Marques médias digitales
Les médias profitent à plein du boom de l’internet mobile et de l’appétence croissante des internautes pour la vidéo. Pour grandir, certains misent aussi sur la croissance externe, via le rachat de «pure players» spécialisés.

Les Français sont toujours plus connectés et les marques médias sont en première ligne pour capter ce nouveau temps d’écran disponible. Le classement des audiences Médiamétrie Net Ratings, qui présente les marques les plus puissantes en France sur ordinateur et sur mobile, confirme que les médias n’ont rien à envier aux sites d'e-commerce ou de services en ligne. «Quand un internaute cherche une actualité, il rentre généralement sur le contenu par la marque média, et c’est une tendance qui n’est pas prête de s’arrêter», estime Isabelle Vignon, ‎directrice des études médias et nouveaux médias chez Dentsu Aegis Network.

Au lendemain du premier tour des élections municipales en mars 2014, les sites d’actualité ont même battu un record avec 11,4 millions de visiteurs uniques sur ordinateur pour la seule journée du 24 mars. «Nous constatons une forte corrélation entre les grands événements, comme les élections ou la Coupe du monde, et la consommation internet. Et, surtout, l’année 2014 a été marquée par la multiplication des points de contact et la duplication des usages», explique Bertrand Krug, directeur adjoint de Médiamétrie Net Ratings.

En un an, la part des internautes qui se connectent exclusivement sur un ordinateur est passée de 45,3% à 25,8%. Dans le même temps, ceux qui utilisent aussi bien un ordinateur qu’un smartphone représentent désormais 69,6% de la population internaute, contre 51,9% en 2013, et les internautes exclusivement mobiles étant quant à eux passés de 2,8% à 4,6%.

Perspectives économiques

Les marques médias sont au premier plan de cette évolution des usages. Parmi les plus puissantes: You Tube, avec plus de 23 millions de visiteurs uniques (VU) sur ordinateur et 18,6 millions sur smartphone. En un an, la plateforme de vidéos, déjà très puissante en 2013, est stable dans le mobile, mais a perdu 5 millions de visiteurs uniques pour l’internet fixe. Surtout, la marque You Tube se consomme ailleurs, dans des sites d’actualité par exemple, qui enrichissent leurs articles en incrustant une vidéo hébergée sur la plateforme. Sur ordinateur, le temps de visionnage des vidéos You Tube a été divisé par deux ces douze derniers mois, mais Médiamétrie ne mesure pas (encore) l’audience des players vidéo sur smartphone et tablette.

Autre marque média parmi les plus puissantes: France Télévisions, avec plus de 5,2 millions de VU par mois en vidéo, pour une audience totale de 10,5 millions. «Tous les sites médias audiovisuels ont beaucoup profité de l’année 2014, car il y a une vraie appétence du public pour la vidéo, note Isabelle Vignon. Tout devient très audiovisuel aujourd’hui, particulièrement sur mobile.» TF1 l’a bien compris. Compte-tenu de l’appétence des internautes et mobinautes pour la vidéo, et surtout des perspectives économiques qui en découlent, le groupe a préféré, en 2014, repositionner son site d’actualité My TF1 news sur ce format, abandonnant ainsi la production d’articles originaux, plus onéreuse. «Avec la chute du marché du display classique, la monétisation n’est plus possible sur des sites de contenus écrits, d’où notre accélération dans la vidéo», souligne Olivier Abecassis, directeur général d’E-TF1.

Cette tendance dépasse aujourd'hui les seuls médias audiovisuels, avec la captation vidéo de plus en plus d'émissions de radio, comme à Europe 1 et RTL, et l'installation de vrais studios TV dans les rédactions, comme au Figaro et au Monde. De quoi porter leur audience digitale. «Nous ne ferons jamais de la télévision comme TF1 ou M6, mais grâce au web et au mobile, il peut y avoir une place pour Europe 1 dans une déclinaison TV», estime Fabien Sfez, directeur général en charge du développement numérique et technologique de Lagardère Active. «Nous avions la conviction que si nous n’étions pas capables de montrer des images filmées, nous n’aurions pas pu rester le premier site d’information», estime Bertrand Gié, directeur des nouveaux médias de Groupe Figaro. En un an, l’audience vidéo du Figaro a grimpé de 50%, à 15 millions de vues par mois, selon l'éditeur.

