San Francisco

Julien Barbier

Docker, While 42

Julien Barbier, trente-trois ans, est un apôtre de la collaboration et de la transparence des réseaux. «Lorsque je suis arrivé ici, il y a deux ans, j'ai été éberlué de constater combien il m'était facile de me faire des contacts parce que des inconnus m'ouvraient leur réseau. Depuis, je fais la même chose.» Fraîchement débarqué en Californie, il a fondé While 42, un réseau d’entraide et de collaboration des ingénieurs informatiques français à travers le monde. Il arrivait de Floride, où il avait fondé une société de commerce électronique, pour rejoindre Docker, une plateforme «open source» qui permet aux développeurs de créer des applications qui résident «dans le nuage» – sur le web et pas sur une machine – et sont utilisées sur une multitude d'appareils divers sans problèmes d'intégration. Ce diplômé d'Epitech souligne volontiers que son expérience d'entrepreneur en série lui a donné une expérience commerciale dont peu d'ingénieurs se prévalent. D'où son rôle de directeur marketing, responsable de la croissance et des relations avec la communauté des utilisateurs. Docker a surgi du néant avec une vitalité surprenante ces derniers 18 mois, tournant les têtes dans la Silicon Valley. Fin 2014, sa plateforme avait été téléchargée plus de 50 millions de fois, suscitant l'émergence de 128 groupes d'utilisateurs dans 43 pays, et adoptée par des géants comme Ebay, Spotify et Yelp. Docker a reçu 55 millions de dollars de capital-risque de plusieurs ténors de la Silicon Valley, y compris le fondateur de Yahoo, Jerry Yang. Reste à Docker à gagner son premier dollar.

L.M.

 

Londres

Julien Codorniou

Facebook

Julien Codorniou, trete-six ans, directeur des partenariats de Facebook pour la zone EMEA, encadre 25 personnes de 13 nationalités. Son rôle? Créer un écosystème de partenariats dans un environnement mobile avec Spotify, Deezer, Candy Crush, Blablacar, Skycanner, etc., auxquelles il apprend comment tirer profit du réseau social. A Londres où il côtoie des anciens d'Harvard comme des geeks autodidactes, ce diplômé de l'ESC Lille et de l'université de San Diego, ex-Microsoft, s’est frotté à divers profils loin des parcours fléchés comme le sien. Se considérant comme hypermnésique, il a toujours à cœur de se faire vulgarisateur, comme lorsqu’il s’exprime au sein de l’Ecole 42 de son ami Xavier Niel, qui l’a fait entrer au conseil de surveillance du Monde: «J’essaye d’expliquer comme si je ne connaissais rien à la technique», dit-il. De temps en temps, faute d’avoir trouvé la bonne idée, il regrette de ne pas avoir lancé sa start-up. Mais Julien Codorniou, plus à l’aise dans l’exécution, est fier d’avoir accompagné la plateforme de gaming Pretty Simple: «Elle détient tous les records de croissance, de recrutement et de profitabilité, avec plus de 120 millions d’utilisateurs recrutés en un an, plus de 100 postes ouverts à Paris et plusieurs centaines de milliers de dollars de chiffre d'affaires par jour». Il est aussi à l’origine du passage de Laurent Solly de TF1 Publicité à la direction générale de Facebook France. Où se voit-il dans cinq ans? «Chez Facebook ou à la tête de ma propre société».

A.de R.

