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L’informatique dans les nuages arrive dans l'entreprise et révolutionne les façons d'y collaborer. Explications.

Des ballons bleu clair qui volètent au cœur du 5e arrondissement parisien et 3 000 inscrits à la Maison de la mutualité... Le grand raout annuel de Salesforce, le 10 avril dernier, avait des airs de meeting politique. Le groupe américain, l'un des leaders mondiaux du «cloud computing», avait vu les choses en grand. Il faut dire que cette entreprise champignon a recruté 2500 personnes en 2011, pour atteindre 8 000 salariés dans le monde et presque 3 milliards de dollars de chiffre d'affaires... Son élixir de croissance: le «cloud computing», en français l'informatique dans les nuages. Le principe: stocker les données sur des serveurs externes à l'entreprise et les rendre consultables de partout pour les salariés.

Une récente étude (très optimiste) commandée par Microsoft au cabinet IDC prévoit que le «cloud computing» va générer 15 millions d'emplois dans le monde entre 2011 et 2015, pour parvenir à 1 000 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2015. Cette estimation englobe le cloud privé (interne aux entreprises), public et hybride. Une manne que se disputent IBM, Microsoft, Google, Orange Business Services, Salesforce... Mais qu'est-ce que cette révolution technologique va changer pour les salariés? Et va-t-elle se faire au prix de nombreux emplois détruits?

 

La fin du poste de travail. «BYOD» n'est pas une version remixée du «YMCA» des Village People. Mais, aux Etats-Unis, cet acronyme est déjà un tube dans les open-space des sociétés. Il signifie «Bring Your Own Device» (apporter son propre matériel). Concrètement, les cadres arrivent avec leur ordinateur portable personnel ou leur Ipad sous le bras... Grâce au cloud, le «BYOD» va exploser. «Comme les applications dans les nuages sont accessibles par un navigateur depuis tout ordinateur ou mobile, les salariés ne sont plus obligés d'avoir une machine paramétrée par leur employeur», explique Laurent Gasser, dirigeant de Revevol, spécialiste du cloud. Cela entraine un basculement logique vers l'usage des ordinateurs personnels, en général bien plus modernes que ceux fournis par les groupes. Chez Revevol, par exemple, où les 150 salariés mondiaux (40 français) percoivent désormais chaque mois une allocation de 50 euros pour s'acheter leurs appareils high-tech.

 

L'explosion du bureau mobile. «Je m'occupe de ce problème dès que j'arrive au bureau». Avec le cloud, cette expression va prendre encore un coup de vieux, car la plupart des applications de l'entreprise sont disponibles depuis le mobile, la tablette ou l'ordinateur portable. «Désormais, le bureau du collaborateur, c'est l'écran qu'il a en face de lui, dit Jean-Pierre Ullmo, vice-président des solutions de virtualisation et d'automatisation de CA Technologies. Les utilisateurs habitués à être connectés en permanence avec Facebook, Gmail... affichent les mêmes exigences avec les applications de leur société.» Ils disposent de leur propre matériel, veulent une certaine qualité de service et n'hésiteront d'ailleurs pas à se passer du réseau de leur employeur. En théorie, le cloud permet de travailler à tout moment de partout. «Le lien à l'espace se distend encore davantage avec le cloud même s'il n'y a pas de rupture brutale car ce phénomène avait déjà commencé avec le télétravail, nuance Jean-Gabriel Ganascia, professeur à l'université Pierre-et-Marie-Curie, spécialiste en intelligence artificielle et sciences cognitives. Il y a des moments où les entreprises devront couper le cloud car tel un nuage vaporeux, il pénètre partout et il y a un vrai risque d'épuisement intellectuel.»

 

Une réorganisation des services informatiques. Les vendeurs de cloud ont beau assurer que l'impact du développement du cloud sur les départements informatiques sera limité, la réalité sera certainement plus brutale. «Il s'agit d'une nouvelle façon de faire du business, du coup cela bouscule l'organisation», note Christian Comtat, directeur Cloud Computing d'IBM. La promesse consiste à donner la main sur l'informatique aux directions métiers pour qu'elles formulent leurs requêtes elles-mêmes, autrement dit, à court-circuiter la DSI. Ce qui va s'accompagner de réductions d'emplois inévitables dans ces départements. «Le directeur informatique va devenir un “business information officer”, une sorte de courtier de services», prédit Patrice Taurel, de CA Technologies. Selon Sylvain Noailly, directeur marketing du fabricant de skis Rossignol, qui vient d'adopter le cloud: «S'il devait y avoir des réductions d'effectifs à la suite du cette mise en place, de toutes les façons nous serions obligés de recréer des postes au service clientèle pour gérer les nouvelles interactions avec les consommateurs.» En effet, la mise en place du cloud s'accompagne souvent de l'adoption de plateformes d'échanges comme «Chatter», et cela intensifie les échanges entre collaborateurs et avec les clients.

 

La performance évaluée en temps réel. Conjugué à l'explosion des réseaux sociaux et du mobile, le «cloud» devrait consacrer la collaboration à distance. Du coup, les salariés ne pourront plus être seulement évalués par les managers sur des critères classiques. Seront également mesurées leurs compétences en ligne et en quasi temps réel. «Via Chatter, nous proposons un système de badges accordés aux salariés en fonction de critères conversationnels ou collaboratifs, détaille Alexandre Dayon, vice-président de l'américain Salesforce. Exemple : un vendeur conclut une vente par ce réseau, il obtient un badge et son manager peut le voir en temps réel.» Tout peut être mesuré: l'acquisition de clients, la résolution de problèmes en ligne... «L'idée est de laisser la réputation se créer par les réseaux sociaux, c'est un mouvement de fond qui va toucher la gestion de carrière, le recrutement...», conclut Alexandre Dayon.

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