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Des départements entiers qui poussent comme des champignons, d'autres qui se réduisent comme peau de chagrin, des compétences devenant vitales en six mois… La bonne gestion des talents est le défi du moment pour les agences et les annonceurs. Panorama des dix profils les plus prisés par les recruteurs.

Neuf dirigeants sur dix estiment que la révolution digitale «va générer des changements majeurs» dans les métiers de leurs équipes dans les cinq prochaines années… Un tiers de ces patrons pensent que leurs collaborateurs, en majorité, verront leur fonction évoluer ou qu'ils seront amenés à changer de métier. Si cette révolution est bien engagée dans le marketing et la communication, il faut s'attendre à une nouvelle vague de grande ampleur, selon cette étude du cabinet EY et de Linked In, menée au niveau mondial.

De nouvelles fonctions émergent et peuvent perdurer, mais d'autres se volatiliseront ou se dilueront. Sans aucune certitude sur la physionomie des nouvelles organisations, avec la disparition pure et simple de certains jobs trop «off line» et la création de départements entiers autour du social media, de la data ou du mobile: «Le webmaster, qui a aujourd'hui totalement disparu, s'est fragmenté en moultes expertises: webdesign, SEO…», note Clémentine Darmon, responsable des publications chez EY.

Le ferment révolutionnaire? Le digital lui-même, bien sûr. «La technologie n'arrête pas d'arriver par vagues et tout le monde navigue à vue», poursuit Clémentine Darmon. A mesure que l'économie numérique progresse, elle dynamite l'organigramme des entreprises. «Avant, on nous donnait six mois pour plancher sur de nouvelles organisations. Aujourd'hui, les dirigeants veulent que l'on “redesign” tout un service en deux mois, parce qu'on change complètement d'axe, y compris en transférant des profils d'un département à l'autre», détaille Damien Crequer, associé du cabinet Taste.

Un rythme fou, à l'image du changement de modèle que nous sommes en train de vivre. Pour les directeurs marketing/communication et les patrons d'agences, c'est un véritable casse-tête. «Toute la difficulté est de bien épouser le mouvement de la transformation, de savoir jusqu'où internaliser les nouvelles expertises, considère Anne Vincent, vice-présidente de TBWA Paris. Nous avons à la fois intégré de nouveaux profils clés: UX [user expérience], réseaux sociaux, etc. Mais nous avons aussi engagé un important chantier de formation interne il y a quatre ans, avec plus de 200 salariés formés.»

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Du côté de BETC, le bilan est le même. «Il faut disposer de tous les talents au bon moment et ces experts doivent être, en plus, capables de comprendre les métiers autour d'eux et l'impact que cela va avoir», juge Muriel Fagnoni, vice-présidente exécutive.

Des profils plus pointus et plus performants

Chez les annonceurs, l'orientation est identique. «Le digital a un impact sur tous les métiers, y compris des fonctions supports, comme le juridique, remarque Patrick Hoffstetter, directeur de la Digital Factory de Renault. Même s'il y a deux sujets principaux: la compréhension des réseaux sociaux et l'impact du mobile.» Là encore, les mêmes questions se posent: comment digitaliser ces fonctions? Faut-il recruter ou former? «Les annonceurs ont à la fois besoin d'experts très pointus, tels les responsables e-CRM, UX, spécialistes RTB…, et de managers capables de chapeauter les équipes et les projets», dit Pierre Cannet, directeur du cabinet Blue-Search.

Ainsi Virginie Fauvel, directrice digital et market management d'Allianz France, a embauché une trentaine de personnes ces dix derniers mois: des spécialistes mobiles, SEO (Search Engine Optimization) SEM (Search Engine Marketing), community management… «Ces compétences sont tellement importantes pour nous que je souhaite les internaliser pour que ces experts soient bien formés aux produits Allianz, précise-t-elle. Idem pour lancer nos nouvelles campagnes à 360 degrés, où nous avions besoin de disposer d'experts digitaux.»

Autre compétence très prisée: la maîtrise des datas. «On nous demande des profils capables de mettre en place les outils et d'analyser les données avec un regard marketing», note Perrine Grua, directrice générale d'Aquent France. Cela se traduit par l'embauche de data analyst et data scientist. Enfin, la montée en puissance du RTB (real time bidding, soit enchères en temps réel) dans l'achat d'espace publicitaire génère aussi des recrutements, dans les agences médias et demain peut être chez certains annonceurs, qui se dotent de leur propre trading desk (plate-forme d’achat d’espace publicitaire). Une aubaine pour les traders media.

Tous ces nouveaux besoins obligent aussi les écoles à revoir de fond en comble leurs programmes

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Complexité et fluidité

Partout, les méthodes de travail sont bouleversées par l'arrivée de ces experts. «Il y a de plus en plus de perméabilité entre les métiers et nous travaillons d'une façon beaucoup plus intégrée, constate Muriel Fagnoni, de BETC. Avant, une réunion pour un brief réunissait les études, le planning, les créatifs et les médias. Aujourd'hui, un UX et un creative technologist s'y joignent systématiquement.»

Cela peut aboutir à des organisations en apparences plus complexes, mais bien souvent plus fluides car il y a davantage de cocréation et de codéveloppement. Dans tous les cas, agences et annonceurs n'ont guère le choix: toutes ces nouvelles expertises sont indispensables pour rester dans la course.

 

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