C’est également ce qui explique le succès de Télé loisirs dans l’univers numérique, avec une audience vidéo de 4,3 millions de VU, ce qui représente deux tiers de l'audience totale du site. «Cette marque a très bien rebondi sur le digital, particulièrement grâce au mobile. Aujourd’hui, 50% de son audience se fait sur smartphone et tablette», explique Frédéric Daruty, directeur exécutif de Prisma Media Digital. L’application mobile de l’hebdomadaire télé est même la 19e la plus fréquentée en France, toutes catégories confondues, avec 2,4 millions de visiteurs uniques en novembre 2014. Sa force? Le programme télé bien sûr, mais également des services, comme le fait de pouvoir programmer sa box internet à distance, et des vidéos, qu’il s’agisse de bandes-annonces, de vidéos de rattrapage ou de contenus propres. Une stratégie payante puisqu’en un an, le nombre de vidéos vues a progressé de 50% pour Télé loisirs, à 34 millions en janvier 2015.

Miser sur le qualitatif

Pour autant, 2014 ne saurait se résumer au mobile et à la vidéo. Nombre de marques médias ont également investi dans l’internet fixe, avec des refontes, des repositionnements voire des acquisitions. Parmi les acteurs qui ont le plus fait parler d’eux l’an dernier, Webedia, dont l’audience a plus que doublé en un an (21,3 millions de VU), se hissant au cinquième rang des groupes les plus visités en France. «Nous avons connu une croissance organique très forte, de l’ordre de 20%, grâce à un meilleur référencement sur Google et un plus grand partage de nos contenus sur Facebook», explique Cédric Siré, fondateur et PDG de Webedia. En 2014, Webedia a également fait plusieurs acquisitions de taille: le site de cuisine 750G, Jeuxvideo.com et la plateforme Overblog. «Les médias ont perdu la bataille de la puissance au profit de géants comme Google. Mais sur certains secteurs comme le divertissement, il y a encore une place à prendre. Avec Webedia, nous voulons être un multispécialiste, avec les actifs les plus puissants possibles sur nos verticales que sont la mode-beauté, le cinéma et, depuis 2014, le jeu vidéo et la cuisine», souligne Cédric Siré.

Face à de tels «pure-players», difficile parfois, pour les médias traditionnels, de se faire une place. Sur le segment des sites féminins, Aufeminin.com, doublé en 2014 par Le Journal des femmes, s'est longtemps taillé la part du lion, mais pas de quoi décourager des marques historiques comme Elle, Madame Figaro et Femme actuelle, qui ont toutes trois fait évoluer leur site en 2014. «Notre positionnement est très différent, beaucoup plus haut de gamme. Avec Elle, nous ne visons pas les 8 millions de VU mais un site très qualitatif, très prisé des annonceurs», précise Fabien Sfez, de Lagardère Active. «On ne peut pas comparer Madame Figaro avec Auféminin ou au Journal des femmes. Le premier s’est construit sur les forums, le second sur des fiches. Madame Figaro propose un écrin, ce qui se fait au détriment d’une audience massive», ajoute Bertrand Gié, de Groupe Figaro.

De son côté, Femme actuelle, qui totalise aujourd’hui plus de 5 millions de visiteurs uniques, presque 30% de plus qu’il y a un an, a fait du communautaire un élément central de sa refonte. «Jusque-là, les marques de presse féminine avaient peut-être moins travaillé cet aspect que les pure-players. En 2015, nous voulons développer non pas les forums, mais la personnalisation des contenus», assure Frédéric Daruty, de Prisma Media Digital.

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