DESIGN

Difficile de lui échapper. Il s’immisce dans les objets les plus banals de notre quotidien, dans nos voitures, ordinateurs, smartphones, vêtements, aliments… jusque dans nos brosses à dents. Le design est partout, utilisé à toutes les sauces. On parle de design industriel, mobilier, sonore, culinaire, hospitalier, graphique, textile… Depuis que Philippe Starck a popularisé il y a vingt-cinq ans un presse-agrumes en forme de poulpe, tout est design. «Quand tout est design, rien n’est design», relève Stéphane Vial, docteur en philosophie et maître de conférence en sciences du design à l’université de Nimes, dans le premier Que sais-je? consacré à la matière (janvier 2015). Pas faux. Peu de notions sont aussi évasives et fourre-tout. Même la bible des designers, le Design Dictionnary, renonce à définir ce terme qui pourtant le fonde.

 

Mais alors, qu’est-ce au juste que le design? Pour tout un chacun, c’est surtout un adjectif, associé au beau, à la décoration, à l’esthétique. Pour les designers, bien plus. «Le design, c’est tout ce qui rend un produit désirable», estime Gérard Caron, cofondateur en 1973 de Carré noir, la toute première agence de design-marketing française. A la beauté du design, les professionnels y associent l’utilité. «Un designer doit toujours avoir à l’esprit que la fonction fait la forme», rappelle Jérôme Lanoy, fondateur et PDG de l’agence Logic Design. De manière à rendre la technique aimable pour les consommateurs et usagers.

Pont entre l'entreprise et l'usager

Ses frontières avec l’art, la communication et le commerce sont poreuses. «Dessin et dessein sont les deux mots qui définissent le mieux le design, note Jérôme Lanoy. On fait le plus souvent appel à nous pour le premier terme, quand l’essentiel de notre métier est le pourquoi. Que cherche à dire, faire, proposer une entreprise à ses publics? En ce sens, le design est le premier vecteur de communication d’une marque.» Mais, différence notable avec la communication et la publicité, le design doit, «pour créer un leadership de marque, s’inscrire dans un temps beaucoup plus long», précise-t-il.

 

De même, art et design ne sont pas synonymes, même s’ils créent tous deux de l’émotion. «Contrairement à l’artiste qui impose sa vision du monde et en cela peut le révolutionner, le designer doit, sinon anticiper, s’adapter aux désirs de celui-ci, analyse Gérard Caron. Même les tendances, c’est la rue qui les créent, et non le designer. Celui-ci doit juste les saisir.» Même humilité chez Christophe Pradère, CEO de BETC Design: «Le job du designer est de réconcilier le marketing avec la culture avec un petit “c”. Le design est un pont entre la vision stratégique de l’entreprise et les aspirations des consommateurs.»

 

C’est dans cet esprit que le design doit servir à vendre. Comme on l’indique à l’Institut français de design, c’est une «démarche globale combinant esthétisme, ergonomie, émotion, éthique et économie». Jean-Pierre Lefebvre, président et cofondateur d’AKDV, agence spécialisée dans le corporate et l’architecture commerciale, ne dit pas autre chose: «Le design est un art appliqué, avec une dimension sociale et éthique visant à faire vendre.»

Un apport économique évident

Et tous les designers estiment évidemment que leur matière ne faillit pas à sa tâche, notamment dans le domaine économique. Plusieurs études leur donnent raison. Ainsi celle réalisée dernièrement par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Lyon sur des enseignes rénovées de la région par des designers: 75% des commerçants ont constaté une augmentation de leur chiffre d’affaires l’année suivant une rénovation (72% en année 2 et 60% trois ans après), un bond de plus de 20% pour près de la moitié d’entre eux (42%).

De même, les grandes entreprises qui ont misé sur le design ne s’en plaignent pas. Le géant Apple, dont toute la stratégie d’entreprise est fondé sur le design, en est l’exemple le plus emblématique. A la performance technologie, les Mac, Ipad ou Iphone allient celle du design.

 

De leurs cotés, les entreprises françaises semblent accuser une certain retard. «Contrairement aux pays anglo-saxons, nordiques, asiatiques, voire sud-américains, Brésil notamment, on n’a toujours pas compris en France que le design est créateur de business, juge Sylvia Vitale Rotta, cofondatrice et CEO de l’agence Team créatif. Même sentiment pour Louis Comolet, directeur général de l’agence de design global CLTG, pour qui cette méconnaissance est «typiquement française», avec des pouvoirs publics qui «n’y comprennent rien, jusqu’à méconnaître notre existence».

 

Pour rattraper ce retard, une mission design a été mise en place en juillet 2013 par les ministères du Redressement productif et de la Culture. Malgré les avancées, notamment l’éligibilité des dépenses de design dans le crédit d’impôt innovation, nombre de promesses sont restées sans suite, laissant les designers sur leur faim. Pourtant, la cause du design semble tout de même avancer. Les manifestations fleurissent et les actions dans les régions se multiplient: Biennale internationale du design à Saint-Etienne, Le lieu du design ouvert en Île-de-France (en 2009), plateforme Lille-Design pour valoriser le design dans le Nord-Pas-de-Calais (en 2011). «Peut-être qu’un jour, comme en Angleterre, la matière sera enseignée dès l’enfance, on peut toujours rêver, glisse Sylvia Vitale Rotta. