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Plus de diversité, plus d’alternance, plus de numérique… voilà les nouvelles tendances qui s’invitent dans les programmes 2010/2011.

Smartphones coupés, ordinateurs portables interdits, Powerpoint banni dans les présentations... Non, vous n'êtes pas dans un monastère tibétain isolé sur les contreforts de l'Himalaya, mais en salle de cours à l'Iscom, école supérieure de communication et de publicité, en plein cœur de Paris. Les étudiants y sont soumis à un ascétisme numérique strict. «Après une réflexion avec des spécialistes en neurosciences et nos professeurs, nous avons décidé d'opter pour un travail sans écran, explique Virginie Munch, directrice générale de l'Iscom. Nos élèves doivent être concentrés, en état de recevoir des messages, pas question qu'ils se dispersent sur les réseaux sociaux.» Couper tout lien avec le Web, cela peut sembler radical pour des étudiants qui vont baigner dedans, à temps plein, dans leur futur métier. Mais si les outils numériques n'ont pas cours, le numérique est lui omniprésent dans la plupart des cours de cette école, comme dans toutes les formations à la communication et au journalisme.

 

C'est d'ailleurs la première révolution qui se dessine en cette rentrée 2010 dans les programmes de ces établissements: toujours plus de modules et d'options portant sur le Web et ses conséquences professionnelles. Mais ce n'est pas la seule! Panorama des tendances à suivre dans les écoles de communication et de journalisme.

 

Le numérique bouscule les cours

 

Dans les écoles au cursus de cinq ans, qui recrutent aujourd'hui les lycéens après le bac et les emmènent jusqu'au marché du travail, le défi est de taille: comment leur donner des cours sur le numérique et le Web qui seront encore valables en 2015? «En 1985, il n'y avait pas d'Ipad, d'Iphone, ou de Facebook, aime à rappeler Marc Drillech, directeur général d'Ionis Education Group, dont fait partie l'Iseg Marketing et Communication School. Il faut gérer le stock et le flux, les concepts de base qui traversent le temps, et les nouveautés. Résultat, on enseigne Facebook aujourd'hui, alors que ce n'était pas le cas il y a deux ans.» Pour coller au plus près de la réalité du Net, les étudiants de cet établissement consacreront cette année dix heures à créer leur blog personnel.

 

Le tempo infernal imposé par le Web et ses nouvelles modes incessantes force les écoles à se remettre en question en permanence. Ainsi à l'école de journalisme de Sciences po Paris, tous les cours numériques de master 1 et 2 ont été refondus cet été. Et afin d'intégrer le temps réel dans l'évolution de ses cours, la formation a créé depuis février dernier un blog baptisé «Work in progress» (http://blog.slate.fr/labo-journalisme-sciences-po/).

 

«L'idée est de produire de l'information, de bâtir des cas pratiques pour répondre aux questions que l'on se pose chaque jour dans notre métier, explique Alice Antheaume, chargée de la prospective. Il y a par exemple un article qui explique comment retrouver la source d'une vidéo qui buzze, d'autres sur l'impact de Google ou des communautés sur l'écriture journalistique...» À la fois vade-mecum du journalisme Web et lieu de réflexion sur ses pratiques, «Work in progress» complète bien les cours, grâce à son côté «live».

 

Bien sûr dans le même temps, le numérique (gestion de l'e-réputation des marques, community management, journalisme Web, etc.) fait également partie des fondamentaux enseignés dans la plupart des écoles. Avec souvent des cours spécifiques: ainsi les étudiants de quatrième année de l'Iscom ont 24 heures de cours sur le thème du management de la communication numérique. Quand ce ne sont pas des programmes entiers. Ainsi l'ECS Paris vient de lancer un Mastère 2 en communication digitale, une formation conçue en partenariat avec Guillaume Multrier, président d'Isobar et directeur général d'Aegis Media France.

