Formation
ENA, Sciences Po et Ecole polytechnique, comment ces établissements qui forment les futurs dirigeants ont plongé dans le grand bain du digital.

Les creusets où se forment les futures élites n’échappent plus au digital. Exemple avec trois des principales écoles en France.

Sciences Po

L'école a fait une première incursion dès 2008 en mettant ses cours en ligne. Depuis, l’école de la rue Saint-Guillaume, dans le VIIe arrondissement parisien, est nettement montée en puissance en greffant du digital dans ses nombreuses formations et en produisant des Mooc (cours massifs en ligne). Des partenariats ont été noués avec des acteurs clés du digital. Celui avec Harvard a donné naissance au Media Lab, qui s’inspire du célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology), pour créer un lien entre données et sciences humaines. Les étudiants participent ainsi à des hackathons afin de trouver des solutions à des problèmes de politique publique. Des applications ont vu le jour, par exemple pour faciliter le don de denrées alimentaires aux plus défavorisés. Un autre partenariat, noué avec l’école 42, permet aux étudiants qui se destinent au journalisme à faire des parcours dans la «piscine» (espace des développeurs) et de se familiariser avec toutes les problématiques numériques liées à la collecte, la mise en forme et la diffusion des données.

Sciences Po a même créé un executive master digital humanities. Objectif: permettre aux professionnels de «(re)penser leur stratégie, leur modèle d’affaires, leur environnement, leurs métiers et leurs pratiques pour les transformer en un ensemble d’opportunités». En intégrant le digital dans ses enseignements et pratiques, cette pépinière de futurs dirigeants ne dévie pas pour autant de son horizon pédagogique, estime Cornelia Woll, directrice des études et de la scolarité: «Nous avons pour objectif que nos étudiants acquièrent une culture du digital. Il ne s’agit pas uniquement de savoir utiliser les outils numériques, mais de comprendre l’univers dans lequel s’inscrivent ces outils. Ils ne doivent plus se laisser impressionner et en maîtriser les enjeux.»

L'Ecole polytechnique

Les «X» disposaient d’un avantage: leur haut niveau en mathématiques et en sciences. Pour donner sa pleine mesure à cet atout et mieux répondre à la demande des entreprises, friandes de profils capables d’analyser des données, l’école a enrichi ses cursus avec des enseignements sur les outils d’analyse. Un mouvement qui a abouti au lancement en septembre d’un master conjoint avec HEC Paris (big data for business), comprenant des sessions de formation continue. «Le but n’est pas de transformer les étudiants en datascientists, mais qu’ils puissent échanger avec des spécialistes. Cette formation leur montre aussi les limites de l’analyse des données», précise Frank Pacard, le directeur de l’enseignement et de la recherche de Polytechnique. 

En septembre 2015 a été créé un département centré sur le management de l’innovation et de l’entrepreneuriat. «Avec la digitalisation de l’économie, il devient possible d’extraire des informations d’une grande masse de données, et cette activité devient stratégique, rappelle Frank Pacard. La récolte et l’exploitation des données sont donc un terreau propice pour la création d’entreprise.» Les étudiants qui se destinent à l’entrepreneuriat et au monde économique bénéficient ainsi de cours sur le management de la transformation numérique. De quoi renforcer les chances des nombreuses start-up nées au sein de l'école, les étudiants disposant en effet d’un incubateur et d’un accélérateur dotés d’outils numériques afin de tester leurs concepts et façonner des prototypes.

ENA

L’Ecole nationale d'administration n’échappe pas au mouvement et propose aussi à ses élèves de participer à des hackathons ou de découvrir le design, en partenariat avec l’Ensci (Ecole nationale supérieure de création industrielle). Le but? Développer une conception innovante des politiques publiques. Les équipes pédagogiques ont également monté une communauté de pratiques après un séminaire avec l’Ensci et le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers). L’intégration du digital dans le cursus s’inscrit cependant dans un cadre bien spécifique, rappelle Fabien Gélédan, en charge du management public et de l’innovation: «L’objectif clé est de permettre aux élèves de comprendre ce que le numérique fait à la société et à l’État, mais aussi ce que celui-ci peut et doit faire.» Le cursus s’est donc enrichi d’intervenants, tel Jérôme Lecat, fondateur et CEO de Scality, spécialisée dans le stockage à grande échelle dans le cloud, venu expliquer comment l’action publique peut favoriser le développement des start-up, et d’autres spécialistes ou experts, comme Pierre Pezziardi et Nathalie Chiche, qui ont évoqué les conséquences sur l’État de l’ubérisation et de la «blockchainisation». Les élèves ont aussi reçu la visite d'Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique et de l’Innovation. Autant d’échanges formateurs pour de futurs hauts fonctionnaires, estime Fabien Gélédan: «Cela leur permettra de mieux maîtriser de nouveaux modes d’élaboration d’une loi à l’époque d'Uber. Ils auront les outils pour mettre en œuvre les décisions politiques, mais aussi apporter aux décideurs des points de vue éclairés.»

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.