Profession
Les conférences et études sur le métier de journaliste se multiplient, avec une question cruciale: est-il mourant? C’est l’heure du check-up.

Du 16 au 18 octobre se tenait à Metz (Moselle), la 8e édition des Assises Internationales du Journalisme et de l'Information, quelques jours après la 4e conférence nationale des métiers du journalisme (les 2 et 3 octobre), l'occasion de faire le point sur les grandes tendances du métier aujourd'hui. Le journaliste est-il menacé? Survivra-t-il à la crise? Quelles sont les attentes des jeunes journalistes? Etat des lieux de la profession.

1. Le nombre de journalistes baisse-t-il en France?
«Depuis 2006, il y a une diminution de 1,6% des délivrances de cartes de presse en France», constate Jean-Marie Charon, sociologue des médias. La commission de la carte a distribué 36 907 cartes, soit -0,6 % par rapport à 2012. «Mais cette baisse est très modeste par rapport aux autres pays industrialisés, comme par exemple les Etats-Unis ou l'Espagne, où ces effectifs ont plutôt chuté de 30 % depuis le début de la crise économique.» Une situation paradoxale puisque les plans de départs volontaires ou ouverture de clauses de cession se sont multipliés, ces derniers mois: rien qu'en presse quotidienne régionale, Jean-Marie Charon a recensé entre 224 et 289 départs de journalistes, ces derniers mois. Si cela ne se voit pas encore dans le nombre de cartes de presses accordées, c'est aussi parce que dans le même temps la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP) a abaissé ses critères. Résultat, moins de refus de cartes de presse. Et puis, comme le rappelle Jacqueline Papet, secrétaire générale de la Conférence nationale des métiers du journalisme: «Quand un journaliste perd son emploi, il conserve sa carte de presse pendant deux ans.» Il faut s'attendre à ce que les statistiques de la commission de la carte soient moins bonnes à l'avenir: «Le réel contrecoup devrait apparaitre bientôt, avec un phénomène de rétractation du nombre de journalistes en France», conclut Jean-Marie Charon.

2.Dans les modèles d'organisation des rédactions, va-t-on vers moins de permanents?
Valérie Toranian, ancienne directrice de la rédaction du magazine Elle a dressé ce constat lors des Assises du journalisme: «Il y a une logique économique, les managers préfèrent des rédactions avec des chefs de service et le moins possible de rédacteurs. Ils préfèrent fonctionner avec des journalistes freelance. Chez Elle par exemple, quand je suis arrivée en 2002 il y avait douze reporters il n'y en a plus que trois ou quatre aujourd'hui.»

3.Une école reconnue par la profession garantit-elle une meilleure insertion?
Selon les chiffres de l'observatoire des métiers du journalisme, le fait d'être issu d'un des quatorze cursus reconnus par la profession ne préserve pas de la précarité: 14,6% de ces jeunes diplômés sont en CDI (34,1% en CDD) contre 37,9% en moyenne en CDI pour les autres issus d'écoles non reconnues ayant fait leur première demande de carte de presse en 2013 (27,5% sont en CDD). Et 51 % des jeunes journalistes provenant d'un établissement reconnus sont en piges au moment de leur première demande de carte de presse, contre 34,6 % pour les cursus non reconnus.

4. A quelle fonction aspirent les étudiants en journalisme?
Rédacteur polyvalent, voilà la fonction dans laquelle se projettent une majorité d'étudiants en journalisme, selon l'étude sur l'Imaginaire des journalistes. En 2013, 21% des étudiants souhaitent en effet devenir rédacteur polyvalent, contre 14,4 % en 2011. L'étranger attire toujours autant: 13% veulent être correspondant à l'étranger (13,5% en 2011) et 10%, reporter de guerre ou envoyé spécial à l'étranger (13% en 2011). Enfin 10% de ces journalistes en herbe se verraient bien chroniqueur et 9%, journaliste sportif.

5.Quels sont les modèles des jeunes journalistes ?
Pour la première fois, à la rentrée 2013, Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart a détrôné Albert Londres comme modèle dans l'esprit des journalistes en formation. Tel est le résultat de l'étude sur l'imaginaire des journalistes, réalisée par la conférence nationale des métiers du journalisme (CNMJ) et relayée auprès de leurs étudiants par des écoles partenaires (CUEJ, IPJ, IJBA...). A la question «Parmi les cinq journalistes suivants, lesquels ont votre préférence?», les étudiants citent dans l'ordre: Edwy Plenel, Albert Londres, Florence Aubenas, Yves Calvi, Nathalie Nougayrède. A la rentrée 2011, ils plébiscitaient plutôt Albert Londres, Yves Calvi, Bob Woodward (Watergate), Florence Aubenas et Edwy Plenel.

 

FOCUS. L'Albert-Londres ne préserve pas du chômage

Dans une interview publiée le 20 octobre dans le journal La Montagne, à l'occasion du festival Journalisme et société de Vichy, Philippe Pujol, 38 ans, prix Albert-Londres 2014 (Quartiers shit, La Marseillaise) explique sa situation depuis qu'il a été licencié économique de La Marseillaise: «Aujourd'hui je suis au chômage. Il y a dix ans, quand on avait Albert-Londres, on avait un bon poste dans un bon canard instantanément. Et aujourd'hui, plus rien, on vous félicite seulement. Cela donne accès à l'édition (*), à des bonnes pistes, à des reportages uniques...  En raison de la crise de la presse, je pense que les patrons préfèrent éviter les gens difficiles à maîtriser. En étant Albert-Londres, je suis quelqu'un de moins malléable.»

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