Ressources Humaines
Intégration de personnes handicapées dans les programmes, efforts pour les recruter dans leurs effectifs... Les médias font des efforts sur le sujet du handicap. Le point, à l'occasion de la 22e Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, qui se tient du 19 au 25 novembre 2018.

Pour soutenir les personnes en situation de handicap, les médias s’activent sur deux fronts. D’abord celui des programmes. TF1 a ainsi lancé durant l’été C’est quoi cette question ? qui met en scène des personnes potentiellement victimes de discrimination. «L’objectif est de faire tomber les a priori sur la différence et de changer le regard du grand public sur ces questions», explique Catherine Puiseux, directrice RSE de TF1. Radio France, dont la politique de diversité inclut cinq axes dont le soutien aux personnes handicapées, indique que le nombre de programmes liés à la promotion de la diversité est passé de 469 en 2016 à 675 en 2017 et devrait franchir la barre des 700 en 2018.

35 CDI et 30 CDD pour France Télévisions

Sur le second front, en interne, l’activité est aussi soutenue. D’abord à travers les accords d’entreprises. Celui conclu chez TF1 pour la période 2017-2020 fixe un objectif de 20 recrutements en CDI ou CDD ainsi que l’accueil de 12 personnes en situation de handicap. Chez France Télévisions, ce sont 35 CDI et 30 CDD qui seront recrutés jusqu’en 2020. Il est aussi prévu d’accueillir 60 stagiaires et 30 alternants. «Ces chiffres sont à mettre en perspective avec le contexte de l’entreprise à qui les pouvoirs publics ont fixé des objectifs de maîtrise des effectifs», souligne Martine Boucher, responsable diversité et égalité des chances de France Télévisions.

Ce même accord fixe aussi le montant – 1,2 million d’euros – que la direction des achats hors programmes devra réserver aux entreprises du secteur protégé. Quatre types de prestations leur sont actuellement réservées : l’entretien des espaces verts, les plateaux repas et les prestations de traiteur, le recyclage des équipements électriques et le traitement des cassettes vidéo.

Suivi des rémunérations

Dans cet accord figure une disposition nouvelle, en l’occurrence, un suivi de l’évolution des rémunérations. But du dispositif : vérifier que celles des collaborateurs handicapés ne décrochent pas par rapport à celles de leurs collègues. «Un premier contrôle a été effectué en 2016 pour vérifier les rémunérations des TH [travailleurs handicapés] par rapport aux rémunérations médianes des autres collaborateurs, explique Martine Boucher. Un second contrôle a lieu lors des revalorisations annuelles afin de vérifier la situation.»

Pour l’heure, le taux d’emploi des personnes handicapées reste inférieur à celui prescrit par la loi (6% des effectifs pour les entreprises qui comptent 20 salariés et plus) chez TF1 (3,56%), France Télévisions (5,5%) et Radio France (4,02%). France Télévisions fait valoir le caractère fluctuant de ce paramètre: «Nous ne maîtrisons pas vraiment le taux d’emploi des travailleurs handicapés qui peut varier en raison de l’évolution des effectifs, indépendamment de la politique que nous menons, mais notre objectif est de le faire progresser», indique Martine Boucher. Pour réduire les difficultés de recrutement, TF1 mise sur l’alternance avec un partenariat noué avec Cap Emploi. «Un tiers des personnes en situation de handicap actuellement en poste sont issues de l’alternance», précise Sophie Falla, responsable Diversité de TF1.

Freins psychologiques

Radio France aussi a noué des liens avec les associations pour contourner cette difficulté mais aussi faire évoluer des freins psychologiques, souligne Bérénice Ravache, présidente du Comité Diversité de Radio France et directrice de Fip: «Ces actions permettent aussi de réduire un phénomène d’auto-censure qui amène les personnes en situation de handicap à ne pas envisager certains métiers.» Deux journalistes de Radio France en situation de handicap visuel vont ainsi dans des écoles de journalisme pour expliquer comment ils travaillent. «Il s’agit de faire tomber les barrières et de ne plus laisser croire qu’une carrière dans un métier de l’audiovisuel est impossible parce qu’il n’y a pas de poste adapté», précise Sophie Coudreuse, déléguée à l’égalité des chances de Radio France.

