Formation
Sans formation, pas de transformation digitale pour les entreprises. Un enjeu majeur pour les écoles et les organismes de formation, et une nouvelle activité pour les agences. Décryptage d'une mutation de grande ampleur. Gilles Wybo @GillesWybo

«Le digital a totalement modifié le rapport des étudiants à la connaissance et a transformé les missions d’un établissement d’enseignement supérieur», constate Virginie Munch, directrice générale de l’Iscom, école supérieure de communication et publicité. Le rôle d’une école n’est plus seulement de transmettre des savoirs, mais plus qu’avant encore d’apprendre à apprendre. En effet, les vagues ininterrompues de transformation digitale rendent les connaissances de plus en plus périssables.

Pour les écoles

Pour les écoles, l’enjeu est donc double: opérer leur propre mue et former des étudiants qui s’adapteront à cette nouvelle donne. «A l’Iscom, le digital fait partie intégrante de toutes les formations, indépendamment de toute spécialisation, à la fois dans le contenu des programmes et les méthodes d’enseignement», précise Virginie Munch. Pour les écoles, il y a urgence, elles doivent faire leur révolution pédagogique. Si elles ne prennent pas ce virage, elles risquent de disparaître. A l’Efap (ex-Ecole française des attaché(e)s de presse), un chantier de grande envergure est en cours.

Le digital créé aussi un appel d’air pour de nouveaux acteurs: cela favorise la multiplication des écoles du web, comme l’Eemi (Ecole européenne des métiers de l’internet fondée, entre autres, par Xavier Niel), Sup internet (groupe Ionis), Sup de web (Mediaschool Group), Web School Factory, Hétic… Et elles se développent: «Nous allons ouvrir des nouveaux campus Sup de web cette année à Marseille, Strasbourg, Toulouse, Nice, Bruxelles et, via un partenariat, à Shanghai, égrène Stéphane Bitton, le directeur. Si nous multiplions les implantations, c’est parce qu’il y a une vague de créations d’entreprises et de start-up liées au digital. Nous avons des difficultés à recruter après le bac, car beaucoup de jeunes en terminale n’ont pas le réflexe de s’orienter vers les métiers du web. Je récupère beaucoup d’étudiants en 3e ou 4e année, qui nous rejoignent après une licence ou un BTS.» D’ailleurs, de plus en plus de cursus vont jusqu’à bac +5.

Les écoles de commerce aussi se mettent en ordre de bataille pour répondre aux besoins des entreprises: «A l’Essec, nous avons créé un centre d’excellence pour le business digital, qui réunit tous ceux qui ont quelque chose à dire sur le sujet afin d’aider les entreprises à définir leur plan de transformation et identifier ce qu’elles doivent changer», dit Judith Andres, directrice académique de l'«Advanced Management Program Strategic Approaches to Digital Convergence» de l’Essec.

Une révolution culturelle aussi

Du côté des groupes, la grande peur est de faire «Uberiser», selon l’expression de Maurice Lévy (Financial Times du 17 décembre). Du coup, il faut aussi accélérer la transformation digitale, si possible en réinventant leurs façons d’apprendre, comme TF1, qui a repensé ses process de formation. Chez LDLC, site e-commerce devenu groupe spécialisé dans la vente de matériel informatique et high-tech, le patron-fondateur, Laurent de la Clergerie, va ouvrir à la rentrée prochaine sa propre école à destination des jeunes.

Pour progresser dans leur mue digitale, les entreprises ont des besoins en formation gigantesques, ce qui aiguise les appétits de nouveaux acteurs, en particulier les agences. Dans ce contexte, la formation a un rôle de premier plan. Après les programmes massifs d’acculturation au digital, la tendance est maintenant à une déclinaison des formations par métiers. «Cette immersion dans les métiers est indispensable, car on ne fait pas de la formation pour la grande distribution comme pour un cabinet de conseil. Les besoins des acheteurs ou des experts en marketing divergent», dit Franck Perrier, directeur de la Digital Academy.

Pour les entreprises, la révolution doit être aussi culturelle: selon le modèle 70/20/10 développé par Charles Jennings, consultant américain (coauteur, avec Jérôme Wargnier, d’un livre blanc intitulé «Explorer les nouveaux territoires d’apprentissage»), seulement 10% de nos apprentissages découlent de stages de formations, 70% de nos acquis proviennent de l’expérience et 20% des échanges sociaux. Autrement dit, la formation ne fait pas tout. Il y a aussi urgence pour les entreprises à favoriser les échanges entre services, le dialogue et autre partage de connaissances. Bref, à libérer les énergies…  

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