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Une étude américaine démontre qu'en entreprise, les personnalités difficiles sont les mieux rémunérées. Pourtant, elles n'y ont pas nécessairement un grand avenir.

Vous ne vous remettez jamais en question, n'aidez jamais vos camarades, n'hésitez pas à leur poser des chausses-trapes, si cela peut servir vos intérêts ou détourner l'attention de vos piètres performances. Et vous ne brillez globalement pas par votre ouverture d'esprit, votre altruisme et votre empathie? Bravo: il y a de bonne chances pour que vous gagniez plus d'argent que vos collègues...


Selon une étude américaine, conduite par trois universitaires américains, les collaborateurs les plus exécrables humainement seraient mieux payés que les autres. L'enquête a été menée à partir de quatre études aux méthodologies différentes, sur des échantillons de plusieurs centaines de personnes, regroupées dans la somme intitulée «Do Nice Guys - and Gals - Really Finish Last? The Joint Effects of Sex and Agreeableness on Income» (Les gentils garçons - et les gentilles filles - arrivent-ils toujours les derniers? Les effets conjugués du sexe et du caractère sur les revenus»), parue dans le Journal of Personality and Social Psychology. Les hommes au caractère de cochon auraient un salaire supérieur de 18,31% à celui de leurs confrères. Les mégères ou les viragos, elles, font moins recette en entreprise... mais elles gagneraient quand même 5,47 % de plus que leurs consœurs plus urbaines.

 

Explication: les salariés qualifiés d'«agréables» jugent prioritaire d'entretenir de bons rapports humains, quitte à perdre de vue leurs objectifs de carrière. Il en va de leur équilibre personnel. Les insupportables, eux, tout à leur logique psychorigide et autocentrée, peuvent se montrer de redoutables négociateurs, notamment parce qu'ils sont moins enclins à faire des concessions salariales. Ce qui pourrait passer pour un déficit d'intelligence émotionnelle peut aussi être perçu comme une preuve de compétence, ainsi que le résume l'étude, non sans une certaine poésie: «Les individus à faible niveau d'“agréabilité” sont susceptibles d'être considérés comme étant plus compétents en vertu même de leur manque de chaleur.»

 

Les universitaires Beth A. Livingston, Timothy A. Judge et Charlice Hurst, des universités Cornell, Notre-Dame et Ontario Ouest avouent leur stupéfaction devant ces résultats: «Etant donné que les entreprises s'appuient de plus en plus sur les équipes, on aurait pu s'attendre à ce que les caractères agréables jouissent au moins d'un petit avantage économique sur les personnalités plus difficiles.» D'autant qu'à l'heure du numérique, l'efficacité repose beaucoup sur la générosité de la relation dans le travail. Toutefois, Juliette Tournand, auteur de La Stratégie de la bienveillance (Dunod) ne se dit «pas surprise par les conclusions de l'étude». «Même les petits enfants peuvent obtenir à court terme, en étant “désagréables”, des choses que les parents n'auraient pas cédé à un enfant plus “agréable”», constate-t-elle.

 

Cette spécialiste du management met en garde devant ce règne des «chieurs», et s'interroge: «A compétence et puissance de travail égales, vaut-il mieux être désagréable (et vivre dans le climat désagréable que l'on répand autour de soi) pour être mieux payé que ses équivalents, mais stagner. Ou vaut-il mieux impulser le climat agréable (au centre duquel on vivra), être un peu moins bien payé que ses équivalents désagréables, et être plus vite promu (donc augmenté plus significativement)»? Le bénéfice de la bienveillance, conclut Juliette Tournand, «se joue sur la durée». Et la malveillance, elle, comporte un risque: celui d'être sanctionné par un licenciement pur et simple dans l'entreprise.

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