Formation
Les étudiants chinois veulent s’internationaliser. Si elles ne disposent pas de la force de frappe de leurs concurrentes américaines ou anglaises, les écoles françaises se placent pourtant en troisième position et suscitent une demande croissante.

Parmi les étudiants chinois, l’enseignement « à la française » a le vent en poupe, explique Sylvain Ferrari, directeur de ParisTech Chine, structure qui rassemble dix grandes écoles : « Les formations françaises combinent une formation conceptuelle de haut niveau avec une approche très professionnalisante, proche des besoins des entreprises. » Les cursus français font en effet intervenir des experts extérieurs, incluent une dimension de management, des cours d’économie et de sciences humaines, sans oublier les stages en entreprise. « En Chine, la formation est très académique et avec peu d’interactions avec le monde professionnel », constate Sylvain Ferrari. La demande est telle que ParisTech a lancé depuis 2010 trois instituts franco-chinois pour accueillir des étudiants chinois.

Disposer d’une présence en Chine et pouvoir recruter directement des étudiants présente un triple intérêt : les établissements français peuvent ainsi attirer les meilleurs éléments, dont la plupart feront bénéficier aux entreprises françaises de leurs compétences, en Chine ou ailleurs ; une présence sur place assure aussi le rayonnement d’une marque, l’impact est d’autant plus fort que les instituts franco-chinois sont hébergés par les universités chinoises les plus prestigieuses ; le troisième avantage d’une présence en Chine dépasse le cadre de la formation, affirme Marc Zolver, directeur des relations internationales de CentraleSupélec : « Cela permet de développer des relations avec des entreprises chinoises, que ce soit à travers des projets de recherches dans un cadre contractuel ou à travers des programmes de formation continue. »

L’ingénierie représente 75 % de l’offre

Les universités chinoises soutiennent cet engouement car il coïncide avec leurs objectifs à long terme. Les instituts franco-chinois entrent dans leur stratégie d’internationalisation, explique Marc Zolver : « En partie grâce à Centrale Pékin, l’université Beihang a pu intégrer le réseau international T.I.M.E. qui associe des universités européennes, brésiliennes, chinoises, australiennes et canadiennes. En retour, cette ouverture internationale leur permet d’attirer les meilleurs étudiants chinois. »

Même si les sciences de l’ingénieur dominent encore à 75 % l’offre pédagogique française en Chine, les écoles de management investissent aussi ce marché. Kedge BS est ainsi présent depuis six ans au sein de l’institut franco-chinois de l’université de Renmin de Pékin, et lancé un campus délocalisé à Suzhou, à proximité de Shanghai. « Nous avons créé avec la China Academy of Fine Art (CAFA) un institut franco-chinois en “management des arts et du design” à Pudong, près de Shanghai, qui sera opérationnel en 2019 et délivrera un master spécialisé dans les arts », ajoute José Milano, directeur général délégué de Kedge BS.

L’accès à l’éco-système local

Audencia a, pour sa part, ouvert en 2015 un centre de coopération académique au sein du Beijing Institute of Technology, une école d’ingénieurs de la capitale chinoise, et lancé en 2016 la Shenzhen Audencia Business School au sein de l’université de Shenzhen. Un choix éminemment stratégique, souligne son directeur général Christophe Germain : « Tous les grands groupes chinois de dimension internationale y sont et leurs dirigeants sont diplômés de l'université de Shenzhen. Cela permet aussi d’avoir accès à un gigantesque écosystème car l'université de Shenzhen est en relation avec beaucoup d’entreprises et des incubateurs, ce qui favorise les rencontres entre étudiants et professionnels. »

Dans ce paysage mouvant, l’Efap a choisi une voie plus originale en s’associant à l’ESSCA d’Angers pour lancer en 2015 une « coproduction » à Shanghai, explique Vincent Montet, son directeur de la stratégie digitale : « Nous avons mis en place deux MBA dont les cours sont en anglais. Ils sont destinés à des étudiants français ou internationaux qui passent un semestre sur le campus de Shanghai au fil de leur parcours. À terme, nous comptons accueillir aussi des étudiants chinois. » Plongés dans un marché particulièrement innovant, ils peuvent ainsi nouer des liens avec les acteurs de l’éco-système numérique local et notamment la communauté FrenchTech locale. De quoi enrichir son CV, s’insérer et rayonner plus facilement sur les autres mégapoles du continent.

Avis d’expert

« Les écoles françaises peuvent se positionner sur les enjeux sociétaux »

Marième Diagne, experte au département Travail-Emploi-Compétences de France Stratégie

« En 2016, parmi les étudiants qui suivaient une formation française délivrée hors de France, 14 % étaient en Chine. Au global les programmes d’éducation sino-étrangers ont accueilli 700 000 étudiants chinois, soit 2 % des effectifs. Dans la relation avec la Chine, la France peut se positionner sur des enjeux sociétaux comme le développement durable, la santé, l’eau, les villes intelligentes ou le numérique. Parmi les formations françaises présentes en Chine, 75 % ont trait aux sciences de l’ingénieur dans leur globalité (conception, fabrication, marketing,… ). Il y a dans cette situation une forte dimension d’accompagnement du développement des entreprises françaises, qui participent à l’essor des formations. Les 25 % restants de formations françaises présentes en Chine ont trait, d’une part, aux sciences et technologies, et, d’autre part, à la gestion. Les universités développent une offre de niche et déploient essentiellement des diplômes délocalisés avec des partenariats plutôt que des campus. Elles ont plus de difficulté à s’implanter car elles ne peuvent pas demander des droits de scolarité plus élevés que ceux qu’elles pratiquent en France. Elles manquent de moyens humains pour se développer. Les formations à l’étranger ont souvent pour origine des relations inter-personnelles établies par des enseignants, or, ils sont souvent trop mobilisés pour porter à leur terme de tels projets. Elles manquent de moyens pour construire une stratégie de déploiement et d’outils pour déterminer un modèle viable. »



Encadré

La France sur la 3e marche du podium

Si les États-Unis et le Royaume-Uni dominent, les établissements d’enseignement supérieur français arrivent en 3e position sur le marché chinois. Ils sont présents à travers trois modalités : les instituts franco-chinois, les campus délocalisés et les programmes conjoints de formation. Une douzaine d’instituts franco-chinois ont déjà été créés. Ils associent des universités chinoises à une trentaine de grandes écoles françaises. S’y ajoutent une dizaine de campus délocalisés, créés essentiellement par des écoles de management, et des programmes conjoints de formation, une voie privilégiée par les universités car elle requiert moins d’investissements. Au-delà des installations pédagogiques, une quarantaine de grandes écoles sont aussi présentes à travers des bureaux de représentation.

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