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Pour regagner le cœur des consommateurs, les grandes sociétés utilisent toutes le même joker: leurs collaborateurs. Un mouvement qui touche tous les secteurs.

Le salarié-VRP de sa boite est de retour! Ces derniers mois, le nombre de sociétés demandant à leurs collaborateurs de poser pour des affiches 4x3 ou de jouer les acteurs dans des spots de télévision vantant leur entreprise, explose: La Poste, SFR, Bouygues Telecom, Orange, EDF, GDF Suez, Total… Aucun secteur n'y échappe!

Après deux années de crise, les collaborateurs sont prestement invités à revenir sur le devant de la scène. Démarche intéressée, uniquement à visée commerciale, ou prise de conscience plus profonde?

Un peu des deux. En fait, les entreprises n'ont d'autre choix que de se remettre en question, parce que les attentes du consommateur ont évolué pendant la crise. Si les groupes demandent à leurs salariés d'être leurs porte-drapeaux pour reconquérir des marchés, c'est d'abord parce que leur image de marque a été sérieusement érodée depuis trois ans.

Ce que confirme une étude d'euro RSCG C&O, intitulée «Crise et consommation: quelle nouvelle donne pour les marques?» et publiée fin 2009. Sa conclusion? «La manière dont les entreprises traitent leurs salariés arrive en deuxième position des attentes, devant les critères de prix, d'environnement et d'innovation. Et plus une entreprise choie ses salariés, plus le consommateur lui sera fidèle: 49% des sondés se rangent plus volontiers derrière une marque dont les produits sont fabriqués dans le respect de l'homme.»

Elément différenciant

Du coup, rien de mieux que de mettre en scène des salariés heureux et investis, pour parler droit au cœur du consommateur. L'enjeu principal se situe bien là: «Ré-humaniser le business», selon Guillaume Talon, «partner advertising» chez Euro RSCG C&O, qui a travaillé sur la campagne EDF. «Le taux de notoriété de notre groupe est proche de 100%. En revanche, on ne connait pas les visages des gens normaux qui travaillent chez nous, souligne Pierre-Gautier Caloni, directeur de l'image corporate de Total. Du coup, dans notre campagne presse actuelle, nous donnons la parole à nos collaborateurs pour qu'ils évoquent leur métier. Cela permet de mieux cerner une grande entreprise un peu froide comme la nôtre.»

Même démarche à la RATP, qui diffuse chaque matin sur RTL, jusqu'au 17 décembre, une campagne de publicité mettant en avant les témoignages de ses agents sur la réalité de leur métier au quotidien. Quinze métiers, donc autant de compétences, sont présentés dans un format de chroniques de 45 secondes.

Bien sûr, mettre en avant ses salariés n'a rien de révolutionnaire, c'est même plutôt un serpent de mer qui refait régulièrement surface. D'ailleurs, il suffit bien souvent qu'une entreprise opte pour cette solution pour que tous ses concurrents s'y mettent. Il serait assez risqué, en effet, de laisser un rival occuper seul le champ de l'humain. Mais il peut y avoir d'autres explications à cet engouement. «La téléphonie est un marché assez concurrentiel, comparable à la banque-assurance, où les offres et services se ressemblent et dans lequel les innovations sont si nombreuses qu'elles ne sont plus lisibles pour le public, constate Guillaume Talon. Le fait d'aller chercher ses collaborateurs, c'est l'argument ultime pour une marque.»

Et si, en plus, les salariés y mettent un peu de sentiments, ça fonctionne encore mieux. Exemple avec le spot Bouygues Telecom, où l'on voit un ours en colère qui n'en finit pas de grommeler, le spot se terminant par un message de Pierre, ingénieur réseau chez l'opérateur: «Moi, c'est que je ressens quand j'entends encore dire que l'on n'a pas un bon réseau chez Bouygues Telecom.» L'objectif, selon Sylvie Rouillé, directrice associée de DDB, était de mettre l'accent sur un vrai élément différenciant de Bouygues Telecom: la qualité de sa relation clients. «D'ailleurs, avant de faire ce choix, on a réalisé beaucoup d'interviews de salariés», explique-t-elle.

