Communication interne
Discipline ayant récemment pris son essor, la communication interne reste souvent un sujet confidentiel malgré des enjeux stratégiques et économiques avérés. À l’heure où celle-ci connaît des bouleversements majeurs dans le sillage de l’explosion du digital, les agences de communication se montrent-elles en pointe sur le sujet ? Éléments de réponse.

Les cordonniers sont-ils vraiment toujours les plus mal chaussés ? C’est la question piégeuse à laquelle les agences de communication - qui plus est les spécialisées - se retrouvent confrontées lorsqu’on aborde le sujet de la communication interne. Sous-entendu : cela ferait mauvais effet. « Si l’on excelle dans la communication externe, pourquoi n’en serait-il pas de même en interne ? », interroge directement Sophie Palès, déléguée générale de l’Association française de communication interne (Afci), pour qui la problématique reste sensiblement la même quel que soit le secteur d’activité. « La communication interne revêt une dimension stratégique qui relève avant tout de la conviction de la direction, de ses idées en matière de lien entre performance sociale et économique. C’est aussi un élément qui participe au développement de l’entreprise », rappelle-t-elle en préambule.

Enjeux à tous les étages

Car les enjeux de ce métier bouleversé par les nouveaux usages digitaux sont multiples. Outre les effets en termes d’organisation et de productivité, des défis additionnels ont fait leur apparition pour les dirigeants d’agences. Dans un secteur d’activité caractérisé par sa porosité entre communication interne et externe - via les réseaux sociaux notamment -, il s’agit de soigner ses collaborateurs autant que l’employee advocacy, cette stratégie de management consistant à faire du salarié son premier ambassadeur. « Il existe une forte identité de la marque BETC en interne et une fierté que l’on fait tout pour entretenir au quotidien », confirme Charlotte Lévy-Frébault, directrice de la communication, rejointe par Leïla Touiti, à la tête de la communication de Marcel (165 salariés), pour qui le « sentiment d’appartenance » joue un rôle tout sauf accessoire. « Mais aussi parce que ce qu'il se passe à l’intérieur se voit à l’extérieur. Ce qui a son importance en termes de recrutement et de désirabilité », complète Laurent-Cédric Verscheure, directeur général chez Angie (135 collaborateurs). En résumé : quand la communication pèche en interne, les dommages peuvent aller jusqu’à écorner la réputation de l’entreprise. Un risque contre lequel les agences font chacune front à leur manière. Et si « la taille est une spécificité en soi qui influe directement sur la manière de s’emparer du sujet », comme le relève Laurent-Cédric Verscheure, le but, lui, reste peu ou prou similaire. « La communication interne doit donner une vision claire de la stratégie d’entreprise en valorisant le collectif, mais aussi la reconnaissance du rôle de chacun. Elle permet d’identifier qui fait quoi et pourquoi. Elle permet aussi de développer la connaissance intermétiers », appuie Marie Reynaud, executive marketing & business director chez Lonsdale (230 salariés), en référence à la « mutualisation des contenus, des réalisations et des outils pour créer une culture commune ».

Réseaux professionnels et application mobile

Une tendance globale qui se traduit par le développement de l’information interne (newsletters…), dont l’éditorial, historique et tangible, reste l’outil phare. « Le but de la communication interne reste avant tout de transmettre les informations pour que les salariés soient prévenus en amont de la communication externe », note Charlotte Lévy-Frébault, pour qui il ne s’agit pas simplement d’un vœu pieux. Quant aux supports digitaux, ils poussent les agences à innover, au-delà de l’éventail de possibilités professionnelles offertes par les réseaux sociaux (Facebook, Pinterest, LinkedIn, Google+…). « De par notre activité, c’est un sujet exacerbé, via notamment des supports de communication digitale que nous testons dans notre “labo”. Nous sommes les bêtatesteurs des solutions proposées à nos clients », s’enthousiasme Laurent-Cédric Verscheure. Avec près de 900 salariés sur son site de Pantin, BETC, de son côté, n’a pas hésité à développer sa propre application mobile dotée de multiples fonctionnalités, permettant de « réserver les salles, échanger et géolocaliser les collaborateurs tout en ayant accès à diverses informations », poursuit Charlotte Lévy-Frébault.

Les RH, un nécessaire allié

À l’information descendante s’ajoute l’écoute des salariés, devenue un impératif pour « nourrir le choix et la posture de la direction », comme le souligne Sophie Palès. Là encore, les actions divergent en fonction de la taille des agences, avec toutefois un objectif commun : permettre aux salariés de s’exprimer. « Il faut avoir la conviction que les collaborateurs sont un bien capital pour l’entreprise », confirme Laurent-Cédric Verscheure. Un credo qui passe par diverses mesures, à commencer par des rencontres et des temps d’échanges réguliers. « Le “Mix & Match” est un moment de partage informel d’une dizaine de collaborateurs tous métiers confondus, qui mélange nouveaux et anciens collaborateurs en présence du président », met en lumière Hélène Gosset, directrice de la marque Lonsdale Design, évoquant aussi la “Creative Review”, soit deux modules (mensuel et bimensuel) destinés à cultiver les collaborateurs sur les réalisations de l’agence. À la clé, une démarche d’écoute devant être nécessairement menée en étroite collaboration avec la direction et les ressources humaines, dont le champ d’action flirte régulièrement avec la com interne. « La communication interne et les RH ont vocation à travailler main dans la main », assure Leïla Touiti. Si l’avant-gardisme des agences en termes de communication interne semble une réalité effective, c’est peut-être à ce niveau-là que des efforts supplémentaires peuvent être réalisés.

Des indicateurs aux abonnés absents


Très peu d’indicateurs existent pour jauger l’importance et l’évolution récente de la communication interne dans les agences et plus largement au sein des entreprises françaises. Deux études intéressant le prisme métier – « l’une, sur la fonction de communicant interne, l’autre, correspondant à un baromètre de la communication managériale », comme le rappelle Sophie Palès - ont été menées par l’Afci et Inergie jusqu’en 2013. Depuis, plus rien ou presque. On relèvera néanmoins les résultats d’une étude conjointe UDA (Union des annonceurs) et Udecam (Union des entreprises de conseil et achat média) récemment menée par EY auprès de plus de 1 000 entreprises. Une étude estimant les investissements en communication des sociétés tricolores en 2015 à 46,2 milliards d’euros, dont 1 milliard consacré à la communication interne. Un chiffre impossible à mettre en relief en l’absence de précédent, mais qui fournit plusieurs enseignements, à commencer par le poids de la discipline dans l’écosystème global de la communication. À titre de comparaison, la communication commerciale était estimée dans ce même rapport à 14,2 milliards, dont 10,5 de communication publicitaire. Soit un ratio et une contribution loin d’être négligeables pour la communication interne, faisant dire à Laurent-Cédric Verscheure que « la communication interne constitue de moins en moins le parent pauvre de la communication externe ».

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