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La série humoristique de Canal+ sur la place des femmes dans l'entreprise est jugée sévèrement par des militantes de la cause des femmes en entreprise.

Une DRH totalement nymphomane, une patronne dominatrice, des hôtesses d'accueil déjantées... Réunir dans un même espace de travail des personnages féminins aussi truculents, le résultat promettait d'être savoureux. C'était d'ailleurs l'ambition de Canal+ en important la série hollandaise de 26 minutes Torren C, diffusée depuis le 19 avril, en deuxième partie de soirée.

«Il s'agit d'une libre adaptation de Torren C, puisque que la version française dure 13 minutes et se situe à mi-chemin entre le sketch-show et la série, détaille Béatrice Fournera, co-scénariste sur Working Girls. Autre différence, dans Torren C, deux comédiennes jouent tous les personnages, alors que dans Working Girls il y a six actrices principales.»

Mais ce qui est le plus déstabilisant dans Working Girls ce n'est pas le format, c'est l'humour: à mi-chemin entre celui de Jean-Marie Bigard et des Monty Pythons. Mêlant scènes trash et absurdes. De quoi faire hurler les militantes de la cause féminine.

«Ce n'est pas un discours très établi sur la place des femmes dans l'entreprise, se défend la co-scénariste. La caricature va très loin et nous avons fait exprès de faire s'étirer les scènes gênantes. On nous a reproché d'être sexistes. Mais ne pas s'autoriser de caricaturer les femmes ça ce serait sexiste.»

La série n'a pas du tout emballé Anne-Cécile Sarfati, rédactrice en chef adjointe au magazine Elle et auteur de l'ouvrage Etre femme au travail (Odile Jacob, octobre 2011): «Je n'ai pas du tout rigolé. Working Girls perpétue les clichés qu'elle est censée combattre. Du coup l'effet est inverse à celui recherché. Et puis ces professionnelles ne sont pas assez incarnées, par exemple on ne comprend pas le métier qu'elles exercent.»

Pas convaincue non plus, l'humoriste Blandine Métayer, qui joue le rôle d'une patronne, seule femme dans un comité de direction dans un one-man show baptisé «Je suis top!»: «Ce n'est pas une caricature de l'entreprise, c'est une vision cauchemardesque, avec des personnages très typés: l'hystérique, l'autoritaire, la dépressive... On peut faire rire en restant assez proche de la réalité, dans Working Girls il est difficile de s'identifier aux personnages et j'ai parfois été outrée, voire affligée.»

La DRH obsédée qui s'amuse avec son téléphone portable en mode vibreur ou encore les flatulences à répétition de la patronne... ce types de scènes n'a pas du tout fait rire Blandine Métayer: «Il y a une forte tendance dans le comique féminin à opter pour le trash. Mais à mon sens, il n'y a pas besoin de faire dix fois pire que les hommes, d'éructer, de dire des choses très crues, pour être drôles.»

Explorer les nouveaux territoires de l'humour au féminin, repousser les limites... Tel était l'objectif de la co-scénariste Béatrice Fournera: «Par exemple, le personnage de la nymphomane est issu de la série originale hollandaise, dans laquelle il y a d'ailleurs des scènes sexuelles très poussées. Cela nous a plu de nous en inspirer.»

Même si pour les militantes de la cause féministe la déception est au rendez-vous, la série réserve quelques bonnes surprises comme les scènes où l'on voit les hôtesses d'accueil rivaliser d'imagination pour fumer dans l'entreprise ou les chausse-trapes qui attendent l'une des salariées de retour de congé maternité... Si l'on rit c'est aussi parce qu'il s'agit des personnages les plus réalistes.

En tout cas, Canal+ est pour l'instant suffisamment satisfait des audiences (qui ne nous ont pas été communiquées) pour lancer le tournage de la saison 2 de Working Girls en juillet prochain. Ces nouveaux épisodes pourraient être diffusés au printemps 2013.

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