Ressources humaines
Flambée de l’immobilier oblige, l’heure est à la rationalisation dans les entreprises. Objectif : faire des économies en réduisant les espaces de travail. À quel prix ?

Convivialité, meilleure communication, transparence, barrières hiérarchiques effacées… La promesse d'un open space a en théorie de quoi faire saliver. Mais dans les agences de publicité et les rédactions, où la communication interpersonnelle est pourtant fondamentale, les salariés semblent en être revenus. «Quand on ne parle pas, c'est un mouroir, résume un journaliste de la presse économique dont la rédaction est récemment passée en tout-open space. Et quand on ouvre la bouche, on dérange les autres, qui ne peuvent plus se concentrer.» Le socio-économiste Alain d'Iribarne ne dit pas autre chose: «L'open space tel qu'il est vécu par les salariés, c'est Huis clos de Sartre, estime-t-il. Avec les autres pour enfer.»

Absence d'intimité, distraction constante, stress accru, contrôle de chacun sur l'autre: ces espaces ouverts, inspirés des centres d'appels et des salles de marché, séduisent depuis une dizaine d'années les entreprises de tous secteurs. Selon Actineo, une association regroupant les entreprises de l'aménagement de bureau, 60% des sociétés françaises sont aujourd'hui converties à l'open space. Et le mouvement ne semble pas près de s'arrêter.

En plein cœur de la crise, qui affecte tout particulièrement les sociétés de communication et de médias, l'open space trouve une résonance nouvelle devant la nécessité de réduire les coûts immobiliers. La formule permet, selon Actineo, de diminuer de 10% à 40% la surface nécessaire, ce qui laisse au salarié entre 6 et 8 m2 de bureau. Rapporté au coût moyen par salarié, cela représente plus de 15000 euros par an pour les entreprises de 100 à 1000 salariés. Une sacrée économie !

Du coup, les déménagements de sièges sociaux se multiplient depuis deux ans, avec un nombre de mètres carrés de bureaux en diminution de 26% pour les locations en France en 2009, et de 40% pour les achats.

Territoire rassurant

Deux sondages, réalisés à l'automne(1), montrent pourtant que l'attente des employés est grande. Pas moins de 70% des collaborateurs estiment que leur employeur n'a aucune imagination en matière d'aménagement, la moitié considérant leurs bureaux comme inadaptés et source de stress. Parallèlement, 80% jugent important l'emplacement des locaux, 92% le qualifiant même de prioritaire et susceptible d'influencer leur choix en cas de mutation. De quoi faire réfléchir les entreprises qui souhaitent, pour économiser des loyers, déménager dans des lieux éloignés des centres de vie.

«Tant que les entreprises ne prendront pas en compte le vécu des salariés avec leur espace de travail, elles ne créeront que démotivation et frustration dans leurs équipes, estime Alain d'Iribarne. La société française est une société de terriens. Or, le bureau est un territoire, la référence de base des salariés. Si vous enlevez cette référence pour glisser vers le tout-open space, c'est la perte de repères assurée.»

Comment éviter les échecs? Déjà, il importe en amont d'associer les collaborateurs à la réflexion sur l'aménagement et l'emplacement des locaux. Ensuite, de concevoir des types d'espaces différents à côté des espaces ouverts: salles de réunion, lieux pour s'isoler et pour se détendre.

Comment y travailler? Le travail à distance est vu comme une des solutions d'avenir. «Les taux d'occupation des locaux ne dépassent pas 50% dans les entreprises françaises, note Valérie Simier, "workplace manager" chez Cisco System France. Cela pose forcément la question des nouvelles façons de travailler. Pour cela, il faut passer d'un management de contrôle à un management de confiance.» Ce qui est loin d'être aisé.

Mais le télétravail comporte aussi sa dose de risques. Au-delà d'une moindre implication et d'une cohésion d'équipe diminuée, Alain d'Iribarne met en garde les salariés tentés par cette formule: «si, dans le modèle de valeur de l'entreprise centrée sur l'actionnaire, l'immobilier est un coût fixe à réduire, il faut bien être conscient que le salarié est lui aussi devenu un coût fixe…»

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