 

Barcelone

Laurent Colette

FC Barcelone

Son équipe de cœur reste Sochaux, mais c’est le FC Barcelone qui l’a construit. Laurent Colette, cinquante et un ans, fait tourner la machine de guerre marketing du club de football catalan, l’un des plus riches au monde. Diplômé d’EM Lyon, son parcours professionnel l’a envoyé chez L’Oréal, Nielsen, CPC Group et Nike, où il croise Sandro Rossell, futur président du FC Barcelone. Son ami l’appellera au club une première fois en 2003. Il y gérera durant quatre ans les programmes de billetterie et d’hospitalité. Puis, après un intermède dans l’univers du conseil, il retournera dans la capitale catalane en 2010 comme patron du marketing du club de football. «Sandro Rossell connait mes compétences, mais il me dit apprécier en moi l’œil étranger que je peux porter sur le club, confie Laurent Colette. Même si je suis très imprégné par la culture catalane, je reste profondément français. Je prends le meilleur de chaque pour le business.» Il avoue aussi que si les Français sont moins forts dans les chiffres et le business que les Anglo-Saxons, ils compensent avec un sens de la diplomatie plus aigu, et une approche plus humble et plus sensible aux particularités culturelles des affaires.

B.F.

 

Moscou

Maelle Gavet

Ozon Holdings

Elle enchaîne les distinctions comme les bons résultats. Fast Company’s, Fortune, Forbes, pour ne citer qu’eux… A trente-six ans, Maelle Gavet apparaît dans tous les classements influents. Depuis qu’elle a pris la tête en 2011 d’Ozon Holdings, le plus grand site d’e-commerce russe, totalement inconnu en France, le chiffre d’affaires annuel est passé de 300 millions à 750 millions de dollars. La Russie? Elle connaît depuis longtemps et n’a quasiment jamais travaillé en France. Encore étudiante à Science Po à la fin des années 1990, elle monte en parallèle sa première initiative russe: un club d’activités pour les enfants de salariés. La business woman le revendra à vingt-quatre ans à peine… Puis, après quelques temps aux Etats-Unis, cette diplômée – en plus – de Normale Sup en lettres et sciences humaines passe six ans au sein du prestigieux cabinet BCG. Elle voyagera entre Paris, l’Inde, l’Afrique du Sud et la Russie, où elle revient. Elle intègre alors Ozon en tant que directrice des ventes et du marketing en 2010, et se voit proposer d’en devenir PDG… un an plus tard. Sous sa houlette, le groupe de commerce électronique a effectué deux grosses acquisitions: Sapato en 2012 (le Sarenza russe) et une participation massive dans la plateforme de distribution de livre électronique Litres.ru. Elle a bouclé en avril dernier une récente levée de fonds de 150 millions d’euros. Avec 60 millions d’internautes pour une population de 142 millions d’habitants, et seulement 20% qui achètent en ligne, le potentiel de croissance est énorme pour cette femme d’affaires, qui n’a pas peur des challenges.

E.G.

 

 

New York

Fabrice Grinda

Beepi

Le 5 décembre dernier à New York, Fabrice Grinda, quarante ans, recevait le prestigieux Pilier d’or lors du gala de la French Institute Alliance française, qui distingue chaque année un chef d’entreprise impliqué dans les relations franco-américaines. Après Carlos Ghosn (Renault) l’an passé, c’est la première fois qu’était distingué un entrepreneur. Un digital native hors norme, sorti major de promotion de Princeton, à vingt-deux ans, aussitôt repéré par McKinsey. Et multimillionnaire à moins de trente ans, après les reventes de Zingy, l’un des premiers fournisseurs de contenu mobile aux Etats Unis, fondé en 2001 à son retour à New York, et d’OLX, hébergeur de petites annonces, présent dans 40 pays avec 200 millions de visiteurs mensuels, pour 300 millions de dollars (il en détenait 13%). C'est lui qui a lancé en 1999 Aucland.fr, premier site français d'enchères en ligne, racheté  à prix d’or par Bernard Arnault. La création de places de marché B to C est restée sa spécialité – il est à la tête de Beepi (voitures d’occasion) et Lofty (œuvres d’art), mais c’est aussi un business angel boulimique. Il a mis des «billes» dans 150 start-up, dont une quarantaine cette année, qui lui font parcourir la planète. Ses critères de sélection: l’équipe, le produit, la valorisation et le modèle. «Créer des entreprises, c’est ma forme d’expression artistique. On part d’une feuille blanche, c’est magique, dit-il. Investir dans des start-up, c’est participer à la croissance, la création d'emplois et la productivité dans le monde.» Last but not least, ce matheux, qui a combattu sa grande timidité comme on prépare un concours, est devenu un blogueur prolixe, curieux de tout, et suivi par quelque 30 000 lecteurs.

