Pour/Contre
Pour Marc Meurer (Volkswagen France), une vision, c’est la garantie d’un pilotage plus serein et plus sûr. Pour Michel Hébert (No-Logic Consulting), le pilotage des marques doit se faire de manière adaptative, hors des méthodes répertoriées. Propos recueillis par Muriel Jaouën @Murielja

OUI

Ma priorité en tant que directeur marketing, c’est l’image de la marque. L’image d’une marque, c’est un énorme paquebot, lent à faire bouger, qui doit par conséquent se piloter au long cours. Nous travaillons depuis trois ans sur un programme à horizon 2018. Je connais donc mes objectifs sur le long terme. Cette «vision», c’est la garantie d’un pilotage plus serein, plus sûr, dépollué des secousses aléatoires. Ce qui procure un vrai confort dans la définition des actions à engager. La vision permet de créer et d’installer un ton, un style, une identité. Piloter la marque dans la durée oblige à définir un noyau d’indicateurs clés, qui accompagnent la mesure de bout en bout du plan stratégique. Nous avons arrêté dix KPI [indices de performance] de tête: notoriété assistée, notoriété spontanée, «top of mind»… Avoir une vision sur le long terme et un noyau restreint d’indicateurs clés n’empêche pas d’exploiter une multitude d’outils. Sous les dix KPI clés, qui encadrent le pilotage de l’image de marque au niveau monde, nous suivons une petite trentaine de sous-indicateurs (qualité, valeur de revente, innovation), déclinables ceux-là pays par pays et qui actionnent eux-mêmes des dizaines d’autres KPI. Mais ceux-ci ont davantage vocation à nourrir la compréhension que l’action. Au total, une centaine d’indicateurs sont actionnés en permanence, associés à l’image de la marque, mais aussi à l’image employeur et aux ventes, dans une vision globale de l’entreprise.

Marc Meurer, directeur marketing de Volkswagen France

 

NON

Cela fait vingt ans que les entreprises sont incapables de changer leurs façons de penser et d’agir. Quel est le sens d’une vision à dix ans, des planifications et des business plans à cinq ans dans un monde en évolution perpétuelle? Les méthodologies à l’œuvre depuis des décennies sont des méthodologies d’ingénieurs, elles reposent sur des modèles cartésiens, des batteries d’indicateurs quantitatifs, des algorithmes essentiellement déductifs sans prise sur l’imprévu. Or, les marques sont entrées dans l’ère de l’imprévisible et sa conséquence: la nécessité de s’adapter. Il faut désormais penser vite, décider vite, exécuter vite. Comprendre qu’il est vital d’amplifier le potentiel d’idées des entreprises, grâce à l’intuition et l’opportunisme, pour reconstruire un cadre de pensée adapté. Ce «bricolage de la pensée» s’inspire des méthodes de travail des scientifiques et de leur «pensée buissonnière». Une pensée de l’expérimentation sans cesse renouvelée, où l’on tâtonne, doute, corrige et reconstruit des solutions en connexion avec le nouveau monde. Le pilotage des marques doit donc se faire de manière adaptative, hors des méthodes répertoriées, hors des «visions» trop formalisées et normatives. La question n’est donc même plus de savoir comment composer avec la multiplication des outils de pilotage à disposition. Si, plus que de vision, on parlait de «clairvoyance, pour mieux piloter les marques», comme le disait Bill Gates?

Michel Hébert, président de No-Logic Consulting

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