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Dans une enquête mondiale, Cap Gemini Consulting dresse un état des lieux de la transformation digitale des entreprises. Un bilan en demi-teinte.

Un grand malentendu. 53% des PDG pensent que le rythme de la transformation digitale de leur entreprise est «bon, rapide ou même très rapide», selon l'étude de Cap Gemini Consulting «Embracing digital technology», menée au niveau mondial auprès de plus de 1 500 managers. Un satisfecit, donc.

Problème: plus on descend dans la hiérarchie et plus l'enthousiasme dégringole: «Seuls 36% des managers et 33% des employés jugent que leur société a adopté une vitesse de transformation "bonne, rapide ou très rapide"», relève Jérôme Buvat, responsable de la recherche chez Cap Gemini consulting. Dans leur majorité, les personnes interrogées pensent que la cadence de transformation est trop lente.»

Comment s'explique ce décalage de perception entre le haut et le bas de la pyramide? «Il est probable que ces patrons aient défini une stratégie digitale avec une feuille de route, mais qu'ils ne l'aient tout simplement pas partagée avec l'ensemble de l'entreprise, avance Jérôme Buvat. D'ailleurs, seuls 36% des CEO ont communiqué leur vision à ce sujet.»

En revanche, le sujet sur lequel tout le monde s'accorde dans l'entreprise, c'est celui des enjeux: près de huit répondants sur dix admettent que la réalisation de cette migration vers le digital aura une importance capitale dans les deux prochaines années pour leur organisation.

Reste à trouver la bonne voie pour que cette mutation réussisse. Et là encore, il y a une certaine cacophonie: «Il y a beaucoup d'initiatives numériques qui sont lancées dans un pays ou dans une fonction donnée mais elles ne sont bien souvent pas coordonnées, note le responsable de la recherche de Cap Gemini consulting. Comme tout cela manque de gouvernance, l'impact de la transformation sera limité.»

D'autant que les obstacles à la digitalisation de l'organisation sont nombreux (voir infographie). Autre point noir: la mise en place d'indicateurs du degré d'avancement de l'entreprise sur le long chemin de la digitalisation. Seules un quart des sociétés interrogées disposent de telles jauges.

Bons élèves

Bien sûr, il y a les bons élèves du digital, selon l'étude Cap Gemini consulting: la chaîne de restauration Starbucks, l'équipementier sportif Nike ou encore le groupe de presse Prisa. «Chez Starbucks, la mise en place d'équipes numériques remonte à 2008-2009, précise Jérôme Buvat. Si cela a pris très vite, c'est parce que le directeur du digital ne dépendait ni du marketing, ni de l'informatique, tout en travaillant étroitement avec ces deux départements.»

Autre condition nécessaire au succès, la séniorité du manager: «Chez Prisa, un géant des médias espagnol, quand ils ont créé Prisa digital il y a trois-quatre ans, ils ont donné une très grande latitude au responsable de l'entité», constate le consultant. Le directeur du digital doit reporter directement à la direction générale pour que le sujet avance!

Nike, pour sa part, a commencé par multiplier les initiatives dans le numérique: présence sur les réseaux sociaux, création d'objets connectés... «Ce n'est que dans un second temps, en 2010, qu'ils ont créé Nike digital sports, leur département ad-hoc afin de coordonner les initiatives à travers l'entreprise», précise Jérôme Buvat.

La plupart du temps ce basculement vers le digital se produit grâce au recrutement de compétences à l'extérieur de l'entreprise. Former ses propres collaborateurs prendrait trop de temps. C'est le cas par exemple chez L'Oréal luxe avec l'équipe de Vincent Stuhlen, qui bouscule les modes de fonctionnement du géant des cosmétiques.

Le digital peut aussi avoir d'autres conséquences sur l'organisation de l'entreprise. L'étude s'intéresse à la façon dont les groupes valorisent les collaborateurs impliqués dans cette transformation: 68% des «digirati» (entreprises modèles en matière de digitalisation) ont aligné leurs systèmes de récompense des collaborateurs sur les objectifs de transformation digitale. D'abord en reconnaissant davantage ces salariés (39 %), en les faisant évoluer plus vite (35%) puis en les récompensant financièrement (22%).

«Ainsi chez le géant américain de la distribution Walmart et chez l'anglais John Lewis, les règles de rémunération ont été modifiées pour inciter les employés des magasins à pousser les canaux numériques, souligne Jérôme Buvat. Désormais les ventes faites en ligne sont rattachées à des points de vente et les vendeurs perçoivent des commissions...»

 

Encadré

« La communication digitale expliquée à mon boss »

 

Dans leur nouvel ouvrage La Communication digitale expliquée à mon boss, sorti mercredi 16 octobre aux éditions Kawa, les co-auteurs Yann Gourvennec, responsable digital et médias sociaux dans un grand groupe, et Hervé Kabla, directeur de l'agence digitale Be Angels, spécialisée dans les médias sociaux, poursuivent leur mission d'évangélisation, deux ans après leur premier livre («Les médias sociaux expliqués à mon boss»). «Le digital, tout le monde en parle, tout le monde en fait mais il y a encore beaucoup d'incompréhensions, de malentendus, souligne Yann Gourvennec. Dans le même temps des usages émergent.» Pour que ces bonnes pratiques digitales soient adoptées massivement, cela doit commencer par le haut de l'entreprise: «Nous avons donc demandé à Pierre Gattaz, président du Medef de signer la préface, et le lancement officiel de l'ouvrage se fera au siège du patronat», conclut Yann Gourvennec.

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