C.L.

 

Changchun

Cédric Journel

Volkswagen

L’aventure de la voiture a commencé tôt pour Cédric Journel. Le Français, vice-président de Volkswagen Chine à quarante ans, a débuté en F1 avec l’écurie Larousse, après un MBA HEC, un passage à Saint-Cyr et à Sup de Co Toulon. Puis suivront Honda et le groupe Volkswagen en France, où il prendra la direction marketing de Skoda entre 2008 et 2011. En Chine, avec 1,5 million de voitures produites, VW est le leader du marché avec 15% des ventes. «L’écart culturel entre le monde occidental et la Chine est énorme, explique-t-il. Les repères économiques et sociaux sont très différents. Le Français arrive à s’adapter car nous sommes, à mon sens, plus flexibles.» Cela apporte, selon lui, plus de proximité avec ses interlocuteurs et ses équipes. Cédric Journel, qui avoue surfer sur la bonne image de Paris, s’est d’ailleurs mis au badminton, sport national en Chine. Ça reste une histoire de volant!

B.F.

 

São Polo

Thibaud Lecuyer

Dafiti.com

Il a choisi le Brésil par amour, non pas du pays mais de sa femme. Ce diplômé de l’Ecole hôtelière de Lausanne intègre dès sa sortie JP Morgan. Il travaillera à Genève, puis à Londres dans la finance. En 2008, alors qu’il visite la famille de sa future femme, il pose pour la première fois le pied au pays de la samba. «Etant donné que je cherchais des opportunités entrepreneuriales et que le Brésil affichait alors entre 7 et 8% de croissance, je me suis dit que ce serait plus facile là-bas qu’ici», raconte-t-il. En France en 2008, l’économie n’était pas au top. Il quitte JP Morgan en 2009 pour faire un MBA à l’Insead de Fontainebleau, avant d’être contacté par Oliver Samwer, de l’incubateur de start-up Rocket Internet. Ensemble, ils décident de monter le «Zalando» brésilien. En 2010, Dafiti.com voit le jour et la première vente a lieu en 2011. «A l’époque, les clients recevaient leur commandes de Noël à Pâques et peu de sites d’e-commerce faisaient attention au service client. Cela a été un réel axe de différenciation pour nous.» En quatre ans, la société de ce Bourguignon d’origine s’est implantée dans cinq pays d’Amérique latine: Brésil, Argentine, Chili, Colombie et Mexique. Et ne s’est pas cloisonnée aux chaussures, mais s’est développée dans d’autres produits, totalisant aujourd’hui quelque 125 000 références pour 2 000 marques. Thibaud Lecuyer ne compte pas s’arrêter là. «On estime que le marché se multipliera par 10 dans les huit ans. Nous espérons bien capter une partie significative de cette croissance.»

E.G.

 

Paris

Constant Nemale

Africa 24

A quarante-sept ans, Constant Nemale (prononcez Némalé), le patron-propriétaire franco-camerounais de la chaîne d’info Africa 24, n’en est pas à son premier rebond. Cet ancien journaliste de Mondial Basket a été le fondateur de la chaîne panafricaine Télésud en 1998. En 2009, il se donne comme but de concurrencer France 24. Son credo: l’information sur l’Afrique doit revenir aux Africains. Prompt à critiquer l’influence du Quai d’Orsay sur France 24, il revendique la première place en audience dans cinq capitales sur sept d’Afrique francophone. Africa 24 étudie un développement en anglais, arabe, portugais et espagnol, et assure avoir reçu des offres alléchantes d’Al Jazira ou Star Times. Avec 2 millions d’euros de pertes pour 8 millions de budget, elle a dû réduire de moitié son personnel en France (de 90 à 45 personnes) pour se concentrer à Dakar (Sénégal), où elle emploie une quarantaine de personnes.

