Management
Damien Viel, directeur général de Twitter, livre en exclusivité à Stratégies les résultats de son étude « Les #CEO sur Twitter ». Il explique en quoi les patrons, notamment des marques de luxe, peuvent faire du réseau social un outil de communication corporate.

Les marques de luxe ont pour caractéristique d'avoir un capital d'image important à défendre. Face au bashing, en quoi Twitter est un outil adapté ? 

Damien Viel. Depuis deux ans, on a vu arriver sur Twitter des marques de luxe. Certains n'avaient pas intuitivement le sentiment qu'elles étaient là en affinité. Mais Twitter étant devenu le lieu où s'orchestre la conversation autour des marques, c'est une plateforme qui permet aux entreprises du luxe de devenir des médias, avec leurs contenus et leurs créateurs. Elles viennent chez nous pour cette capacité de maîtriser le message. LVMH et Chanel ont été parmi les premières à comprendre l'impact mondial de Twitter qui leur permet non seulement de contrôler la distribution de leurs contenus mais aussi de contacter les audiences les plus influentes dans la mode ou dans des univers connexes. Ce sont aussi des audiences qui ont du pouvoir d'achat si on se souvient que Twitter rassemble un CSP+ sur trois utilisateurs d'internet. Ce n'est pas un hasard si Louis Vuitton retransmet en direct ses défilés sur Twitter et rassemble 7 millions de viewers [spectateurs] uniques. Hermès, qui est arrivé récemment pour la Paris Fashion Week, a eu 5,7 millions de viewers uniques sur son show. Twitter est enfin un lieu d'engagement au service des marques.


Les marques de luxe sont souvent mondiales et confrontées à des problématiques de contrefaçon. Un réseau social comme le vôtre permet-il d’y faire face ?

On vient chercher sur Twitter de l’information. C’est une plateforme qui contribue à construire les marques sachant que 75 % de notre audience se fait en dehors des États-Unis et que nous enregistrons une croissance très importante en Asie, et en particulier au Japon. La maîtrise du message est directement corrélée à celle de la distribution des produits. Pour lutter contre la contrefaçon, toutes ces marques innovent et Twitter porte ces messages d’innovation. En outre, en plus des process de machine learning, on garantit une vérification humaine et manuelle sur l’intégralité des vidéos où apparaît une publicité. On a su satisfaire des exigences élevées de qualité. Nous n’avons que 100 à 150 partenaires vidéos avec lesquels on travaille. On les embarque dans cette obsession de la brand safety.

 

Vous présentez une étude Harris Interactive qui montre que pour 71 % des Français en ligne, il est important pour un CEO [PDG] d’avoir un compte Twitter. 

Nous avons initié une étude pour connaître les attentes en matière de transparence et de communication des dirigeants. Jack Dorsey [PDG de Twitter] a rappelé cet été que la mission de Twitter était d’être une plateforme news au service de la conversation publique. Elle prend corps dans cette agora que devient Twitter, dans cette couche de conversation au-dessus d’internet ou de la TV. Or, nous observons un mouvement de fond : l’arrivée massive des dirigeants d’entreprise, de leur comex. Avec un patron du CAC 40 sur deux. Ce peut être pour des raisons de communication interne, à l’exemple de Frédéric Oudéa (Société générale) ou externe. Twitter, selon Hootsuite, est la première plateforme utilisée dans les entreprises de plus de 100 salariés. Laurent Vimont, de Century 21, utilise Twitter pour animer son réseau. Alexandre Bompard (Carrefour) ou Emmanuel Faber (Danone) communiquent leur ambition et réorientent la stratégie de leur entreprise avec des live, des tweets et des vidéos. C’est, encore, un moyen pour Arnaud Deschamps, de Nespresso, de porter ses engagements en matière de RSE, ou pour Jean-Baptiste Santoul, de Ferrero, de répondre aux questions de ses abonnés et du grand public à travers une blue room. Un dirigeant sur Twitter cherche à bâtir la confiance par de la transparence et par une communication différente sur son entreprise. C’est ce que la Harvard Business Review a appelé les CEO activists. À la différence des États-Unis où l’on s’engage pour des causes, le CEO français utilise Twitter comme soutien pour un changement de l’orientation stratégique. Il n’y a aucune plateforme qui permet à un chef d’entreprise de répondre à autant d’objectifs en même temps : à la fois donner ses engagements corporate, travailler la marque employeur, faire de la communication RSE ou financière, construire sa marque à travers le branding et la performance. Sans oublier la réponse du service clients. 

