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Dans son ouvrage «Altermanager, mode d’emploi» (éditions Descartes & Cie), Philip McLaughlin, directeur de l’Ecole de management de Bordeaux, s’interroge sur la nouvelle voie à trouver dans la formation des managers.

Les écoles de commerce ne peuvent plus se contenter «d'élever en batterie» des managers «faiseurs de ROI» » [Return on Investment]. Elles doivent plus que jamais les aider à développer leur conscience de managers-citoyens. Voilà le fil conducteur de ce livre, rédigé par un directeur d'école de commerce au pedigree original: titulaire d'un doctorat en poésie espagnole, il a ensuite été directeur de Reims Management School et de l'ESC Toulouse. Dans son livre, Philip McLaughlin donne la parole à des experts, tous en rupture avec la pensée unique: le ponte du management canadien, Henry Mintzberg, l'ex-leader de l'Unef Julie Coudry, aujourd'hui fondatrice de la Manu, une structure qui veut développer le lien étudiants-entreprises, l'ex-directeur général du Fonds monétaire international Michel Camdessus, etc. Et rebondit sur leurs analyses pour amorcer une réflexion sur la formation des managers.

 

Mouvement des indignés, crise de la dette… Quel va être l'impact de ces phénomènes sur la formation des managers?

Philip McLaughlin. Nous avons affaire à des mouvements de fond, comme celui des indignés, par lequel les jeunes affirment clairement leur quête de sens. Une simple réponse, via quelques cours d'éthique, ne suffit plus. Il faut parvenir à réconcilier efficacité managériale, éthique et responsabilité sociale. Le fait que l'écart de salaire entre patron et ouvrier se creuse, et tende à revenir au niveau de l'époque victorienne, pose des questions. Aujourd'hui, entreprises et managers doivent démontrer clairement leur contribution à une société juste. Je suis frappé par le peu de mobilisation des étudiants d'écoles de commerce: ils ne descendent jamais dans les rues, sont-ils moins concernés par l'injustice des délocalisations ou la financiarisation du capitalisme? Le management peut être de droite ou de gauche. En tous cas, nos étudiants doivent être politiquement plus avertis.

 

Vos étudiants ne seront plus formés à travailler dans un système capitaliste?

Ph.McL. De bons managers doivent et devront toujours maîtriser des techniques pour travailler en entreprise – marketing, comptabilité, etc.–, mais nous devons les aider à s'interroger sur le système économique en leur faisant étudier l'histoire du capitalisme, pour leur montrer qu'il a évolué au fil des années, qu'il en existe plusieurs sortes, et qu'il n'y a pas que le capitalisme financier. Une mise en perspective indispensable. D'ailleurs, aujourd'hui, nous ne faisons intervenir que des patrons et des experts dans nos enseignements, nous réfléchissons à ouvrir un dialogue plus large en donnant, par exemple, la parole aux syndicats.

 

Vous évoquez aussi les modes de management…

Ph.McL. Dans ce domaine aussi, nous devons nous interroger: les grandes théories du management que nous appliquons depuis quarante ans, comme celles des motivations et de la psychanalyse, conviennent-elles encore ? Est-ce qu'il ne faut pas en inventer?

 

Parmi vos suggestions concrètes, vous proposez de faire évoluer le rapport de stage...

Ph.McL. Oui, nous pourrions remplacer ces dix pages de paraphrase de la plaquette de présentation de l'entreprise, suivies d'un descriptif de mission et d'une demi-page de remerciements… par un vrai travail de réflexion, éventuellement critique, sur les méthodes observées, sur la culture d'entreprise, etc. Cela pourrait aussi aboutir à un travail d'auto-analyse de l'étudiant sur ses qualités, ses limites… Une façon de mieux se connaître avant d'arriver en entreprise, un exercice utile de développement personnel.

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