Métier
Parmi les métiers du digital et de la vidéo, le motion design fait partie des compétences de plus en plus recherchées pour communiquer dans des formats graphiques sur les réseaux sociaux. Ses applications sont en expansion constante.

Du latin motio, littéralement «mouvement», cet anglicisme que l’on entend de plus en plus en création regroupe tout un corps de métier en mutation. Fort d’une histoire de plus de soixante-dix ans, initialement lié à la fabrication de générique de films, le motion design que l’on connaît aujourd’hui est le fruit de la contraction du titre «motion graphics design», un mot central progressivement oublié qui en a rendu la définition plus nébuleuse. 

Parfois rapproché du dessin animé ou du film d’animation, ses frontières restent donc à définir, du moins à préciser, d’autant qu’il s’agit d’un métier de plus en plus recherché aussi bien par les annonceurs que les agences, en passant par les diffuseurs, dans des domaines très différents. 

«Donner vie au graphisme»

«Faire du design graphique, c’est faire passer une idée par une représentation visuelle, rappelle simplement Matthieu Colombel, fondateur et directeur du studio Blackmeal et président de l’association des motion designers français (AMDF). Faire du motion design, c’est la même chose, à la différence que la représentation visuelle utilisée pour transmettre un message est en mouvement. Il s’agit de donner vie au graphisme.» Rien de plus.

S’il ne faut pas le confondre avec un film Disney, le motion design n’en raconte pas moins des histoires. Pour ce faire, il utilise la métaphore graphique afin de servir un message et le rendre compréhensible. 

«Quand elles ne bougent pas, les formes racontent déjà quelque chose, explique Anne George Lopez, graphiste vidéo indépendante et motion designer chez Brut. Ce sont toujours des choix. La partie motion, elle aussi, raconte quelque chose. Il faut sans cesse se poser des questions minuscules qui sont pour moi essentielles.» S’interroger et surtout, parce que la technique n’attend pas, savoir s’adapter. «Notre métier relève du bidouillage. Puisque la technique devient très rapidement obsolète, nous risquons nous-mêmes de le devenir si nous ne prenons pas l’habitude de la contourner», ajoute Matthieu Colombel. Se mettre en danger, tester, parfois tâtonner pour parvenir à une réalisation finale et originale, voilà le quotidien du motion designer. Son style graphique et sa spécialisation sont à cet égard indispensables : ils lui permettent de se différencier sur le marché et de n’être appelé que pour des projets qui lui plaisent. C’est le cas d’Anne George Lopez, intimement convaincue que c’est son talent et sa passion pour la typographie qui ont séduit le média digital Brut dont le motion design est essentiellement fondé sur l’animation de textes.

La principale difficulté du métier réside toutefois dans la temporalité. Il y a un réel décalage entre le temps de consommation d’une vidéo sur les réseaux sociaux (quelques secondes), le temps de sa production (plusieurs jours), et les délais commandés, parfois déconnectés de la réalité. Si 20 % des utilisateurs qui lancent une vidéo la quittent au bout de 10 secondes, il convient donc de privilégier les formats courts. «L’œil doit être capté en moins d’1 seconde, analyse Géraldine Karolyi, fondatrice de l’agence 17mars qui fait désormais du motion design un véritable langage de marque. C’est là qu’il faut redoubler de créativité !» Les motion designers sont en effet des profils particulièrement chassés dans le domaine de la publicité. À l’époque de leur digitalisation au milieu des années 2000, les agences de communication ont développé de nombreux pôle motion, à l’instar de TBWA Paris en 2007. Désormais, les annonceurs eux-mêmes se renforcent, en interne, à ce niveau. Mais ils ne sont pas les seuls.

Nouveau format journalistique

Puisque le motion design est un format vidéo didactique et pédagogique, il se prête parfaitement à l’exercice journalistique. Il permet de répondre à plusieurs enjeux : pallier le manque éventuel d’images, toucher un public jeune que la presse peine à conquérir et rendre compréhensible des sujets complexes en les simplifiant. «L’on imagine souvent que le motion design est un format destiné uniquement aux réseaux sociaux. Le challenge que nous avons relevé, c’est de le mettre sur nos antennes, et ça marche !», se félicite Marc Saikali, directeur de France 24. Les informations s’en trouvent alors complétées et enrichies. Julien Monel, coordinateur habillage et motion designer pour la chaîne, partage le même point de vue : «C’est un métier qui a de l’avenir en journalisme. Il y a de plus en plus de demande», constate-t-il. Toutefois, le motion design montre là ses limites dans le traitement de sujets tendus, au risque de paraître trop naïf. Une alternative ? Le news sketching, autrement dit une courte histoire racontée en dessins dans une vidéo, et développé par Adel Gastel chez France Médias Monde. La boucle est bouclée. 

Trois questions à…



Matthieu Colombel, directeur du studio Blackmeal, président de l’Association des Motion Designers Français (AMDF) et du festival Motion Motion.

Pourquoi fonder un festival sur le motion design ?

Il y a quelques années, mon ami Kook Ewo a lancé Motion Plus Design, un festival B-to-B. Mais rien n’existait à destination du grand public. Alors nous avons voulu expliquer et vulgariser le motion design. Et il y a un vrai public ! Les gens entendent beaucoup parler de motion design et y sont confrontés tous les jours, parfois même sans le savoir. Ce terme devient une sorte de mot magique : on ne sait plus trop ce qu’il signifie. Mon fer de lance, en faisant des conférences et en créant des programmes pour des écoles, est de faire en sorte qu’il ne devienne pas n’importe quoi. Le festival Motion Motion s’inscrit dans ce cadre-là.

Comment se former au motion design ?

À l’époque, il n’existait pas de formation en motion design. J’ai donc effectué des études cinématographiques avant qu’une première école ne se développe. Depuis l’obtention de mon diplôme, j’ai écrit les programmes de nombreux établissements, dernièrement pour Sup de Création, e-artsup et Pivaut. Il faut privilégier les écoles qui ne basent pas leur programme sur la technique mais bien sur la culture graphique, au risque sinon de devenir un technicien plutôt qu’un vrai motion designer. 

Le data motion, qu’est-ce que c’est ?

C’est une forme de motion design. J’ai inventé ce terme il y a sept ans pour regrouper les films de communication animée que l’on crée à partir de données complexes et qui doivent être compréhensibles par tous. Cela marche plutôt bien sur les sujets tendus et difficiles à expliquer, à  l’instar des problématiques RH comme les insultes au travail ou le harcèlement. Il faut faire passer ces messages par l’écriture mais aussi et surtout la représentation visuelle.





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