international
Alors que l'Espagne est en récession, la chaîne d'hypermarchés Mercadona bat en productivité ses concurrents grâce à une gestion soucieuse de son personnel. Le bouche-à-oreille porte sa renommée alors que le groupe n'investit plus en publicité depuis près de vingt ans.

En pleine sinistrose économique, le groupe de grande distribution espagnol Mercadona apparaît comme une curieuse oasis. Alors qu'en Espagne la crise a envoyé 20% de la population active au chômage, la chaîne de 1264 supermarchés a embauché 500 personnes en 2009, qui sont allées grossir un contingent de 62 000 employés. Tous sont sous contrat à durée indéterminée, une anomalie dans un pays ou près d'un tiers des emplois sont temporaires. Autre surprise: le groupe familial n'investit plus en publicité depuis 1993. Mais plus de 25 000 «fans» ont rejoint une page Facebook vantant ses charmes, et il figure parmi les enseignes espagnoles les plus reconnues. Champion de la marque de distributeur (52% de ses ventes), Mercadona est parvenu à faire de ses produits génériques des «must have» chez les jeunes branchés.

«Toyota a révolutionné la manufacture dans les années 1980 en produisant des véhicules de bonne qualité à bas prix grâce à l'investissement dans les processus et à la formation de ses employés. Mercadona est le Toyota de la grande distribution», analysent deux chercheurs de la Harvard Business School, Zeynep Ton et Simon Harrow, qui ont consacré une étude à son modèle commercial baptisé «Qualité totale».

Ici, le client, ou le «chef» comme l'appellent religieusement ses responsables, chapeaute la pyramide des priorités de l'entreprise, qui cherche à lui offrir le meilleur rapport qualité-prix. Un objectif qui doit être respecté sous peine de réduire à néant l'unique stratégie de communication du groupe. «Son renom est fondé sur le bouche-à-oreille et la couverture médiatique, souligne Rosario Silva, professeur de stratégie à l'IE Business School. Pourquoi en parle-t-on ? Les médias s'intéressent à une stratégie différente et les clients sont satisfaits.»

Pas de petites économies

Deuxième priorité: l'employé. Mercadona affirme parier sur leur «autoaccomplissement» à travers la garantie d'un emploi stable, une politique de conciliation familiale et une formation continue de 70heures par an. Les salariés peuvent ainsi occuper plusieurs postes selon les pics d'activité. «Mercadona s'appuie sur la productivité des employés dans un secteur où la norme est plutôt de réduire les prix en baissant le coût des ressources humaines», remarque Rosario Silvano. Et ça marche, selon l'équipe d'Harvard: à 232 260 euros, le montant des ventes par employé dépasse celui de tous les autres supermarchés d'Espagne.

Par rapport à ses fournisseurs, Mercadona contrôle enfin de près le processus de production et distribution pour mieux dénicher les sources d'économie. En 2008, alors que le PIB espagnol commençait à plonger avec la consommation, la direction a repensé sa stratégie. Comment satisfaire une clientèle au pouvoir d'achat plus limité dans un secteur aux prix déjà très ajustés? Le groupe a finalement réussi à économiser 500 millions d'euros en 2009 à travers une centaine de petites initiatives. Soit par exemple 2,6 millions d'économies «en éliminant l'effet satiné des briques de lait». Les sous-traitants qui fabriquent exclusivement les produits de la marque de distributeur ont dû rapprocher leurs usines des centres logistiques (10 millions d'économies). La compagnie a d'autre part accepté de diviser par deux ses bénéfices, qui s'élevaient à 270 millions d'euros en 2009.

Mais Mercadona a surtout secoué le secteur en annonçant la suppression de 1000 références de produits sur les 9000 proposées en rayons pour se recentrer sur ses trois marques de distributeur. «J'avoue que j'aimerais parfois avoir un peu plus de choix», confesse une cliente.

D'autres critiquent sur le Net l'omniprésence et la ferveur des admirateurs de la marque, qu'une internaute rebaptise «Sectadona». Ailleurs, un petit groupe de 15 personnes a investi Facebook pour dénoncer un responsable apparemment trop autoritaire. Une publicité négative encore bien faible face à l'avalanche d'éloges. «Mercadona est sans aucun doute la marque star de notre classement», affirme ainsi Interbrand dans son rapport sur les meilleures marques espagnoles 2009, où la «valeur marque» du distributeur a bondi de 37%, pour atteindre 544 millions d'euros.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.