Double détente

La limite de l'exercice? Ne pas basculer dans le blanchiment social («socialwashing»), c'est à dire les effets de manche. Il faut que le message porté par les salariés repose sur une réalité concrète, tangible. C'était le cas, par exemple, de la campagne presse de la fondation SFR – «Je connais quelqu'un de bien» –, qui valorisait des collaborateurs engagés via des portraits croisés d'un salarié et d'un responsable associatif.

«Il y a toujours eu de la communication avec des salariés, mais, la nouveauté, c'est que ceux ci n'ont jamais été autant en souffrance, ils ne sont pas augmentés, pas promus», remarque Pierre-Yves Frelaux, président de TBWA corporate. Une nouvelle donne à prendre en compte, sinon, c'est le gadin assuré, avec des risques de remous en interne et une désaffection encore plus forte des consommateurs.

Ainsi, la dernière campagne de France Télécom-Orange n'a pas vraiment atteint son objectif. On y voit défiler des visages de salariés lançant chacun un mot, un zapping assez désincarné pour une entreprise qui souhaite remettre l'humain au coeur de son activité.

Quand le divorce est réel entre les consommateurs et l'entreprise, appeler les salariés à la rescousse peut être salutaire. Ce fut le cas de la Société générale au lendemain de l'affaire Kerviel, en 2008. «Nous avons lancé les “bankers stories”, parce que les collaborateurs de la banque souhaitaient témoigner de leur fierté, rappeler l'utilité quotidienne de leur travail et démystifier leur corporation», explique Bruno Fradin, directeur général d'Harrison&Wolf. La série de portraits continue encore aujourd'hui.

De son côté, BNP Paribas vient de lancer des spots «Parlons vrai», où elle met en scène de vrais collaborateurs et d'authentiques clients… «C'est vrai que les conseillers bancaires ont une bien meilleure image que les enseignes qui les emploient, note Luc Wise, cofondateur de l'agence Hérézie. L'autre avantage de ces campagnes faisant la part belle aux salariés, c'est qu'elles sont à double détente. Elles ne visent pas seulement l'externe, mais servent aussi de communication interne, pour galvaniser les troupes.»

Le modèle à suivre en la matière est la campagne d'EDF, mettant en avant ses salariés, y compris les retraités, qui s'étaient mobilisés pendant la tempête de 1999. Une réussite totale en interne comme en externe, que tous les publicitaires rêvent de rééditer.

 

 

Sous papier

La Poste mise sur le facteur humain

«J'accueille tout le monde, mais je prends soin de chacun», «Moins d'attente, c'est chaque jour plus de clients satisfaits», «Pour moi, un client bien écouté, c'est un client mieux conseillé»… Quand les salariés de La Poste prennent des engagements aussi ambitieux sur les façades de leurs bureaux ou à la radio, cela ne peut pas être juste cosmétique. «Le message porté dans nos publicités doit se retrouver dans nos 17 000 bureaux, car on y reçoit tous les jours deux millions de clients», explique Catherine Dardelet, directrice de la communication de La Poste.

Ce qui est scandé à l'extérieur des bureaux de poste doit se voir à l'intérieur. Mais dans cette énorme structure faite de micro-organisations, pour que les acteurs de terrain portent le changement, il fallait qu'ils y soient associés au premier chef.

«C'est pourquoi nous avons choisi une démarche participative, construite avec les postiers bureau par bureau, poursuit Catherine Dardelet. Le projet a été amorcé fin 2008 et a abouti à cette campagne, qui se situe dans la continuité d'un plan d'amélioration des bureaux de postes. Le but était de montrer que les postiers ne sont pas seulement sympathiques, mais aussi de vrais professionnels.»

Au final, vingt d'entre eux ont été retenus sur lettre de motivation (il n'y a pas eu de casting) parmi 250 candidatures internes. «Et ces postiers “ambassadeurs” portent vingt messages, choisis grâce au vote de plusieurs milliers de leurs collègues», ajoute Catherine Dardelet.

Mais ce ne sont pas que des déclarations d'intention: l'évolution se constate déjà dans les bureaux modernisés où, désormais, les postiers viennent au-devant des clients dès leur entrée et les prennent en charge. Quand le facteur humain devient un plus pour le client.

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