Si la mesure de toutes les actions menées reste complexe du fait de leur disparité, un signe tangible laisse présager une évolution positive dans l’insertion des personnes atteintes de handicap. Ainsi, à Radio France, le nombre de salariés qui a fait reconnaître un handicap qui aurait pu rester invisible a augmenté. «Une preuve, selon Bérénice Ravache, que la crainte de discrimination et de stigmatisation a diminué.»

Les auditeurs, un aiguillon vertueux

Qu’en pensent les auditeurs? Sur les 14 000 mails que reçoit chaque mois la médiatrice de Radio France, de nombreux messages évoquent le handicap et les stéréotypes diffusés à l’antenne. «Nous en avons eu beaucoup par exemple sur l’usage à mauvais escient des termes liés aux maladies mentales comme la schizophrénie ou l’autisme», explique Sophie Coudreuse, déléguée à l’égalité des chances de Radio France. Pourquoi ne pas utiliser ce levier pour mieux sensibiliser les équipes? C’est ainsi qu’est née la plaquette qui a été distribuée aux 4 600 salariés durant la semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées. «Le retour des auditeurs est un outil déterminant pour mesurer l’efficacité de nos actions et un levier puissant pour améliorer nos actions en faveur de l’insertion des personnes en situation de handicap, souligne Bérénice Ravache, présidente du Comité Diversité de Radio France et directrice de Fip. En tant que média de service public, nous avons en effet un devoir d’exemplarité en la matière.»

 

Trois questions à… 

«Les entreprises ont une responsabilité sociétale»

Hugues Defoy, directeur chargé de la mobilisation du monde économique et social de l’Agefiph, fait un point sur l’implication des médias dans la lutte contre le handicap.

Les entreprises audiovisuelles donnent-elles l’exemple?

Beaucoup de sociétés de ce secteur ne sont pas assujetties à l’obligation d'emploi de personnes atteintes de handicap. Mais nous avons signé une convention en avril 2016 par laquelle la branche audiovisuelle s’est fixée de nombreux objectifs dans ce domaine: faire connaître les métiers de la branche, augmenter ses achats auprès des Ésat [Etablissement et service d’aide par le travail] et des entreprises adaptées, mieux accompagner les personnes handicapées, capitaliser sur les expériences, etc. C’est une traduction de la mobilisation des entreprises de la branche pour créer des outils, sensibiliser leurs salariés et mieux faire connaître leurs métiers auprès des personnes handicapées.

Que préconisez-vous pour mieux faire respecter le taux d’emploi des personnes handicapées?

Les entreprises ont une responsabilité sociétale. Employer des personnes atteintes de handicap doit être vu comme une action tout à fait normale. Ce sont des personnes qui disposent de compétences dont les entreprises ont besoin, aussi bien en termes de créativité, de compétitivité que de performance. Il faut mieux faire connaître les dispositifs, encore méconnus par les entreprises, et modifier la perception du handicap. Trop souvent encore, les entreprises voient le handicap mais pas les compétences. Je rappelle que 80% des handicaps ne sont pas visibles. Il y a encore beaucoup de représentations erronées, sans aucun lien avec la réalité.

Que peuvent faire les médias?

Les JO de Londres ont marqué un tournant avec une meilleure couverture des épreuves paralympiques. Le film Intouchables a aussi été important. Le programme «Vestiaires» aborde avec humour et sans tabou le handicap. Il faut continuer sur cette voie. Beaucoup de situations de handicap surviennent après un accident. Ces situations nous concernent tous potentiellement. Les médias peuvent aider à banaliser le handicap pour qu’il ne soit plus un écran entre les compétences d’une personne et les entreprises.



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