Tribune
La multiplication de comptes comme @Balancetonagency ou @Balancetastartup sur les réseaux sociaux montre bien que le rapport des salariés à l'entreprise a changé. À elle et aux managers de se transformer pour aller vers un mode de management plus durable.

Alors que 2021 n’a démarré que depuis quelques semaines, le monde de l’entreprise est déjà ébranlé en profondeur par la dénonciation des pratiques de certaines start-up, agences, maisons de luxe... À l’initiative de cette libération de la parole, des comptes Instagram qui émergent par dizaines et qui dénoncent tous la même chose : l’enfer des conditions de travail dans certaines entreprises, l’envers du décor. À l’heure des @Balancetonagency, @Balancetastartup, @Balancetonstage et autres, les mauvaises pratiques de certaines entreprises sont exposées au grand jour et la parole des salariés se libère. Plus qu’un simple phénomène Instagram, ce soulèvement est révélateur d’une volonté de transformer l’entreprise, et ce sont bel et bien ces dernières qui doivent prendre le virage aujourd’hui.

Les tribus des startupers, l’image de Parisienne branchée et raffinée des marques de mode, la valorisation des forces créatives dans les agences : tous ces leviers de communication, s’ils servent à attirer des clients, contribuent également largement à la construction de la marque employeur d’une entreprise. À l’époque des réseaux sociaux, et notamment d’Instagram, la construction d’une image de marque idyllique et d’une communauté forte peut aller vite et attirer les talents. Car qui n’a jamais rêvé de cet esprit d’équipe solidaire que l’on nous promet dans une start-up, de travailler pour une marque dont l’image nous fait rêver, ou pour une entreprise dans laquelle l’on pourra confronter ses idées à d’autres cerveaux dans une émulation positive et stimulante ?

Malheureusement, derrière des comptes Instagram parfaits, se cachent souvent des maîtres de la communication, plus que des maîtres du management. Les récents scandales et comptes @Balanceton…, qui émergent pour dénoncer les violences psychologiques dont sont victimes les salariés, dans tous les secteurs, montrent que les abus sont nombreux et que l’envers du décor est bien moins reluisant.

Evolutions sociétales

Ces marques, sans doute prisonnières d'une culture d'entreprise et de pratiques anciennes, n'ont pas pris conscience de la nécessité de s'adapter aux évolutions sociétales. Aujourd’hui, les salariés sont de plus en plus en recherche de sens et de vérité, et commencent à gratter derrière l’image, creusent pour connaître la réalité des entreprises. Dans une recherche globale d’authenticité, les personnes acceptent moins la superficialité des réseaux sociaux et ont envie et besoin de transparence. Loin de la vie instagrammable et de la start-up instagrammable, c’est bel et bien l’épanouissement qui est poursuivi par les salariés, qui préféreront être dans un bureau sans babyfoot et bar à jus mais travailler dans une ambiance bienveillante, en bonne intelligence et dans laquelle ils pourront construire, créer, s’épanouir. Et la crise que nous traversons actuellement a exacerbé ce besoin de transparence et de considération. À l’heure actuelle, ce sont les managers qui ont le mieux communiqué sur la situation financière de l’entreprise et, quand ça n’allait pas, qui ont gardé leurs équipes les plus engagées.

La question qui vient alors est la raison de cette prise de conscience. La facilité serait de dire que la crise de la Covid en est à l’origine, la réalité est qu’elle n’en a été qu’un accélérateur. Le confinement, le télétravail, l’estompement de la frontière entre vie personnelle et professionnelle sont venus secouer le monde du travail, salariés comme managers. Chacun a pu prendre du recul et réfléchir à l’importance de certaines valeurs. Mais le mouvement était déjà enclenché depuis un certain temps, notamment depuis les Gilets jaunes et la crise sociale que traversait alors le pays. Déjà avant la Covid, nous arrivions à un point de tension, de rupture, où il fallait agir au niveau du management et de l’entreprise.

Les collaborateurs recherchaient, et recherchent encore, une bonne qualité de vie au travail, une notion qui va plus loin qu’une liste d’avantages énoncés lors d’un entretien. Si l’on se réfère à la définition de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), il s’agit, d’une part, de mettre en place les conditions de travail optimales à la bonne réalisation de sa mission, et, d’autre part, d’offrir la possibilité à chacun de se réaliser professionnellement.

Nouvelle génération de travailleurs

Une dimension générationnelle entre également en jeu. Auparavant, les gens ne recherchaient pas nécessairement la satisfaction au travail, mais une entreprise flexible, qui leur permette de s’épanouir en dehors du bureau. On ne se posait pas la question des valeurs de l’entreprise mais l’on cherchait davantage un salaire, une entreprise renommée, une case à cocher sur le CV. Aujourd’hui, la nouvelle génération de travailleurs est très attentive au sens et à la vision de l’entreprise. Spontanément, les candidats postulent dans des sociétés qui répondent à ces critères et aux valeurs dans lesquelles ils se retrouvent. Plus sensibilisée aux questions d’écologie, de santé mentale, d’inclusion..., cette nouvelle génération a des attentes différentes de la précédente. Elle ne recherche plus un travail selon les mêmes critères et se manage différemment.

Face à cette transformation des collaborateurs, les entreprises et managers doivent se transformer et aller vers un mode de management plus durable, mettant l’humain et son ressenti au coeur de la dynamique de l’entreprise. L’entreprise doit apprendre à se développer, sans aller à l’encontre de ses salariés. C’est le green management. Véritable transposition des réflexes écologiques au niveau de l’entreprise et de la gestion des ressources humaines, le green management consiste à considérer les ressources humaines comme une ressource à préserver et intègre les valeurs de la RSE telles que la bienveillance, la responsabilité, la transparence, l'équité, la responsabilisation...

Il s’agit pour tous d’adopter des comportements plus responsables et plus durables. C’est sans aucun doute une pratique à considérer quand l’on sait que 92% des top managers estiment que les pratiques managériales doivent changer pour s’adapter aux évolutions de la société et aux enjeux des organisations, selon un sondage Kantar TNS de 2017 pour l'ANACT. Durable, engageant et valorisant pour le collaborateur, le green management fait grandir les salariés avec l’entreprise. Il permet de construire un socle commun de valeurs qui rassemblent et donnent à chacun l’envie de s’engager.

Aujourd’hui, dans ce contexte de crise que nous traversons, la recherche de sens est exacerbée et accélérée. Il est temps pour l’entreprise d’agir différemment, durablement afin de préserver les ressources humaines. Turnover, burn-out, dépression : le mal-être s’était déjà installé dans nos entreprises avant même l’arrivée du virus. Face aux défis majeurs qui nous attendent naît l’opportunité de réinventer nos fondamentaux et d’oeuvrer pour le bien-être humain durable. Place à la création d’un nouveau modèle capable d’intégrer, d’une part, l’interdépendance entre économie et écologie, et, d’autre part, la notion de responsabilité collective. Place au management durable.

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