télévision
Juste avant le JT de France 2, à 19h50, une fiction de deux minutes, «Vestiaires», a pour particularité d’avoir été conçue, écrite, et en partie réalisée ou jouée par des handicapés.

Il y a un mélange de vertige et de fierté dans les regards que s'échangent Adda Abdelli et Fabrice Chanut, respectivement auteur-acteur et auteur-réalisateur de la série Vestiaires, sur France 2. Après une première saison réussie, avec en moyenne 1,5 million de spectateurs à 13 h 45, la série de quarante épisodes est programmée depuis le 12 novembre en access prime-time, à 19 h 50. Le créneau qui avait révélé Un gars, une fille entre 1999 et 2003. Pas mal pour une idée née dans les vestiaires de la piscine d'Aubagne, aux portes de Marseille.

 

Adda Abdelli et Fabrice Chanut sont tous les deux handicapés, membres du club de natation Handisport Marseille. Fabrice est chargé du développement de Handisport Marseille, et Adda, comptable à la mairie, mais ils ont envie d'écrire... «Un soir, au club, en écoutant les conversations, on s'est rendu compte que “tout était là”, sous nos yeux», se souvient Fabrice Chanut. Les deux amis décident de raconter le quotidien, drôle et décalé, des vestiaires d'un club de natation handisport. Et à quelques temps de là, dans l'espace «Kiosque» du festival d'Aubagne, où des scénaristes peuvent proposer des textes, ils font la rencontre de l'un de leurs futurs producteurs, Philippe Braunstein.

«Philippe m'appelle en disant : “Qu'est-ce que tu penses de deux mecs handicapés en maillot de bain?», sourit l'autre productrice, Sophie Deloche. Emballés, ils s'associent au projet. Ils savent déjà qu'ils vont présenter le concept à France Télévisions, dans une optique un peu «citoyenne». Pas question pour autant de présenter un projet léger dans sa narration. «Nous avons mis la pression, dès le départ, sur l'écriture, raconte Sophie Deloche, nous avons expliqué à Adda et Fabrice qu'il allait être difficile de travailler en même temps, qu'il y allait avoir un effort à fournir, un vrai travail d'auteur, qu'une idée ne suffisait pas. C'est le rôle normal d'un producteur.»

L'équipe reçoit le soutien de la Fondation Beaumarchais (5 000 euros) et du Fonds d'aide à l'innovation du CNC (70 000 euros). Elle ne sollicite pas, en revanche, les associations de handicapés. Les deux auteurs écrivent pendant plusieurs mois et disposent, au moment de soumettre le projet à France Télévisions, de 70 épisodes de deux minutes. En janvier 2011, les producteurs présentent six épisodes pilotes à la directrice des programmes de France 2 de l'époque, Perrine Fontaine, qui décrète, enthousiaste, que «ce programme a tout à fait sa place sur France Télévisions».

Le processus s'accélère, tout en restant très exigeant. Le choix des comédiens est particulièrement soigné. «Il y a eu un vrai travail de casting pour trouver le personnage d'Orson (Alexandre Philip), et pour voir si on pouvait faire tourner Adda...», insiste Sophie Deloche. Adda Abdelli est finalement retenu. Fabrice Chanut, passe, lui, derrière la caméra, aux côtés de Franck Lebon et Vincent Burgevin. Les autres comédiens handicapés sont recrutés sur casting, comme les valides. Seuls deux personnages handicapés (féminins) seront interprétées par des valides - «Ce qui prime, c'est que les acteurs soient bons», explique Vincent Burgevin.

Des petits rôles sont néanmoins confiés aux collègues du club handisport. «Sans trop de textes, parce qu'ils ne sont pas comédiens», précise Sophie Deloche. Pourtant, Luc Rodriguez, membre du club dectennis de table Aubagne, atteint d'infirmité motrice cérébrale (il ne maîtrise pas tout ce qu'il dit ni ce qu'il fait) a vu son personnage, Ramirez, devenir peu à peu l'un des personnages principaux, la mascotte de la série. Le nouveau Chouchou (ou Loulou) des Français?

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