de demander au postulant des documents manquants.

L’arrivée de bots pourrait aussi changer le mode de relations en instaurant un dialogue continu entre RH et salariés, aussi bien pour évaluer la motivation de ces derniers que leur performance… «D’ailleurs ils pourront se transformer en coachs de carrière, en challengeant les salariés sur leurs compétences, en leur suggérant des formations, note Alexandre Pachulski, DG produits de Talentsoft, éditeur de logiciels RH. Ces bots joueront aussi le rôle de mini-espions, capables de remonter des informations sur les collaborateurs».

Les bots permettront une meilleure connaissance des individus, de leurs motivations, de leurs performances, et même de leur santé… «Si demain les bots sont conjugués aux objets connectés, cela pourrait donner naissance à de nouveaux services pour améliorer le bien-être des salariés, note Olivier Fecherolle. Par exemple, une entreprise pourrait offrir un bracelet connecté à ses salariés, et le bot serait chargé de lui rappeler les conseils de bonne santé: tu n’as pas fait tes 6 000 pas quotidiens sur les cinq derniers jours». Le DRH du futur sera aussi un manager de bots.

Avis d’expert

«Les bots vont révolutionner le management»

Didier Pitelet, président-fondateur d'On the moon

 

Les entreprises sont-elles prêtes pour la révolution «chatbot»?

Didier Pitelet. Non, les sociétés et les départements ressources humaines ne sont pas du tout prêts pour cela. Ils en sont encore à essayer d’intégrer la révolution précédente: celle des données. L’objectif: permettre à un salarié d’accéder en temps réel à ses données personnelles et professionnelles. Si les individus sont d’accord pour partager ces informations (dans une certaine mesure), les sociétés ne sont pas prêtes. Cela coince encore au niveau du croisement et de l’utilisation de ces datas car là aussi cela remet tout en cause: les mentalités, les process de recrutement, la gestion des ressources humaines…



Les bots vont-ils modifier le management?

D.P. Oui mais cela va prendre du temps. Si les outils se développent et s’améliorent à toute vitesse, il ne faut pas sous-estimer le temps nécessaire à leur adoption dans les usages de l’entreprise. Cela prendra trois ou quatre ans avant que cela soit intégré réellement dans leur mode de fonctionnement. Ces bots revisitent la notion de confiance, et du coup ils devraient accélérer la refonte des modèles de management. Les robots, en s’occupant des tâches à faible valeur ajoutée, devraient libérer du temps aux managers et leur redonner des marges de manœuvre, une place à l’initiative... Je vois cela comme un nouveau champ des possibles en termes de management.

 

 

 

Demain, un entretien d’embauche avec un robot ?

Esther Crawford, une chef de produit marketing installée à San Francisco, a créé son propre bot «Esther Bot» sur Messenger pour répondre aux questions sur son profil, ses compétences, sa carrière. Un simple coup de pub? Pas certain. Et si cela créait des émules, et si demain le dialogue entre le bot du candidat et celui des RH servait d’entretien de présélection afin de valider des informations basiques: compétences, maîtrise des langues, mobilité… Là encore, pas question de remplacer les humains qui pourraient se concentrer davantage sur la personnalité.  

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