Femmes managers
Avec Laurent Joffrin, le partage des rôles à la tête de Libération est clair: à lui l'éditorial, à elle le développement de l'entreprise.

Lorsqu'elle pose ses valises rue Béranger, à Paris, la nouvelle coprésidente du directoire de Libération arrive dans un journal en crise. Une secrétaire de rédaction a entamé une grève de la faim dans les murs du quotidien pour protester contre son licenciement. «À ce moment, il y avait une vraie crise doublée d'un évident besoin de trésorerie, se rappelle un journaliste. Elle a vécu un véritable bizutage, mais s'en est plutôt bien tirée.» Arrivée d'EMI France et des paillettes du Midem en février 2009, Nathalie Collin embraye sans transition. «Le conflit qui existait entre cette femme licenciée et le journal était très violent, raconte-t-elle. C'était une expérience extrêmement difficile pour un manager, et qui a duré plus d'un mois. Après, les choses m'ont semblé plus faciles, en comparaison.»

Peu de choses, pourtant, appelaient cette diplômée de l'Essec à prendre les rênes de Libération. «Aucun chasseur de têtes ne m'aurait confié ce poste», reconnaît-elle. Mais outsider, elle l'a déjà été avec succès lors de son arrivée chez Virgin, sans expérience de l'industrie du disque. «On ne permet pas assez aux gens de faire des pas de côté au cours de leur carrière», regrette-t-elle. Une enjambée que Nathalie Collin a pu réaliser grâce à l'ancienne présidente du conseil de surveillance de Libération, Agnès Touraine. Celle-ci partant en quête d'un remplaçant à Denis Pierrard, alors directeur général du journal. «Elle cherchait plutôt une femme issue d'un autre monde que celui de la presse», raconte François Wenz-Dumas, délégué du Syndicat national des journalistes (SNJ).

Alors que Laurent Joffrin garde sa casquette de responsable des choix éditoriaux, Nathalie Collin s'empare de la stratégie de développement. «Il y a peu de gens qui possèdent tous les talents de manager: je trouve que le binôme est une très bonne formule», affirme-t-elle. Le duo fonctionne. «C'est un binôme qui renvoie l'image d'un bon fonctionnement», affirme Ludovic Blécher, responsable du site liberation.fr. «Ils sont très complémentaires», souligne François Wenz-Dumas. Lui à la partition et à la direction d'orchestre journalistique, elle à la mise en musique hors de l'éditorial.

«Toujours à la recherche d'analogie»

Exigeante et impliquée («Lorsque j'ai un objectif, je mange, je dors, je vis avec», dit-elle), Nathalie Collin l'est aussi pour l'ensemble de la presse. Au-delà de Libé, elle a pris son bâton de pèlerin pour la profession. Elle est à la tête du conseil de gérance de la Coopérative des quotidiens de Paris, l'une des cinq coopératives de Presstalis, et siège au Syndicat de la presse quotidienne nationale. Son cheval de bataille: instaurer «une contribution créative» prélevée sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès Internet afin de soutenir la presse en ligne. «Elle est toujours à la recherche d'analogie entre ce qui s'est produit dans l'industrie du disque et celle de la presse. Cela lui donne une très bonne expertise sur les défis que posent les contenus aspirés», relève Nicolas Beytout, PDG du groupe Les Échos.

Confirmation amusée d'un journaliste: elle a su bousculer les portes du ministère de la Culture pour faire avancer les choses, et un peu «piqué son rôle de “ministre des affaires étrangères” à Laurent Joffrin».

 

 

Son parcours en bref

1988. Diplômée de l'Essec, maîtrise de droit des affaires.

1997. Directrice administrative et financière de Virgin France.

1999. Directrice générale de Virgin France.

2008. Présidente d'EMI France.

9 février 2009. Coprésidente du directoire de Libération.

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