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Médias, écoles, universités, annonceurs… personne ne veut rater la révolution des MOOC, ces cours accessibles au plus grand nombre via Internet. Une tendance prometteuse en audience. Enquête.

France université numérique! Voilà le nom de la toute nouvelle plateforme de MOOC (Massive Online Open Course), lancée mercredi 2 octobre, par la ministre de l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso. Une plateforme ouverte jusqu'à la fin d'année, en mode expérimental: «Vingt MOOC couvrant des domaines variés (numérique, développement durable, management...), sont proposés par dix établissements supérieurs», a précisé la ministre. De l'autre côté de l'Atlantique, les start-up du secteur ont une longueur d'avance, au point que Coursera vient de lever 31,8 millions d'euros (43 millions de dollars) début juillet. Et il y a d'autres initiatives: EDX (qui propose des cours du MIT, de Harvard, de Stanford) a signé tout récemment un partenariat avec Google pour créer un «You Tube des MOOC», baptisé Mooc.org, opérationnel courant 2014... Les MOOC? Des «cours massifs en ligne et ouverts», car l'accès à ces enseignements n'exige en général, aucun prérequis de diplôme ou de niveau. Pourquoi ces classes virtuelles à grande échelle, sur Internet, explosent et suscitent un tel engouement? Quels sont les enjeux pour les médias, écoles et entreprises ?

Pierre Dubuc, fondateur d'Open classrooms (ex-Site du zéro), une plateforme française, est très sollicité depuis la rentrée. Il fait actuellement le tour des groupes médias pour développer des partenariats: des quotidiens comme Le Monde ou Le Figaro seraient particulièrement intéressés... «Quand des cours sont suivis par 50 000 ou 100 000 personnes comme c'est le cas aux Etats-Unis, le MOOC devient un vrai média avec des usages de masse», détaille-t-il.

Aujourd'hui Open Classrooms affiche 2,5 millions de visiteurs uniques par mois. La société née en 2007, compte 25 salariés et a levé 1,2 million d'euros en 2012. De grandes entreprises, comme Orange, ne veulent pas non plus rater le train des MOOC. «Notre projet a pris de l'ampleur au fil des mois, explique-t-on chez Orange. Au départ il s'agissait de créer une plateforme francophone en ralliant des partenaires pour le contenu (écoles et universités).» Désormais Orange prévoit aussi de produire ses propres contenus. Sortie: premier semestre 2014.

Les MOOC à la française sont relativement récents. France Culture a lancé France Culture plus en novembre 2012. «Notre plateforme accueille 70 contributeurs (écoles, universités), explique François Carles-Gibergues, son responsable éditorial. Ces enseignements peuvent prendre différentes formes: vidéo, son, PDF... Aujourd'hui 400 cours et conférences sont à disposition des internautes.» Si le développement de ces plateformes coûte plusieurs dizaines de milliers d'euros, pour les médias le jeu en vaut la chandelle, car les MOOC permettent de créer un lien renforcé avec l'internaute-apprenant qui va rester sur le site, et reviendra régulièrement si le cours est étalé dans le temps. France Culture plus attire 50 000 visiteurs uniques par mois pour 4 pages vues en moyenne par visite. La page Facebook du MOOC a engrangé 85 000 fans en neuf mois.

D'autres initiatives ont fleuri dans le domaine: France TV Education a testé son premier MOOC lors du bac, en juin dernier. «Nous avons proposé aux internautes des séquences vidéo d'une vingtaine de minutes avec des professeurs de philosophie sur un thème précis, assortis d'une note de synthèse et d'un tchat, détaille Amel Cogard, la directrice déléguée éditoriale. En trois semaines notre MOOC a réuni 8 000 abonnés. Il a réalisé les plus grosses audiences de France TV Education sur cette période.». Du coup, la chaîne souhaite en lancer d'autres autour du bac (histoire, philosophie, français) mais aussi pour le brevet des collèges. De son côté, TV5 Monde propose en partenariat avec des enseignants de l'Alliance française des cours spécifiques élaborés à partir des ressources audiovisuelles de la chaîne.

