Télétravail
Frantz Gault, fondateur de Neo-Nomade, société spécialisée dans le coworking, donne les clés d'un télétravail durable dans la perspective de l'après-Covid. Des aspects juridiques aux enjeux culturels, en passant par les pratiques managériales, l'auteur du « Petit Télétravail », fait le point sur une relation au travail qui ne sera plus tout à fait comme avant.

Quelle est la genèse de votre ouvrage Le Petit Télétravail (1) ?

Frantz Gault. L’explosion du télétravail, à la suite de la pandémie, a soudainement libéré la parole sur le sujet. Tout le monde s’est improvisé « expert » du télétravail, générant des débats passionnés et parfois irrationnels. Il nous a donc paru nécessaire de rétablir un peu d’exactitude dans ce débat, en partageant l’expertise et l’expérience que nous avons accumulé sur la question depuis dix ans.



Le télétravail, on en parlait déjà avant le Covid. Qu’est ce qui a changé ?

Il existe depuis 25 ans ! Deux choses ont changé sous l’effet du Covid. D’une part, les réticences culturelles ont dû être mises de côté. Ça ne veut pas dire qu’elles ont complètement disparues, mais le management français s’est globalement rendu compte que ça fonctionne, le télétravail ! D’autre part, le confinement a changé le rapport au bureau : on n’y retournera plus pour les mêmes raisons, le bureau va donc devoir évoluer…



Côté salariés, quelles sont les habitudes prises ?

Elles sont nombreuses. Le télétravail amène notamment à développer de nouvelles compétences socio-techniques (la visioconférence, par exemple) qui n’étaient auparavant pas indispensables au bureau. Le télétravail amène également à renforcer son autonomie, car il est moins aisé de solliciter un collègue ou un manager à distance. Parmi les nouvelles habitudes on pourrait aussi citer la réduction des temps de transports, la qualité du café qu’on prépare à domicile, la gestion parfois acrobatique des interférences entre vie privée et vie professionnelle… Enfin, les télétravailleurs ont appris à gérer leur temps de façon plus autonome, en sortant du traditionnel 9h-18h, pour restructurer (certains diront « déstructurer ») leurs horaires autour de leurs préférences et de leurs vies privées. C’est l'autre révolution, moins visible, générée par le Covid...



Côté dirigeants, comment revaloriser le présentiel ?

Avant de répondre à cette question, on doit se demander : faut-il revaloriser le présentiel ? C’est le réflexe de beaucoup de dirigeants, mais quand on regarde les nombreuses études qui existent depuis 25 ans sur le télétravail, on se rend compte que la distance ne nuit pas à la performance, bien au contraire. Même en 2020, la performance des télétravailleurs est restée stable, certaines entreprises ayant même enregistré +15 % de productivité. Sur le volet psychosocial, il est vrai que le confinement a été une épreuve pour certains, mais la souffrance liée à l’isolement n’a concerné qu’une minorité de salariés (tout au plus 20 %). Les dirigeants doivent donc se demander pourquoi il faudrait revenir au bureau ; et la réponse à cette question permettra ensuite de penser le « comment ». D’ailleurs, est-ce au bureau qu’on retournera, ou dans un espace de coworking proche de chez soi ?  



Quel conseil-clé donnez-vous aux dirigeants ?

Celui de co-construire l’avenir avec les salariés. La pandémie a révélé qu’il y avait quelque chose d’artificiel dans le fait d’aller au bureau ; comme si le bureau était une cathédrale et qu’il fallait aller à messe tous les jours ! Mais après l’expérience de 2020, on n’y retournera plus comme avant… Comment et pourquoi y retourner ? Il n’y a pas de réponse simple ou unique. Et le meilleur moyen d’envisager l’avenir, en préservant l’engagement des équipes, est de discuter avec elles des modalités d’un éventuel retour au bureau, et d'ainsi bâtir un nouveau contrat social dans l’entreprise.



Peut-on exiger des indemnités ?

Oui et non… Le nouveau cadre réglementaire (ANI 2020) pose un principe d’indemnisation des frais générés par le télétravail, alors que ce principe avait été abandonné en 2017, sous l’effet des ordonnances Macron. Mais in fine, c’est la négociation avec les partenaires sociaux de l’entreprise qui définit les modalités de cette indemnisation. Cela dépend donc des entreprises. De façon générale, on constate qu’en période exceptionnelle, comme une pandémie, rares sont les indemnités. En temps normal, dès lors que le télétravail est basé sur un principe de volontariat, on a constaté une disparition progressive des indemnités, sauf dans les grandes entreprises où les partenaires sociaux sont souvent plus moteurs.



Le télétravail va-t-il entraîner la suppression de postes de travail physiques ?

C’est en effet une conséquence du télétravail, que l’on observe d’ailleurs depuis plusieurs années. Que ce soit sous la forme de « flex-office » ou d'« activity-based-office», dès lors que l’on va moins souvent au bureau, garder un poste par salarié n'a plus de sens. Il s’agit d’un enjeu évidemment financier, mais aussi écologique. La tendance, déjà visible, et qui devrait se renforcer, est de penser le bureau comme un espace de convivialité et de collaboration, tandis que le travail individuel est effectué à domicile ou en espace de coworking.

Un guide du travail à distance

Publié chez Dunod, Le Petit Télétravail a pour objectif de « fournir tous les outils nécessaires à la mise en place d’une politique de télétravail durable, c’est-à-dire au-delà des circonstances exceptionnelles de la pandémie », selon son auteur Frantz Gault. On y retrouve donc différents chapitres structurés autour de grandes questions : la formalisation juridique, l’indemnité, le rythme et le lieu de télétravail, la technologie, la formation, la mesure des impacts… L’ouvrage soulève la question des conséquences à long-terme du télétravail. Par exemple sur la flexibilité des horaires, l’aménagement du territoire, le devenir du bureau et bien sûr la réinvention du management. Il s'adresse en priorité aux petites structures, qu’elles soient privées, associatives ou publiques. « Parce que les grandes structures ont les moyens de s’offrir les services de consultants ; ce qui n’est pas le cas des petites structures », rappelle Frantz Gault. L’idée est donc de leur apporter le même niveau d’expertise.

 

Le télétravail en chiffres

13 % de productivité supplémentaire en télétravail (Stanford, 2013).

3 fois plus de travail en dehors des horaires habituels en télétravail (Dates, 2019).

86 % des télétravailleurs satisfaits du nouvel équilibre pro / perso (Ewcs, 2015).

20 % d’autonomie supplémentaire ressentie en télétravail (Ewcs, 2015).

25 % d’engagement supplémentaire en situation de télétravail (Gallup, 2017).

75 % des salariés satisfait de l’ambiance pendant le confinement (Anact, 2020).

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