Métier
La crise sanitaire, accélératrice de particules digitales ou point de bascule vers une réinvention du métier, a transformé la relation qui unit l'attaché de presse au journaliste. Dans des environnements plus ou moins impactés.

L'attaché de presse et le journaliste formeraient-ils un binome ? La dernière étude publiée par le Syndicat national des attachés de presse et des conseillers en relations publics (Synap) le laisse penser. « 76% des journalistes interrogés ont indiqué que les informations transmises par les conseillers en relations publics [le terme d’attachée de presse est de plus en plus banni par la profession] représentaient plus de 50% de leurs sources d’information. Au-delà du volume, c’est la qualité  même  des éléments transmis qui est plébiscitée  puisque  77% du panel considèrent que ces informations leur sont utiles, voire très utiles. »

La profession est néanmoins très éclatée – elle compte 60% d’indépendants et 20% de petites agences de moins de 20 salariés – et nombre d'attaché(e)s de presse ont été affectés par la crise sanitaire. Créé en octobre, le syndicat APRES (Attaché·e·s de Presse, Réseau d’Entraide et Syndicat) a été lancé pour venir en soutien à la filière musicale. «La crise sanitaire a eu, a encore, et aura pour une durée indéfinie des conséquences dramatiques sur l’ensemble de la filière : sur le spectacle vivant et sur l’industrie du disque, intrinsèquement liés, et sur tous les métiers qui les font vivre et fonctionner, dont le nôtre», indiquait-il, en réclamant un élargissement du fonds de solidarité et une aide spécifique.

Toutefois, hors de ces secteurs très exposés, les attachés de presse ne sont pas tous à la peine. Jean-Christophe Le Blay, fondateur et directeur de l’agence de communication globale Scenarii, très axée sur le secteur de l’énergie ou de la «tech», ne reconnaît ainsi qu'une «inflexion mineure» avec une perte de 8% en marge brute en 2020. Explications : « Tendre le dos ne veut pas dire se taire, poursuit-il, à la différence de la crise de 2008 où il n’y avait plus d’argent. Avec le Covid, les clients peuvent vouloir rassurer, donner des perspectives, expliquer les ralentissements. L’activité des relations presse est restée stable.»

Avec une agence de 30 collaborateurs, Escal Consulting voit même son chiffre d’affaire progresser de 40 %. La problématique du télétravail a généré un flot de communiqués de presse. « Le nouveau mode de management a du être présenté, commente Karine Berthier, directrice associée. Comment les entreprises allaient-elles faire? » La pédagogie a été le maître-mot selon Lisa Wyler, indépendante à Gradignan. « Click and collect, drive, ce n’était pas la norme. Et il a fallu adapter le message pour dire autre chose que ce qui était prévu. Les RP ont mieux tenu le choc que les campagnes de publicité, dont certaines ont été stoppées. »

Mais les performances sont inégales d’un secteur à l’autre. Tourisme, culture, mode, beauté ou évènementiel ont ainsi réduit la voilure. Le congrès sur l’innovation dans l’éducation a été quatre fois repoussé. On peut citer aussi le report puis l’annulation du Marché de la poésie à Paris, en 2020, un crève-cœur pour Guilaine Depis, qui en défend les couleurs, « car c’est un rendez-vous pour les petits éditeurs ». Et les réinscrire au planning après le confinement n’est pas forcément un bon plan : « Les mensuels, voire les hebdos, bouclent de plus en plus tôt, souligne Claudine Pasquier, qui travaille pour l’agence provinciale Story Buzz, aussi un évènement calé en juillet peut passer à la trappe. » En revanche, les entreprises du domaine de la santé ont explosé. « 70 % des actus parlaient de la crise sanitaire, rapporte Cyndie Bettant, responsable marketing & influence chez Cision, base de données de journalistes et médias. La créativité était nécessaire pour trouver un angle Covid à chaque fois. »

La revanche de la province

« La fonction d’attaché(e) de presse est morte », assure Karine Berthier. Le Covid a agi en accélérateur de la numérisation. « Jamais le distanciel n’était envisagé avant, commente Caroline Million, attachée de presse de l’agence MadameMonsieur. On ne reviendra pas au modèle d’avant. Les formats hybrides vont prendre le dessus. Et dorénavant, Parisiens et Provinciaux peuvent assister à un même évènement. Le distanciel met en place une forme d’égalité, avec plus d’agilité ou de flexibilité. Les journalistes ont répondu positivement tout de suite pour de pareils évènements quand la frilosité de certaines organisations était palpable. »

La revanche de la province sur l'Île-de-France ? Claudine Pasquier la perçoit nettement. Et parie sur le déclin des conférences de presse. « Ça ne sert plus à rien, analyse-t-elle. Pressurisés, les journalistes manquent de temps. Mieux vaut une succession de rendez-vous, de quoi retrouver dans les médias une diversité d’angles. » Toutefois, Covid ou pas, le dossier reste la pièce-maîtresse des consultants en relations publics. C’est vrai dans le monde (41%) et particulièrement en France (76%), d’après Cision. Le revers de la médaille ? L'« info-bésité ». 

Mais comment contacter les journalistes ? « Le portage était proscrit, comme les journalistes avaient déserté les rédactions, commente Jonathan Ganem, fondateur de Talents PR et du PR Club, groupe d’entraide des agences RP. Les portables pas toujours connus, et encore moins les adresses postales privées. » Restait le mail, où il n'est pas facile d'émerger... 

Trois questions à… 

 

Pascale Azria, présidente du Syndicat du conseil en relations publics (SCRP), directrice générale associée de l’agence Kingcom

  «Les RP sont plébiscitées»

 

Pourquoi si peu de chiffres sur la profession ?

Aujourd’hui, la consolidation globale des effectifs de « consultants en relations publics » fait défaut. C’est un sujet sur lequel on travaille d’ailleurs avec le Syndicat national des attachés de presse et des conseillers en relations publics (Synap). Mais cela suppose de reprendre les codes NAF et APE et de voir, entité par entité, comment les collaborateurs sont déclarés. Un travail de fourmi. Néanmoins, les études reflètent les grandes tendances de ce métier en pleine évolution, plus complexe, au périmètre élargi, avec la veille, le social media, le conseil....

Les recrutements portent-ils sur des profils différents ?

Mesurer la création de valeur de nos métiers est essentiel, d’où le recrutement de data analystes. C’est le cas dans mon agence. On en compte deux. Le contenu reste clé, mais de nouvelles armes doivent être données. Le poids des mots demeure, mais la consommation de l’information a changé. Et c’est important de le rappeler, on est dans un métier de sens. Je parlerai volontiers de soft power. C’est-à-dire pouvoir faire bouger les choses par la mise en lumière de certains sujets…

Dans ce contexte, RP et publicité font-elles bon ménage ?

On pourrait parler de «  nouvelle répartition ». La méfiance par rapport à la publicité est de mise – avec des freins qui sont la loi, par exemple, ou le raz-le-bol du « push » d’écrans publicitaires. C’est un gros sujet d’ailleurs. Aussi les RP sont-elles appelées à prendre de plus en plus d’importance dans la sphère de communication. Elles sont aujourd’hui plébiscitées. Au détriment de la pub ? Il faut bien aller chercher l’argent ailleurs. 

 

 

 

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