Pour les médias déjà présents sur le segment de l'éducation, les MOOC sont un prolongement logique, l'occasion de nouer des partenariats avec les écoles et de doper leur audience. En revanche les écoles et universités qui proposent gratuitement en ligne, des modules de cours, y compris de leurs très chers MBA, ne sont-elles pas en train de scier la branche sur laquelle elles sont assises? En réalité, ces universités se transforment en médias mondiaux, touchent un public situé aux quatre coins de la planète, qui n'aurait de toute façon, jamais postulé ses programmes. Voilà sans doute ce qui pousse aussi Grenoble Ecole de management à participer à cette révolution: «Nous préparons deux MOOC pour le premier semestre 2014, l'un en géopolitique et l'autre en nanotechnologies, annonce Jean-François Fiorina, directeur adjoint de l'établissement. C'est une expérimentation mais pour nous il y a un enjeu d'image, de développement de la marque.» Une façon de plonger encore plus dans le grand bain de l'enseignement mondialisé.

Le cabinet de recrutement Aquent a également produit son MOOC baptisé Gymnasium: «Après un test en 2012 sur une formation au HTML 5, nous avons démarré notre premier MOOC le 12 juillet dernier sur le thème ”Code for designer” [“savoir coder quand on est graphiste”]», précise Perrine Grua, la directrice France d'Aquent. Ce programme en anglais, conçu au siège à Boston, comprend une quinzaine d'heures, avec un test à l'entrée, des modules vidéo et un certificat final. «Sur ce cours, nous avons eu 9 300 inscrits, et in fine plus de 500 internautes certifiés dans le monde, dont une vingtaine en France», poursuit Perrine Grua. Tout est gratuit mais l'intérêt se trouve ailleurs pour Aquent: «Sur ces technologies il y a une réelle pénurie de compétences, donc nous répondons aux besoins de nos clients, note la directrice France du cabinet. Ainsi parmi les 2 000 personnes du premier cours sur le HTML 5, nous en avons placés 142 en entreprise.» Prochain cours: le «responsive design».

Si, pour ce cabinet le retour sur investissement est clair, ce n'est pas le cas pour tous les autres acteurs du MOOC. Pour une entreprise comme Orange, se lancer dans les MOOC répond aussi à un enjeu d'image corporate: c'est une façon de fidéliser des communautés d'experts, extérieures à l'entreprise, dans lesquelles elle pourra également aller puiser.

Les plateformes comme Open Classrooms cherchent, elles, de nouvelles sources de revenus. «Par exemple en misant sur des opérations spéciales ou encore du sponsoring de cours par des annonceurs, comme de grandes sociétés high-tech sur des cours de création de sites Web, illustre Pierre Dubuc. Autre solution: faire payer l'obtention du certificat, après le passage d'un examen.» Le savoir est bien là, les leviers de revenus restent à inventer...

 

 

Encadré 1

L'émergence des MOOC de marques

«Aux Etats-Unis, Bank of America vient de signer un partenariat avec la Khan Academy pour créer un MOOC baptisé Better money habits, destiné à ses clients sur des thèmes comme: “Comment bien tenir son budget” ?», explique Guillaume Cabrère, président de la Digital University de DDB. L'idée est d'éduquer à la finance, en utilisant des vidéos très didactiques. En laissant les mains libres à la Khan Academy pour créer le contenu de ce MOOC, Bank of america a réalisé une forme de brand content très intelligente.» Les MOOC de marque ne devraient pas tarder à débarquer de ce côté-ci de l'Atlantique...

Encadré 2

Le groupe Ionis lance Ionis brand culture

 

Le groupe Ionis (ISG, Iseg marketing & communication school, Sup'Internet...) a lancé le 2 octobre, Ionis brand culture, un «open course» (sorte de classe virtuelle ouverte et gratuite) qui présente 50 cas marketing et publicitaires: Absolut, Apple, Axe, Club Med, Victoria's Secret.... Toutes ces campagnes de communication sont décryptées et analysées en vidéo par Mercedes Erra, Natalie Rastoin, Frank Tapiro, Jean-Paul Brunier, Olivier Altmann... Ionis brand culture proposera 70 cas fin 2013 et une centaine en septembre 2014. «Notre objectif est que les étudiants et jeunes diplômés qui rejoindront demain agences et annonceurs partagent un socle commun de connaissances», explique Marc Drillech, directeur général de Ionis education group.

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