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Ils sont jeunes, ambitieux, parfois arrogants. Twitter est un outil rêvé pour ces jeunes journalistes qui veulent soigner leur présence numérique. Et se faire remarquer d’employeurs potentiels.

Il porte la chemise à carreaux des jeunes gens branchés, le cheveu est savamment coiffé-décoiffé... Pas de doute, Vincent Glad, le nouveau chroniqueur du Grand Journal, sur Canal +, a un physique de télé. Mais, plus qu'une apparence avantageuse, le jeune journaliste a surtout... 26 106 adeptes sur Twitter. Pour (@vincentglad), pigiste pour Slate.fr et GQ, Twitter a servi de caisse de résonance à des scoops, comme le plagiat par Michel Houellebecq de passages de Wikipédia dans La Carte et le territoire... Du coup, à 26 ans, le journaliste se fait connaître, «de tous les rédacteurs en chef Web de Paris», lâche-t-il, pas peu fier de lui. Les vieux médias s'intéressent aussi désormais à lui. Vincent Glad se félicite: «Pour le Grand Journal, je n'ai pas passé des dizaines de castings.» Twitter, nouveau sésame? «Canal+ cherchait surtout un chroniqueur spécialisé dans les nouveaux médias», nuance Vincent Glad.

 

Il n'empêche. De gazouillis en gazouillis, de nombreux jeunes journalistes se servent de Twitter pour démultiplier leur notoriété, construire une communauté autour de leur nom (leur marque?), leur marketing personnel, histoire de se distinguer dans le brouhaha numérique. Aude Baron (@AudeBaron, 13 529 abonnés), initialement journaliste au Post, à présent rédactrice en chef au Plus, site participatif du Nouvel Observateur, s'est fait remarquer par ses tweets sur les «lolcats». Mélissa Bounoua (@misspress, 112 944 abonnés), qui officie aujourd'hui au même Le Plus, s'est fait connaître en organisant un débat «tweeté» sur le thème des «forçats de l'info».

 

Steven Jambot (@StevenJambot, 8 669 abonnés), jeune journaliste indépendant, qui pige pour France 24 et RFI, soigne sa notoriété sur Twitter depuis 2007. Mais il l'utilise aussi comme outil de travail: «Pour faire de la veille, rechercher des témoignages, mettre en avant mes articles, etc., je cultive mes réseaux dans les médias parisiens, en régions, en Afrique, avec lesquels je peux échanger par DM [messages privés sur Twitter]», résume le jeune journaliste. Pratique, aussi, pour décrocher des plans boulot: «J'ai décroché des stages par ce biais, comme chez RFI», explique-t-il.

 

Twitter, un outil journalistique 

G-mail, Foursquare, Netvibes, Facebook et... Twitter. «Avant votre arrivée à l'école, vous devez être inscrits aux cinq services en ligne suivants et avoir obligatoirement un compte valide», précisait, à la rentrée 2011-2012, un formulaire de l'Ecole de journalisme (EDJ) de Sciences Po envoyé à ses futurs étudiants, qui a fuité sur Twitter. «Il faut voir ce courrier comme une liste de fournitures. L'objectif est avant tout de savoir bien se servir de tous ces outils journalistiques», justifie Alice Antheaume (@alicanth, 86 983 abonnés), responsable de la prospective à l'école. Pendant les deux ans d'études, il s'agit surtout d'enseigner aux élèves «d'être bons sur tous les formats numériques. On leur apprend comment monter des start-up de l'info, on explique le fonctionnement des algorithmes.»

 

Toutes les écoles n'ont pas une approche aussi numérique que l'EDJ de Sciences Po, et restent peu sensibles aux sirènes du très branché Twitter. Le précoce Vincent Glad, encore lui, a donné des cours de cyber-journalisme à «sept promos de l'Ecole de journalisme de Lille». Contrairement à ce que l'on pourrait subodorer, chez ces étudiants, pourtant natifs du numérique, «ceux qui s'intéressent vraiment à Twitter sont finalement peu nombreux: trois alimentent vraiment leur compte», remarque le journaliste.

 

Dans les écoles de journalisme, on est d'ailleurs formel: pas question d'en faire un critère d'entrée. «Lors des oraux d'admission, il n'était absolument pas discriminant de ne pas avoir de compte Twitter», précise Alice Antheaume. Au Centre de formation des journalistes (CFJ), «on teste d'abord un potentiel, un regard acéré sur le réel. La valeur ajoutée d'un journaliste ne se mesure pas au nombre de tweets, mais à la capacité à rapporter des infos que les autres n'ont pas», nuance Christophe Deloire (@cdeloire, 1748 abonnés), directeur de la vénérable école.

 

Avoir un compte Twitter est néanmoins indispensable et logique pour les jeunes journalistes intégrant une rédaction Web. Tout comme il est évident pour 20minutes.fr, ou pour des nouveaux médias reposant sur le participatif, tels Le Plus ou Newsring, de regarder l'agilité - et la présence numérique - de candidats. Pour les rédactions en chef, c'est aussi une façon de repérer des recrues potentielles. Mais cela est-il aussi évident dans les médias traditionnels?

 

Certains se sont convertis sur le tard. Tel Jean-Christophe Féraud (@JCFeraud, 7 617 abonnés), alors chef de service high-tech-médias aux Echos, qui s'est mis avec passion sur Twitter et la création à l'automne 2009 de son blog personnel («Sur mon écran radar»). Il doit en partie à cette «présence numérique» d'avoir été débauché par Libération. Bizarrement, le blog est très peu actif depuis son recrutement... 


Indéniablement, nombre de journalistes télé ou de presse écrite se sont convertis à Twitter lors de l'affaire DSK - le réseau social fut la seule source de partage d'informations pour la poignée de journalistes assistant à la première audience de Dominique Strauss-Kahn, le 16 mai 2011. «Plusieurs journalistes de mon service ont créé leur compte à cette occasion. Depuis, je m'en sers comme d'un fil d'agence, ou pour promouvoir mes notes de blog, des petites indiscrétions...», résume Arnaud Leparmentier (@ArLeparmentier, 9 057 abonnés), journaliste politique au Monde. De là à ce que le prestigieux quotidien repère ses recrues sur Twitter... Que nenni, selon Arnaud Leparmentier: «On continue de recruter nos journalistes de manière classique. Même si le nombre de «followers» figurera peut-être un jour sur les CV...»

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