lobbying
Comment un petit groupe d’entrepreneurs a-t-il réussi à faire mieux que le Medef? Retour sur une mobilisation éclair.

Pour voler dans les plumes du gouvernement, ils ont décidé de devenir des «Pigeons». C'était le 28 septembre: la mobilisation des entrepreneurs du Web débute avec la publication d'un texte de Jean-David Chamboredon, président du fonds d'investissements Isai, sur le site Web de La Tribune, puis se propage sur Facebook (5 000 fans en deux jours) et Twitter, avant de s'envoler sur la Toile et dans les médias. En un week-end, les Pigeons et leurs techniques de communication digitale très affûtées se font un nom en France et même à l'international.

Leur revendication? Faire reculer le pouvoir politique qui envisage de doubler la taxation des plus-values de cession d'entreprise. Une semaine après, le gouvernement accède à leurs principales demandes. Le 29 octobre, Les Pigeons «sont rentrés au nid» comme a titré Libération, ils ont choisi de se faire oublier, à la fois parce qu'ils avaient obtenu gain de cause et ne voulaient pas être récupérés politiquement.

Dans les formations à la communication, leur mouvement éclair restera comme un cas d'école. Un cas de lobbying réussi sur un sujet pourtant très technique. «Leur action coup-de-poing s'assimile aux flashs mob, ces rassemblements éclairs dans un lieu public, constate Valérie-Jeanne Perrier, maître de conférence au Celsa. Cela ressemble un peu aussi au mouvement des médiactivistes (Médiactivistes, de Dominique Cardon et Fabien Granjon, Presses de Sciences Po, 2010): les sociologues y décrivent la façon dont des personnes sans représentation, sans pouvoir, s'organisent sur les réseaux sociaux.»

 

La relève

Plus étonnant: que ce soit des patrons qui aient choisi ce mode de revendication. Les organisations patronales et leurs canaux d'influence classiques ont été pris de court. «Depuis juin, le Medef avait pris position contre la taxation sur les plus-values, il a été totalement inaudible sur le sujet», rappelle Thibault Lanxade, dirigeant d'Aqoba, et auteur de l'ouvrage Un Patronat, pour quoi faire (Nuxis, 2012). Erreur stratégique: ils ont préféré parier sur leurs moyens traditionnels, les discussions à l'Assemblée nationale ou dans les couloirs de Bercy, plutôt que de tenter de mobiliser autrement. «Pourtant, le Medef dispose des Medef territoriaux en régions, il aurait pu les activer, pour contrer le gouvernement», poursuit Thibault Lanxade.

Selon Valérie-Jeanne Perrier, le fait que les Pigeons aient réussi à court-circuiter le Medef et la CGPME n'a rien d'anodin: «C'est toute la communication sociale organisée qui se déplace.» D'ailleurs, dans la foulée du succès des Pigeons, les organisations patronales ont essayé de se raccrocher aux branches: «Cela a fait prendre conscience aux organisations qu'elles étaient coupées de leur base, du coup quelques dirigeants de ces structures ont créé leur compte Twitter, souligne Thibault Lanxade. Dans tous les cas, cela va laisser des traces.»

La mobilisation des Pigeons a déjà donné des ailes à d'autres dirigeants ou entrepreneurs, sans que cela rencontre le même écho. D'abord, il y a eu les Moutons, des travailleurs indépendants, soutenus par la Confédération générale des PME, déguisés en mouton, qui ont manifesté le 17 octobre devant le régime social des indépendants (RSI), avec un slogan «On ne veut pas se faire tondre».

Puis, le 18 octobre, des jeunes entrepreneurs s'estimant mal représentés par leurs aînés, les Pigeons, décident de créer une volière dissidente, les Moineaux, pour faire entendre leur petite voix. Leur credo: les difficultés des entrepreneurs ne se résument pas à des questions de plus-values. Sans grand succès. Le pépiement porte moins que le roucoulement.

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