Tribune
Le travail à distance devrait s'installer durablement dans le quotidien des entreprises, avec un mix entre présentiel et télétravail. Encore faut-il veiller à ce que cette situation ne crée pas des silos.

Une année s’est écoulée depuis que les confinements, les cours à distance et le télétravail sont devenus des composantes de notre quotidien. Si, en mars 2020, chacun était concentré sur l’idée de préserver sa santé, aujourd’hui, le discours a évolué. Que va-t-il advenir du monde quand la pandémie aura été maîtrisée ? S’agit-il de revenir à la vie d’avant la Covid-19 ou saurons-nous également intégrer à cette nouvelle réalité les leçons que nous aurons tirées de la pandémie ? Et enfin, ce qui constitue peut-être l’une des principales interrogations à l’heure actuelle : qu’est-ce que tout cela signifie pour notre vie professionnelle ?

En juillet 2020, Gartner a révélé que 82% des entreprises avaient l’intention de permettre à leurs collaborateurs de télétravailler lorsque ceux-ci pourraient retourner sur leur lieu de travail. Or, à bien y réfléchir, de nombreux éléments qui ont permis aux entreprises de maintenir le cap en 2020 ont installé une base qui devrait assurer le succès de ce nouveau modèle de travail hybride – selon lequel les collaborateurs peuvent travailler à la fois dans les bureaux et à distance. Ces éléments vont de la mise en place d’une infrastructure technique, qui encourage la collaboration interne ou externe, aux enseignements tirés des données qui ont donné aux équipes de dirigeants la confiance suffisante pour adapter leurs politiques tout en faisant preuve d’agilité.

Cette acceptation du télétravail comme «norme» met en exergue la manière dont la pandémie a accéléré les changements en matière de comportements. Selon le cabinet de conseil McKinsey, «le virus a aboli les barrières culturelles et technologiques qui faisaient autrefois obstacle au travail à distance, initiant une transformation structurelle du lieu de travail, du moins pour une partie de la population». Toutefois, le piège pour les entreprises serait de penser que cette tendance va désormais se poursuivre sans efforts : étant donné que les collaborateurs ont pu passer au télétravail assez rapidement, les barrières technologiques et culturelles devraient s’en trouver fortement réduites. Pourtant, cet état d’esprit ne tient pas compte du fait que, pour beaucoup, l’année qui vient de s’écouler a été vécue comme une succession de solutions improvisées pour pallier l’urgence.

Favoriser la collaboration

Passer d’un mode de travail essentiellement en présentiel vers un équilibre entre travail sur site et travail à distance n’est pas qu’une question d’emplacement géographique. Il faut aussi prendre en compte l’adaptation des collaborateurs, qui ne doivent pas seulement utiliser les technologies mais en tirer un réel profit. S’ils ne l’ont pas déjà fait, les employeurs doivent initier une réflexion sur cette transformation progressive.

La nature de l’entreprise, le secteur dans lequel elle opère et le rôle des collaborateurs eux-mêmes définissent les besoins de chaque organisation. La capacité à communiquer, à collaborer et à créer au sein d’équipes dont les membres ne se trouvent pas forcément dans la même pièce, et la capacité d’accéder et d’ingérer des informations pour prendre des décisions informées sans engendrer d’interminables débats, sont sous-tendues par un besoin en termes de données. Mais les dirigeants doivent s’assurer que le fait de mélanger lieux de travail physique et numérique ne mène pas à la création de silos. Quel que soit l’endroit depuis lequel les équipes travaillent, elles doivent être en mesure de prendre des décisions, de partager des informations et d’obtenir des résultats qui s’appuient sur les données pour créer de la valeur.

Un autre élément est tout aussi fondamental : la data literacy. Une étude réalisée par Accenture avant la pandémie révèle que 75% des cadres dirigeants considèrent que l’ensemble ou la plupart de leurs collaborateurs pourraient travailler efficacement à l’aide des données, alors que seuls 21% des salariés ont confiance en leurs compétences en matière de compréhension des données.

Mieux s'appuyer sur les données

Il s’agit d’un écart conséquent, en particulier si l’on considère que l’ensemble des collaborateurs devrait se sentir capable d’intégrer les données, de les interpréter et d’agir en s’appuyant sur ces informations. Cela permettrait d’éviter que seul un groupe réduit de data scientists et de spécialistes de business intelligence soit en mesure de créer de la valeur à partir des données pour les démocratiser sur l’ensemble de l’entreprise. La data literacy est un élément essentiel qui permet de connecter le potentiel des données avec la mise en place du travail à distance – sans cela, la productivité des travailleurs reste limitée aux moments où ceux-ci ont accès à des spécialistes, voire aux seuls moments où ceux-ci sont disponibles pour une réunion. Et cela risque de diminuer l’efficacité et de mettre à mal la compétitivité de l’entreprise.

Alors que les technologies relatives aux données et à l’analytique sont en constante évolution, les collaborateurs doivent également gagner en compétences. Les dirigeants doivent donc s’assurer que les formations à la data literacy, qu’elles se déroulent au bureau ou à domicile, constituent un élément essentiel de leur stratégie d’entreprise en matière de données, tout en encourageant les collaborateurs à s’interroger sur la manière de transformer les données en enseignements. C’est seulement de cette manière qu’ils pourront rester dans la course.

En éliminant les silos de données et en améliorant les compétences des salariés en matière de data literacy, ils permettront l’émergence d’une culture de la prise de décisions fondée sur les données, tout en répondant aux exigences liées à l’existence d’équipes à la fois physiques et numériques. Il est temps de reconnaitre l’avènement du mode de travail hybride, car celui-ci pourrait bien être là pour durer.

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