«Quand mon équipe travaille sur une nouvelle application ou objet digital inédit, je lui demande de faire rapidement un pilote, très simple, afin de le tester sur des collaborateurs dans les couloirs, ou de le “pitcher” auprès de passants dans la rue», s'enthousiasme Yves Caseau. La mission du nouveau directeur de la Digital Agency du groupe Axa, arrivé en avril, est de donner un coup d'accélérateur aux projets numériques du géant de l'assurance, comme l'appli Axa Drive, qui donne des conseils de conduite, sortie en octobre 2013.
Pour mener à bien tous ces projets, Yves Caseau dispose d'une belle enveloppe: 15 millions d'euros de budget par an. Et si son département ne compte qu'une vingtaine de salariés, il travaille au global avec 80 personnes, à la fois aussi bien dans le groupe, qu'avec des agences web extérieures. Créée il y a dix-huit mois, la Digital Agency d'Axa comprend des expertises diverses: six chef de projets, des chefs de produit, des profils plus techniques (digital, mobile), deux UX designers...
Le livre de chevet de ce manager de haut vol, qui a été DSI puis directeur général adjoint de Bouygues Telecom, c'est Freedom Inc, d'Isaac Getz et Brian M. Carney (Liberté & Cie, Fayard, février 2012). Un plaidoyer pour la libération du travail chez les salariés. «Mais l'autonomie sans vision, c'est le chaos», précise Yves Caseau. Le manager est adepte de cet adage: «People don't do what you expect, but what you inspect» (les gens ne font pas ce que vous souhaitez mais ce que vous vérifiez).
Sus à la «managitation»
«La difficulté, c'est de faire en sorte que les décisions prises soient appliquées dans la durée, afin de transformer en profondeur; il faut de la persévérance, sinon ce n'est plus du management mais de l'agitation», dit-il. Un mode de management à l'américaine, selon Stéphane Delbecque, directeur mobile pour le groupe Axa, qui a lui-même eu un parcours d'entrepreneur aux Etats-Unis: «Il est très Californien, basé sur la communication, l'échange, la responsabilisation.»
Chez Bouygues Telecom, l'équipe d'Yves Caseau avait planché par exemple sur la B Box Sensation, sortie en 2012, avec une méthode originale: «Je leur ai demandé un premier jet pour le lendemain, puis une nouvelle version une semaine plus tard, et une autre deux mois après. Cette méthode enlève l'angoisse de la feuille blanche et casse “l'effet tunnel”, car on sait que l'on a déjà une solution, qui en plus s'améliorera avec le temps», souligne le manager.
Chez Axa, le défi est de taille: réinventer le métier d'assureur. Et là encore, pour faire éclore les bonnes idées, le directeur a recours à la technique du "test & learn" (tester et apprendre): «Il va mélanger son idée avec les propositions de l'équipe, sans confrontation, puis en extraire quelque chose de positif, et tester le fruit de ces échanges auprès de quelqu'un d'autre», constate Jean-Christophe Rieu, digital manager au sein de la Digital Agency.
C'est aussi chez Bouygues telecom qu'Yves Caseau a vécu sa pire expérience de management: «Nous avions inventé Domocare, une plateforme permettant aux clients d'échanger les idées, on a dévoilé le projet trop tôt, et il y avait trop d'enjeux, de parties prenantes voulant s'arracher le bébé... Résultat, ça n'a jamais vu le jour.» Une erreur qu'il ne reproduira pas chez Axa.
Son parcours en bref
1963. Naissance à Toul (Lorraine)
1982. Admission à l'Ecole normale supérieure.
1987. Thèse en informatique à l'université Paris-Sud.
1987. MBA du Collège des ingénieurs.
1991. Directeur de la recherche logicielle chez Bellcore (New Jersey, Etat Unis).
1994. Directeur du e-Lab du groupe Bouygues.
2001. Directeur des systèmes d'information de Bouygues Telecom.
2007. Directeur général adjoint Technologies, Services et Innovation de Bouygues Telecom.
2014. Directeur de la digital agency du Groupe Axa.
