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Le nouveau projet de loi pour l’égalité hommes-femmes est-il suffisamment ambitieux? Des dirigeantes de la communication le passent au crible.

«Parce que les inégalités sont présentes partout, nous devons agir partout!» L'objectif de Najat Vallaud-Belkacem, ministre du droit des femmes était clair, en annonçant son nouveau projet de loi pour «l'égalité femmes-hommes», devant le conseil des ministres le 3 juillet (il avait été dévoilé dès le 7 mars dernier, voir notre dossier «Femmes managers»). L'approche, transversale, aborde de nombreux sujets: les violences faites aux femmes, les inégalités hommes-femmes au travail, mais aussi dans les instances sportives, les partis politiques... Dans l'entreprise, la principale révolution concerne les hommes, qui seront fortement incités à prendre un congé parental de six mois.

Chacun des membres du couple bénéficiera de six mois de congé parental pour un premier enfant. A la naissance de leur deuxième ou troisième enfant, si les pères ne prennent pas leur congé cela réduira celui de leur compagne de trois ans, à deux ans et demi... En parallèle, le gouvernement promet dans les cinq ans 100 000 places en crèches et 75 000 nouvelles places en école maternelle pour les moins de 3 ans. L'autre décision importante: l'extension des quotas de femmes dans les conseils d'administration (40% d'ici à 2017) qui ne concernait que les sociétés de plus de 500 salariés, aux entreprises de plus de 250 personnes. Comment cette loi est-elle accueillie? Va-t-elle assez loin? Aura-t-elle un impact sur les inégalités hommes-femmes au bureau?

«D'abord un projet de loi est toujours l'occasion de remettre un sujet sur la table et de rappeler en l'occurrence que nous sommes bien loin de la parité en France, juge Hélène Saint-Loubert, présidente de l'agence Grenade & Sparks. Certes la situation n'est pas plus dramatique que dans les autres pays, mais il faut aller plus loin, continuer à avancer.»

Si la révolution est bien en marche, elle n'est pas vraiment terminée: les différences de salaires se situeraient toujours aux environs de 27% entre hommes et femmes. En 2010 seuls 5% des pères ont interrompu leur activité professionnelle pendant au moins un mois, à la naissance de leur enfant selon une étude Insee. Pourquoi les hommes ne prennent-ils pas de congé parental? Près de la moitié d'entre eux expliquent qu'ils n'en ont, tout simplement, «pas envie». Un tiers d'entre eux y a renoncé par «peur des conséquences négatives pour sa carrière». Le reste pensait ne pas y avoir droit.

Volontarisme gouvernemental

Du coup, Mercedes Erra, cofondatrice de BETC et présidente d'Havas Worldwide, loue le volontarisme du gouvernement dans ce domaine de l'égalité: «Pour que cela change, il fallait qu'il y ait un ministère du droit des femmes avec une forte personnalité à sa tête, sinon ces sujets sont très vite déconsidérés.» Pour sa part, Olga Trostiansky, fondatrice de l'association Le Laboratoire de l'égalité préfère attendre de voir avant de juger: «S'il s'agit d'un plan d'actions 2013/2014 pour nous ce n'est pas mal, en revanche si cela doit jouer le rôle de loi cadre pour les quatre années à venir, ce n'est pas suffisant.»

Dans le détail, la proposition la plus importante est sans doute celle qui lie les trois ans de congé parental pour les femmes, à la possibilité de prendre six mois chez les hommes. «Cette incitation me semble très juste, et structurante à la fois pour les hommes et les femmes, juge Mercedes Erra. Cela permettra peut-être de parvenir à un bon équilibre dans la gestion de l'entreprise familiale, qu'elle soit enfin tenue par les hommes et les femmes. Il n'est pas normal qu'en 2013, on considère encore que les enfants appartiennent aux femmes parce qu'elles les ont portés.»

Orange, qui s'est associé à l'association Mercredi c papa n'a pas attendu la loi pour adopter en juin le programme «happy men». Parmi trente-trois engagements, il propose à l'homme salarié «d'échanger régulièrement avec sa conjointe une responsabilité familiale, comme de prendre en charge la santé des enfants». Il s'agit aussi de l'inclure aux solutions de télétravail, un ou deux jours par semaine.

Olga Trostiansky est plus circonspecte sur le sujet du congé parental: «Nous avions prôné une réforme plus radicale, en le limitant à six mois-un an maximum et en le revalorisant, pour nous c'est une des raisons pour lesquelles les hommes ne le prennent pas aujourd'hui.»

Même si elle est favorable à l'évolution législative, en tant que chef d'entreprise Hélène Saint-Loubert ne voit pas que des avantages à la modification du congé parental: «Dans mon agence, nous sommes plus de 70, et il y a eu sept naissances en dix-huit mois (cela a concerné 4 femmes et 3 hommes), si les mères ont toute opté pour le congé parental de moins de six mois, aucun des hommes n'a fait ce choix-là. Si demain on doit multiplier ces congés avec les hommes, cela ne sera pas simple à gérer. D'autant qu'à chaque fois il faut remplacer les personnes, ce qui coûte cher, et en plus elles ne sont pas obligées de nous dire si elles reviendront à l'issue du congé.»

Enfin selon Frédérique Agnès, fondatrice de Mediaprism, le projet de loi fait l'impasse sur un sujet central, celui des retraites. «Les disparités salariales et le temps partiel subi génèrent des différences de niveaux de pension de l'ordre de plus de 40% avec les hommes, pointe-t-elle. Nous allons vers une génération de femmes sacrifiées.» Un sujet qui pourrait être au cœur de la prochaine réforme des retraites, prévue à la rentrée.

 

Encadré

 

Les compétences du CSA élargies

 

Le projet de loi porté par Najat Vallaud-Belkacem prévoit que le CSA devra à l'avenir «veiller à la juste représentation des femmes, à la promotion de l'image de la femme et de l'égalité entre les hommes et les femmes» (article 17 du projet de loi). Le CSA pourra aussi être en charge «de veiller à la lutte contre la diffusion de stéréotypes sexistes et d'images dégradantes des femmes.» Enfin les obligations des sociétés de l'audiovisuel public en matière d'égalité entre les femmes et les hommes seront également renforcées.

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