Ils sont 600 chez Spir Communication, 300 parmi les managers en formation continue à l'Essec, 80 cadres supérieurs chez TDF et davantage dans de nombreuses autres entreprises et agences... Les flottes d'Ipad envahissent les bureaux. Selon une étude IDC («Ipad for business, Survey 2012») qui vient de paraître, 24% des Ipad utilisés dans le monde sont fournis aux salariés par leur entreprise. En Europe, ce chiffre monte à 40%. Pourtant pas du tout prédestiné à ce marché, l'Ipad séduit donc les professionnels. Mais pour quels usages? Peut-il remplacer un ordinateur portable de fonction?
«En général, le déploiement dans les entreprises est progressif, cela commence par les directions, puis se diffuse au marketing et à la communication, avant de concerner le reste des salariés», décrypte Florence Dietsch, consultante chez Neoxia, qui a accompagné le projet d'équipement à l'Essec. Chez Spir Communication la révolution a commencé par la vente.
Pour booster les ventes
Avant l'arrivée de l'Ipad, les 600 commerciaux de Top Annonces et Logic-Immo (groupe Spir Communication) devaient multiplier les rendez-vous (jusqu'à trois) avec un même client avant de signer le bon à tirer de la petite annonce. D'abord un premier round de séduction commercial, puis il fallait souvent revenir montrer au client la première mouture de la proposition d'annonce, la modifier, avant qu'elle ne soit validée définitivement.
Depuis l'arrivée de l'Ipad, cela s'est déjà accéléré et bientôt - quand les équipes techniques auront terminé un dernier développement -, tout sera «plié» en un seul tête-à-tête. Fini les allers-retours pour les vendeurs: après la prise de commande et la signature tactile, voici venu le temps de la création de l'annonce en temps réel. Certes, le rendez-vous sera plus long mais au final, grâce à ce gain de productivité, le jeu en vaut la chandelle. «Nous avons dû développer nos propres applications internes sur l'Ipad, explique Michelle Belonnet, responsable du projet mobilité chez Spir Communication. Depuis que les commerciaux sont équipés, le rythme des rendez-vous s'est intensifié.»
Quand Céline Wargnier, directrice conseil, et trois autres commerciaux de l'agence On the moon, demandent à être outillé de la tablette d'Apple en décembre dernier, ils en attendent aussi beaucoup: «Comme nous faisons de nombreuses présentations, on s'est dit que l'Ipad symbolisait bien la structure digitale que nous étions, et que nous allions faire mouche chez le client», raconte-t-elle. Pendant 15 jours, la directrice conseil a donc utilisé l'Ipad pour assurer la communication de son agence. En prospection, l'outil fait merveille: «Il a fait sensation chez le client, il passait de mains en mains autour de la table, il y avait des petites étoiles dans les yeux.»
Mais l'émerveillement tourne vite au désenchantement: «Toutes nos présentations sont en Powerpoint et elles n'étaient pas compatibles, sauf en version PDF, pour un résultat pas terrible. Et puis la technologie flash ne fonctionne pas sur l'Ipad ce qui empêche de présenter les animations.» Depuis deux mois, les quatre tablettes de fonction restent au placard. Et l'idée de les généraliser a été abandonnée.
Un outil limité mais personnalisable
L'Ipad a en revanche trouvé sa place en tant que fidèle compagnon de nombreux cadres supérieurs amenés à travailler un peu partout. C'est le cas de Mathieu Bourgue, vice-président Content delivery network chez Smartjog, une filiale de TDF. Il a obtenu le sien en démarrant sa formation en management général à l'Essec, en novembre dernier. «A la base, l'Ipad n'est pas très bien équipé mais en rajoutant des applications [lire l'encadré], je l'ai transformé en ordinateur portable et il est devenu mon outil de travail quotidien, je prends en particulier des notes grâce à un outil de mind-mapping, en plus il s'allume très rapidement.» D'ailleurs, l'essor de ces programmes qui permettent d'organiser sa pensée sous forme d'arborescence et de bulles est logiquement porté par l'Ipad, outil tactile par excellence.
Autres atouts de la tablette: elle s'allume instantanément, «elle est très légère et prend moins de place qu'un ordinateur portable», complète Yann Hervé, directeur général adjoint du Public System. Selon l'étude IDC, 12% des utilisateurs d'Ipad indiquent qu'elle a complètement remplacé leur ordinateur portable (23% en Europe). Yann Hervé fait donc aussi partie des heureux managers équipés par l'Essec: «L'Ipad, et son clavier tactile, a remplacé mon cahier de notes, d'autant que je peux envoyer le compte-rendu dès la fin de la réunion.»
Même usage pour Gilles Fabre, directeur commercial France de Reliance, une société de télécoms: «L'Ipad se révèle un bon outil pour prendre des notes, lire ses mails, faire des recherches sur le Web, organiser son calendrier, faire du mind-mapping... Tout ce dont un manager peut avoir besoin pour gérer ses équipes. Avec tout de même de sérieuses limites quand il s'agit de produire des présentations.»
Un constat sur lequel s'accordent tous les managers interrogés, peu emballés par l'idée d'abandonner leur sacro-saint Powerpoint pour se lancer dans la création de présentations tactiles. L'arrivée prochaine de l'Ipad 3, annoncée pour le 7 mars, pourrait séduire les plus sceptiques. Il devrait être plus puissant et pourrait être équipé de la suite Office. Si cela se confirmait, il faudrait s'attendre à un déferlement d'Ipad en entreprises. Il s'est en effet déjà vendu 1,5 million de tablettes en France en 2011, selon GFK, soit autant que de PC de bureau.
Encadré
Une sélection d'applications «pro»
Dropbox. Sorte de disque dur virtuel dans le «cloud», qui permet de synchroniser les fichiers entre ses différents appareils.
Keynote. Outil de création de présentations, équivalent de Powerpoint, adapté à l'Ipad.
Goodreader. Gestionnaire de fichiers, pour ouvrir et classer des documents différents: Powerpoint, PDF...
Ithoughts. Outil de mind-mapping dédié à l'Ipad, qui permet de créer des arborescences sous la forme de bulles, utile par exemple pour la prise de notes.
Numbers. L'équivalent du tableur Excel, mais en version tactile.
