RH
Alors que la semaine de la qualité de vie au travail vient de s'achever et que des start-up se développent sur ce thème, les groupes Société Générale et Decathlon ont investi fortement le domaine en expérimentant de nouvelles façons de travailler. Retours d'expériences.

 Des petits robots pour l’air conditionné, un jeu d’échec géant, une table de ping-pong sur laquelle s’est installé une start-uppeuse dans un espace dédié, un kiosque Debussy insonorisé où un salarié joue du piano, des cafétarias ouvertes toute la journée. La nouvelle technopole « Les Dunes » de Société Générale [SG], à Val de Fontenay, se veut un peu le meilleur des mondes possibles dans l’entreprise du XXIe siècle. Débarrassés de leurs vestes et de leurs cravates, les 5000 salariés du site vivent à l’heure du flex office sur 126 000 m2 : à chacun non seulement son petit casier, mais surtout son espace choisi de coworking car nul n’est tenu d’être dans un lieu précis.

Seuls des « quartiers », au total, cinquante espaces différents, permettent aux salariés de s’y retrouver avant de brancher leur ordinateur portable. « On peut s’installer partout, même à l’extérieur, explique Véronique Poulard, DRH de la direction de l’innovation et filière IT, qui rappelle qu’une application « MyBuilding » et une fonctionnalité « MeetMe » permettent de se rencontrer entre les cinq bâtiments, ou que des notifications de réservation arrivent sur son mobile quand on entre dans une salle libre. « Au-delà de la transformation numérique, ajoute-t-elle, il s’agit de tester les nouvelles façons de travailler. Ce sont des espaces collaboratifs conçus par les utilisateurs pour les utilisateurs. Ils sont plébiscités par 90 % des collaborateurs ».

Énergies créatives.

Alors que s’est achevée le 13 octobre la 14e semaine de la qualité de vie au travail, SG, challengé par les start-up et les technologies, est au cœur de la réflexion sur le management de qualité. Le 20 septembre devant la presse, la DRH du groupe, Caroline Guillaumin, a insisté sur l’ampleur du chantier entrepris pour libérer les « énergies créatives » et favoriser l’innovation. Partant du principe que les déplacements sont de 45 km par jour en moyenne, pour un temps de trajet de parfois deux heures, l’entreprise facilite le télétravail, depuis quatre ans, qui touche 6000 collaborateurs contre 400 à la fin 2014, dont 49 % d’hommes. Sensible à la notion de symétrie des attentions, elle assure que l’engagement des salariés dépend en grande partie des attentions de l’entreprise. Le respect de l’équilibre vie privée/professionnelle en fait partie. Le « plus de l’environnement » de travail aussi. Avantage de l’open space et du flex office : ils permettent de redistribuer les initiatives au sein des business units puis des collaborateurs. « Cela redonne de l’autonomie, responsabilise les gens, note-t-elle, on peut décider d’un prêt immobilier sans attendre l’avis du N+2 ou +3 ».

Salariés motivés.

Chez Decathlon - en première place du classement Great Place to Work en mars grâce à une note constituée pour les trois quarts de l’avis des salariés -, Xavier Rivoire, directeur de la communication RH, assure aussi que l’autonomie est mobilisatrice : « la responsabilité est donnée à ceux qui lèvent la main, explique-t-il, chaque responsable de rayon a un compte d’exploitation, aménage comme il l’entend sa tête de gondole, c’est une logique d’intrapreneurs avec un droit à l’initiative où on est gagnant 90 % du temps ». C’est loin d’être le seul motif de satisfaction : à Decathlon, les conseillers ne sont plus de simples vendeurs mais des animateurs de communautés (yoga, fitness, running…). Ils peuvent aussi profiter d’un « Between village » pour s’essayer à la boxe ou pratiquer une activité sportive. Et si les salaires sont plutôt bas, les collaborateurs sont facilement payés sur quinze ou seize mois du fait de l’intéressement. « Un salarié peut ainsi se dire bien dans sa boîte car il fait du sport avec ses collègues et s’y sent impliqué, y compris financièrement », complète Xavier Rivoire. En 2016, Decathlon a vu son chiffre d’affaires progresser de 2,5 % et la fréquentation des 310 magasins a gagné 7 %. Signe que malgré l’essor du e-commerce, des salariés motivés peuvent faire la différence.

Yoga et méditation

« Le digital appelle le présenciel », souligne la prospectiviste Carine Dartiguepeyrou aux « Dunes ». Communication non verbale, surcharge cognitive liée à la sollicitation numérique permanente, ce qui vaut pour la clientèle est également valable en interne. Charlotte Pignal, fondatrice de We are morning, start-up spécialisée dans la gestion du stress et le bonheur au travail, constate une demande grandissante des salariés sur ces problématiques. Pour Johnson & Johnson ou Sofitel, elle organise des sessions de yoga, de médiation ou de développement personnel. Les entreprises, note-t-elle, sont soucieuses de montrer que « l’humain est au cœur de leur politique interne ». Et les sessions sont pleines. Les salariés viennent se ressourcer après, parfois, des périodes difficiles pour l’entreprise.

Est-ce à dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non, bien sûr. Chez Société Générale, qui a mis en place un Observatoire de la qualité de vie, la DRH Caroline Guillaumin rappelle qu’avec le télétravail et le flex office « c’est la fin de la notion de contrôle alors que le manager a encore besoin de savoir ce que font ses collaborateurs ». Elle reconnaît donc un risque pour des populations de cadres supérieurs « qui doivent désapprendre tout ce qu’ils ont appris ». Sa collègue, Véronique Poulard estime que si la collaboration engendre des processus de création collectifs, il s’agit encore d’expérimentation. Mais l’absence de silos peut déstructurer la relation de travail : « Quand est-ce qu’on se rencontre, ce n’est pas très clair encore », dit-elle. Quant à Decathlon, il compte sur son programme « en bleu et vert », qui prévoit par exemple de ne faire partir que des camions pleins de ses centres logistiques, pour améliorer l’impact environnemental de l’entreprise. « Les jeunes et les moins jeunes nous interrogent beaucoup là-dessus », observe Xavier Rivoire.

« Le ROI du bien-être au travail »



Selon une étude de l’université britannique de Warwick, publiée en 2014 par le Journal of Labour Economics, la productivité d’une équipe heureuse au travail augmenterait de 12 %. En réalité, « le ROI du bien-être au travail est très difficile à mesurer », estime Charlelie Vallet, CEO de la start-up We Hobby qui développe 250 formations consacrées au développement personnel et professionnel, « mais les responsables RH nous disent tous qu’un individu qui se sent bien dans une entreprise va en parler à ses collègues et permettre de développer la marque employeur ». Atout clé de la start-up, qui vient de lever 1 million d’euros, elle a conçu une application permettant de découvrir qui partage ses passions afin de créer des communautés spontanées autour du yoga, de la boxe ou de la prise de parole en public. Chaque semaine, jusqu’à dix activités différentes sont proposées. Une façon de renforcer l’attractivité de l’entreprise, surtout dans les domaines numériques où la guerre des talents fait rage. L’avantage des communautés de hobbies, c’est qu’elles se créent à la base et ne sont pas fabriquées par des équipes RH. Ces dernières peuvent ensuite choisir de les faciliter en mettant à la disposition des salariés une salle de sport ou de détente ou encore en finançant une partie des activités. L’entreprise favorise ainsi le sentiment d’appartenance et envoie le message qu’elle se préoccupe du mal-être au travail. À condition que sa culture et ses objectifs soient en adéquation avec cette noble ambition. 

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.