A. de R.

 

 

New York

Mathieu Nouzareth

Fresh Planet

Avec plus de 100 millions de joueurs, dont 1 million par jour, Song Pop est un «hit» du social gaming, disponible en seize langues sur Facebook, IOS et Android. Ce «blind test» musical thématique multijoueur, de bonnes fées se sont penchées sur son berceau. En déclarant à son lancement en 2012, «c’est le jeu Facebook le plus amusant auquel j’ai joué depuis longtemps», Mark Zuckerberg, le fondateur du réseau social, qui ne connaissait pas Mathieu Nouzareth, trente-sept ans, le fondateur de l’application, a contribué à son succès planétaire. Le Français venu conquérir New York en 2009 n’en était pas à sa première start-up. Quatorze ans plus tôt en France, pionnier du Net, il avait créé l’agence Web Concept, puis s’était frotté à la distribution de jeux vidéo en téléchargement avec Boonty, activité revendue en 2008. De grands éditeurs le sollicitent aujourd’hui, mais son ambition reste de développer sa société Fresh Planet (35 personnes), qui édite d’autres jeux à disputer entre amis, comme Movie Pop et Travel Pop. Sur le même modèle économique que Song Pop, à parité entre la publicité et la vente d’éléments de jeux complémentaires. «Les micro-transactions représentent 50% du chiffre d’affaires total, indique Mathieu Nouzareth. Mais ne concernent que 2% des joueurs!» Quand on est addict, on ne compte pas!

C.L.

 

Atlanta

Emmanuel Seugé

Coca-Cola

Emmanuel Seugé a ajouté un peu de bleu et de blanc au rouge historique de Coca-Cola. Le 1er janvier 2015, ce Français de trente-neuf ans, précédemment VP global alliance & ventures, est devenu senior VP contents de la multinationale. En un mot, le patron monde de la publicité. Installé à Atlanta (Géorgie, Etats-Unis), il se revendique français malgré une culture américaine assumée et un parcours professionnel exclusivement au sein de la célèbre entreprise. Après l’ESCP Europe, il a débuté par France 98. «Nous avions la chance d'organiser en France la Coupe du monde de football, du coup, j’ai contacté tous les sponsors», explique-t-il. Coca-Cola France lui répond positivement. Il s’occupera du partenariat entre la marque et le Stade de France, et depuis, il lui est resté fidèle. Jusqu’à s’installer à Atlanta en 2005 avec femme et enfants. Mais il reste connecté avec la France. «Je me sens français, mais imprégné d’une forte culture américaine, insiste-t-il. Je tiens à cette dualité.» Il se réjouit de voir un élan entrepreneurial dans son pays. «La France a toujours eu un rôle particulier dans la communication et la publicité internationale», assure-t-il.

B.F.

 

Rio de Janeiro

Julien Turri

Afilio

Julien Turri, quarante et un ans, a compris très tôt le potentiel d'internet au Brésil. Diplômé d'HEC en 1995, il lance quatre ans plus tard son premier projet, un site de vente aux enchères, à Rio de Janeiro. Il prend ensuite le temps de faire un tour du monde – trois ans – avant de reposer ses valises pour de bon dans la «ville merveilleuse». En 2005, il lance la régie publicitaire digitale Hi-Midia Brasil, aujourd'hui leader du marché, avec un apport de capital de la maison-mère française, puis de RBS Group (en 2011). En 2008, il complète son offre avec Afilio, focalisée sur le marketing digital. «Le Brésil est très en retard sur le marché internet, il y a donc encore beaucoup d'évolutions technologiques à imaginer.» Hi-Midia Brasil devrait voir augmenter ses effectifs de 30 à 40% en 2015.

M.J.

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