 

 

La communication de crise est-elle l’objectif essentiel ?

C’est vrai qu’au moment du dieselgate, Jacques Rivoal, l’ancien président de Volkswagen, a ouvert son compte Twitter. Mais aujourd’hui, les CEO viennent plutôt en prévention qu’en réaction. Il y a un appétit fort à voir les patrons s’exprimer sur Twitter, pour que s’engage une conversation. En tant que patron, j’ouvre un dialogue parce que je suis un acteur de la vie publique et parce qu’il y a une demande d’authenticité et de transparence des clients, des utilisateurs ou des candidats. Nous sommes devenus un outil majeur de la communication des entreprises. Ce n’est plus seulement un enjeu de réputation mais un enjeu de business. Cela crée de la valeur, fait vendre des produits. Cela va bien au-delà de la gestion de crise.

 

Bernard Arnault a été pris à partie au moment du film Merci Patron, de François Ruffin. Aurait-il eu intérêt à descendre dans l’arène sur Twitter ?

Il n’y a plus de dirigeants aujourd’hui qui puissent faire l’économie d’avoir un canal de communication direct, ouvert et de discussion. Cela doit être un choix personnel. Les comptes qui ont le plus de succès sont ceux où les dirigeants sont eux-mêmes investis. Il y a un an, la question des dirigeants était de connaître les risques à y être. Aujourd’hui, c’est plutôt « quel est le danger pour mon entreprise à ce que je n’y sois pas ». La prudence n’empêche pas un engagement fort, sur la formation et l’éducation, l’environnement, les relations internationales… Twitter permet aussi de communiquer le sens et le pourquoi d’une activité. C’est la revanche des grandes entreprises sur les start-up.

Les Français face aux patrons-twittos

L’étude d’Harris Interactive, réalisée en juillet auprès d’un millier d’internautes, dont la moitié d’utilisateurs de Twitter, montre que 71 % de Français en ligne pensent qu’il est important pour un CEO d’être sur le réseau social. Ses messages s’adressent à tous les Français (pour 59 %), et non seulement à ses followers. Ses publications s’adressent avant tout au grand public (50 %) puis aux clients ou prospects (42 %). 46 % des utilisateurs sont intéressés par l’actualité des patrons. La moitié (51 %) lisent des contenus ou articles au sujet de hauts dirigeants (72 % pour les contenus de marques et 62 % pour les entreprises). 48 % likent un contenu de dirigeant correspondant à leurs opinions et 55 % le retweetent. L’audience est aussi mieux informée sur l’actualité des CEO (43 %).
Sur Twitter, les patrons sont perçus comme plus modernes (54 %), plus ouverts (51 %), à l’écoute (47 %) et proches des gens (46 %). 51 % des utilisateurs ont déjà été influencés positivement par une prise de parole d’un CEO sur Twitter : cela donne davantage envie d’acheter un produit de l’entreprise (67 %) de défendre la marque (61 %), ou de postuler à un emploi (57 %). Twitter permet de communiquer ses engagements environnementaux (75 %), partager des offres d’emploi (75 %) ou de vanter le bien-être de ses employés (72 %).
En termes d’attentes, Il s’agit d’abord de relayer les positions de l’entreprise (75 %) puis de partager la vision et les objectifs (74 %) et répondre aux questions des clients (72 %). Seulement 13 % pensent qu’ils sont trop actifs. « Il n’y a pas d’effet saturation, ils en attendent davantage avec un ton un peu plus décontracté, en donnant un peu plus de leur personne », estime David Sourenian, directeur des études. Pour les Français en ligne, Twitter apparaît ainsi comme la première plateforme en temps de crise, y compris en temps normal, à égalité avec Linkedin.

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