politique
Les prises de position du DRH de Marie-Claire aux côtés de la candidate du Front national ont créé le trouble au sein du groupe de presse. Peut-on afficher ses orientations politiques lorsque l'on gère des salariés?

«Les raisons pour lesquelles je rejoins le comité de soutien de Marine Le Pen sont très simples [...] : c'est d'abord un acte citoyen, ensuite un engagement démocratique, une grande indignation et une réelle satisfaction.» Dans la salle où se tient la conférence de la candidate du Front national, visible sur You Tube, l'avocat Gilbert Collard, président du comité de soutien, presse l'intervenant de se présenter. Dont acte: «Je suis Marc Desgorces, et je suis salarié, comme la plupart d'entre vous.»

Cette discrétion fera long feu. Le lendemain, l'identité de Marc Desgorces-Roumilhac se précise dans Libération: salarié du groupe Marie-Claire, Marc Desgorces en est également le directeur des ressources humaines. Le 3 février, le communiqué du groupe de presse tombe: il s'agit d'«une démarche purement personnelle, qui n'engage aucunement l'entreprise et qui ne correspond absolument pas aux valeurs du Groupe Marie Claire», peut-on lire dans le texte, signé par Evelyne Prouvost-Berry, présidente du directoire et Arnaud de Contades, directeur dénéral du groupe Marie-Claire.

Jean-Paul Lubot, directeur général délégué, précise à Stratégies que «Marc Desgorces remplit un rôle technique et administratif et n'influe en rien sur la ligne éditoriale des magazines». Et il dément la rumeur d'un mécontement exprimé par Hearst, éditeur de Cosmopolitan que Marie-Claire publie sous licence en France. Pour autant, dans un texte public, le SNJ-CGT souligne que «Marc Desgorces a engagé, de fait, Marie Claire aux côtés de Marine Le Pen». «Jusqu'au 3 février dernier, il n'était pas honteux de travailler pour Marie-Claire. Depuis, malgré le communiqué de notre direction, certains craignent que cela puisse le devenir...», lâche Gilles Horvilleur, secrétaire du CE et délégué SNJ-CGT. «Cela génère une publicité négative à l'extérieur alors que nous nous trouvons dans un contexte extrêmement concurrentiel, ainsi que des questionnements en interne.»

Dans un compte-rendu de réunion que Stratégies s'est procuré, les élus expriment «l'inquiétude des salariés sur l'avenir du dialogue social, du bon fonctionnement des instances paritaires et de la conduite efficace des négociations». Les élus ont demandé à la direction de retirer sa délégation au DRH.

Peut-on exprimer ses opinions politiques lorsque l'on gère les ressources humaines d'une entreprise? Sur la question, l'Association nationale des DRH (ANDRH), ne cultive pas l'ambiguïté: «Chacun a le droit d'avoir ses opinions politiques, y compris les DRH..., estime Jean-Christophe Sciberras, président de l'association. Mais c'est une chose d'avoir des opinions politiques, et une autre de les exprimer publiquement. Dans la fonction publique, l'obligation de réserve fait que les DRH sont soumis à une obligation de neutralité. Pour les DRH des entreprises privées, il n'existe pas d'obligation légale. Mais la réserve prévaut lorsqu'il s'agit d'exprimer des points de vue politiques. Le rôle d'un DRH n'est pas de créer des troubles, plutôt de les apaiser...».

Les prises de position de Marc Desgorces n'ont pas uniquement mis son employeur dans l'embarras. L'association de l'Institut pratique de journalisme (IPJ), dont le DRH de Marie-Claire est le secrétaire général, a précisé sur son fil Twitter «qu'elle ne partage pas la position strictement personnelle de M. Marc Desgorces», et le Syndicat de la presse magazine, via sa directrice générale Pascale Marie, souligne que «Marc Desgorces n'occupe pas un rôle dirigeant mais participe à des travaux techniques» et que «le SPM veillera avant tout à assurer un climat de sérénité avec les partenaires sociaux».

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