 

La diversité gagne du terrain

 

12 sur 19. Voilà le beau score réalisé par la première promotion de la classe «préparation égalité des chances» créée en septembre 2009 à Bondy (93) par l'École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille et qui prépare aux concours d'entrée d'écoles. Si cinq étudiants ont, naturellement, intégré l'ESJ, sept ont rejoint d'autres établissements reconnus. Un succès pour cette classe prépa entièrement gratuite, financée sur fonds propres par l'école, avec des parrains comme TF1 et M6.

 

Et une bonne nouvelle car les médias sont accusés - à juste titre - de ne pas tout mettre en œuvre pour favoriser la diversité dans leurs rédactions. Pierre Savary, directeur des études de l'ESJ, regrette au passage que ce dispositif qui prépare à tous les concours ne soit pas mutualisé entre les différentes écoles de journalisme.

 

Les établissements s'attaquent aussi aux barrières à l'entrée comme les frais d'inscription aux concours. Ainsi le CFJ les a-t-il réduits de moitié pour les boursiers. L'ESJ Lille a décidé qu'à partir de 2011 les quatre épreuves du concours seraient réunies sur une seule journée, au lieu de deux. «Cela évite aux étudiants de devoir payer le logement sur place, ce qui pouvait être un frein», admet Pierre Savary, de l'ESJ Lille.

 

Autre façon de favoriser la diversité, l'école de journalisme de Sciences po Paris verse à chaque étudiant boursier un complément financier de 50 %. Moins de révolutions du côté du Celsa ou du Centre universitaire d'enseignement du journalisme (Cuej) de Strasbourg, il faut dire que leur statut universitaire rend leurs tarifs attractifs par rapport aux écoles privées: il n'y a que les droits universitaires à régler (300 euros au Celsa).

 

Autre stratégie trouvée par le CFJ, depuis la rentrée 2010: permettre aux étudiants admis à son concours de choisir entre le cursus classique et l'apprentissage. Une façon pour les étudiants aux revenus modestes de faire leurs études en étant rémunérés. La piste de l'alternance, c'est également le choix fait par les écoles de communication pour favoriser la diversité.

 

L'alternance s'impose en force

 

L'alternance, tout le monde s'y met! Le principe? L'étudiant est salarié par une entreprise, il est rémunéré et mène de front, à temps partiel, les cours à l'école. La formule séduit de plus en plus d'établissements. Ainsi, le Celsa, qui dispose déjà de deux masters pro en apprentissage (ressources humaines et communication, stratégie de marque et branding), vient d'en lancer deux autres à la rentrée de septembre. «En management de la communication et en risques, opinion et stratégies de communication», selon Véronique Richard, sa directrice.

 

L'Iscom pour sa part s'est lancée dans les bac + 5 en alternance depuis quatre ans. «L'idée était de créer une formation sur une problématique pointue, à l'instar du programme "Stratégie et création d'événements" bâti avec l'Association des agences de communication événementielle (Anaé)», détaille Virginie Munch, directrice générale de l'Iscom.

 

Dans les écoles de journalisme, la pratique se développe à grande vitesse. L'Institut pratique de journalisme (IPJ) propose un cursus de ce type depuis 2005. Le CFJ depuis 2007.
Le Celsa (journalisme) envisagerait d'en ouvrir un l'année prochaine...

 

Pourquoi cette ruée vers l'alternance? Pour les écoles c'est une garantie de mieux insérer leurs étudiants. «Six mois après leur sortie de l'établissement, 83 à 86% de ces diplômés sont embauchés, c'est dix points de plus qu'à l'issue d'un cursus classique», souligne Virginie Munch.

 

Ouvrir une filière en apprentissage, c'est aussi un moyen pour les écoles de se diversifier et de faire rentrer de l'argent dans un contexte morose. «La taxe d'apprentissage qui peut représenter jusqu'à 15 à 20% du financement des écoles, a fortement baissé cette année, explique Régis Vallée, président de la commission formation de la Conférence des grandes écoles. Certains établissements ont perdu 15% du montant de leur taxe d'apprentissage.»

