Ressources humaines
Les entreprises cherchent à valoriser l'échange d'information entre communautés professionnelles. Les nouvelles technologies contribuent à leur apporter des solutions.

Avec la montée en puissance des plates-formes d'échange dans les entreprises, le «knowledge management» (la gestion des connaissances) prend une nouvelle dimension, en devenant plus collaboratif et en temps réel.
Pour accélérer la mise sur le marché d'un produit, fluidifier les processus, innover de façon participative ou réutiliser des techniques qui ont fait leurs preuves pour remporter un contrat… la mémoire de l'entreprise et des collaborateurs peut être cruciale. A condition, bien sûr, de bien manager ses connaissances.

Le 24 octobre dernier, l'Observatoire des réseaux sociaux d'entreprise se penchait sur le sujet, en partant de la question: «Le management de la connaissance devient-il social?» «A partir des années 1980, on a cru que la numérisation allait transformer les données en information, et donc en savoir, constate Zyrieb Marouf, directeur du département applicatifs RH et réseaux sociaux d'Orange. En fait, les documents indexés ne sont pas du savoir immédiatement exploitable. Il fallait remettre de l'humain au cœur du transfert de l'information, de la culture, des savoirs et savoir-faire de l'entreprise.»

La montée en puissance des réseaux sociaux et des communautés d'échange par lignes de métiers, change la donne. Ce que confirme Pierre Prevel, directeur adjoint de l'Observatoire : «Si un document a été stocké il y a plusieurs années, il n'est pas toujours évident de pouvoir le retrouver et l'utiliser car, bien souvent, il manque des clés de lecture, un contexte social, un appui humain qui permette de la partager.» Les réseaux sociaux offrent la possibilité d'associer une approche documentaire à une approche humaine, basée sur un flux de connaissances. La pierre angulaire de cette nouvelle façon d'échanger les bonnes pratiques dans l'entreprise, ce sont les communautés de pratiques, via les blogs et autres wiki.

Illustration avec Eric Laurent, expert en «change management» à La Poste, qui gère l'un des réseaux sociaux d'entreprise du groupe : «Il s'agit d'un outil de microblogging [minimessages comme sur Twitter], limité à 200 caractères, qui remplace les échanges par mail. Les agents publient leur(s) question(s) sur la plate-forme et l'on s'engage à répondre dans les 24 heures. C'est un excellent outil pour accompagner le changement, que l'on a utilisé pour déployer La Poste Mobile dans les bureaux.» Couplé à un bon moteur de recherche, il permet également de rendre accessible la solution à un problème courant pour les agents.

Au-delà de la puissance de la plate-forme en termes de partage de l'information, ce peut être également un outil de limitation des risques: «Lors de ce déploiement, les interactions avec les bureaux pilotes et la perméabilité avec les opérationnels nous ont permis de constater que l'un des processus était mal adapté. On a pu le modifier avant l'étape de la généralisation», souligne Eric Laurent.

Recréer du lien social

Bien souvent, la pratique communautaire en ligne est organisée par lignes de métier ou spécialisations: GDF Suez, par exemple, recense 174 communautés de pratique. «C'est un bon moyen de partager le savoir et la culture, de se connaitre, se comprendre et d'innover, dit Florence Cariou, «HR Development Project» chez GDF Suez. Et dans un contexte de fusions d'entreprises, cela permet de créer de la transversalité. Et puis, c'est efficace et peu coûteux. La plus grosse communauté de pratique du groupe rassemble plusieurs milliers de recruteurs.» Même si la création de ces communautés professionnelles prend du temps, parfois plusieurs années, elles permettent de recréer du lien social entre experts d'un même sujet dans ce type de multinationale. Même logique chez l'assureur BNP Paribas Cardif, présent dans trente-cinq pays: «Nous avons aujourd'hui seize communautés spécialisées par métiers, dans l'actuariat par exemple», détaille Judith Will, responsable «knowledge management» de l'entreprise. Cela permet de fédérer les gens par activité.

Du côté du géant du nucléaire Areva, il y a un autre enjeu autour de la gestion des connaissances et des communautés de pratique: «Nous sommes sur des métiers très pointus et nous devons nous assurer que le transfert technologique se fera bien entre un ingénieur qui a plus de trente-cinq ans d'expérience et un jeune thésard qui vient d'arriver dans le groupe», souligne Martin Roulleaux-Dugage, directeur knowledge management et innovation d'Areva.

La limite de l'exercice? Le temps disponible. L'explosion des réseaux sociaux, l'intensification des rythmes de travail et la multiplication des canaux de communication font que les salariés trouvent de moins en moins le temps de s'y investir. D'autant plus que cette activité de partage des connaissances n'est pas valorisée par le management et les ressources humaines. «Ce n'est pas considéré comme du travail, note Judith Will. Cela se fait sur la base du volontariat, et il n'y a que 15 à 20% des membres de mes communautés qui sont réellement contributifs. D'ailleurs, chez BNP Paribas Cardif, on discute actuellement avec les ressources humaines pour tenter d'inclure des critères d'évaluation des pratiques de partage dans la mesure de la performance.»

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