 

En effet, elle est assise sur la masse salariale des entreprises, or cette dernière a considérablement diminué avec les vagues de licenciements de l'année passée. «Dans le même temps les règles de répartition ont changé favorisant les formations en apprentissage», poursuit Régis Vallée.

 

Mais si la formule apprentissage gagne du terrain, les écoles ne la traitent pas sur un pied d'égalité avec les cursus classiques car, au final, les étudiants n'accèdent pas au même diplôme.

 

Les doubles diplômes se multiplient

 

Il y a les partenariats prestigieux: c'est le cas du double diplôme créé par l'école de journalisme de Sciences po et la Columbia University (New York) depuis la rentrée 2008. Les unions audacieuses, comme le partenariat depuis juin 2010 entre le Celsa et l'École nationale supérieure de création industrielle (Ensci - Les Ateliers), qui aboutit à un double diplôme de master en communication et d'ingénieur designer. Ou les mariages de raison, tel le rapprochement à partir de la rentrée 2011 entre l'ESJ et Sciences po Lille. Cela débouchera également sur un double diplôme pour les étudiants.

 

À l'autre bout de la France, à Grenoble, l'institut d'études politiques et l'ESC Grenoble ont aussi décidé de faire un bout de chemin ensemble: ils créront en septembre 2011 un double diplôme en journalisme économique et une chaire Information et nouveaux médias numériques. Les étudiants inscrits dans ce cursus suivront conjointement les enseignements du master de journalisme de Sciences po Grenoble et le programme grande école de l'ESC Grenoble. In fine, ils obtiendront là aussi un double diplôme.

 

En fait tous les établissements d'enseignement supérieur - publics ou privés - ont une frénésie de mariages, rapprochements, fusions, partenariats... avec l'école de l'autre côté de la rue ou à l'autre bout de la planète. Les formations à la communication et au journalisme ne font que suivre un mouvement plus global.

 

Les stars s'invitent en cours

 

Une conférence de presse avec Pape Diouf et Jean-Pierre Foucault en invités de marque: le lancement conjoint en début d'année à Marseille de l'Institut européen de journalisme et de l'European Communication School, n'est pas passé inaperçu. Et ce n'était pas juste de l'affichage pour attirer les étudiants, se défend tout de suite sa directrice, Aline Madilian. «D'ailleurs, Pape Diouf et Jean-Pierre Foucault sont actionnaires, et ils représentent une vraie valeur ajoutée pour nos futurs étudiants car ils leur prouvent que des Marseillais peuvent réussir.»

 

En tout cas leurs noms devraient être décisifs pour aider l'école à s'ancrer dans cette région, très attachée à ses figures locales et surtout à ce qui a un lien avec l'Olympique de Marseille. L'établissement, qui vient de faire sa première rentrée, revendique cent neuf étudiants pour sa première année.

 

Pour les nouveaux entrants sur le marché de la formation au journalisme ou la communication, la notoriété d'un «parrain» est du pain béni. L'IEJ Paris, cette fois-ci lance également en octobre un mastère de journalisme de sport dont le parrain est Daniel Bilalian, directeur des sports à France Télévisions, et ce que l'école qualifie de «dream team» de journalistes sportifs: Nelson Montfort (France Télévisions), David Astorga (TF1) ou encore Nathalie Iannetta (Canal +).

 

Le Studec TV, une nouvelle école de télévision à Issy-les-Moulineaux, lancée il y a un an, a surfé sur la célébrité des ex-animateurs de TF1, Pascal Bataille et Laurent Fontaine. Le duo ne s'est pas non plus contenté de prêter sa renommée cathodique, puisqu'ils sont tous les deux directeurs des études avec l'ambition de «créer la meilleure école d'animateurs télé de France». En toute modestie.

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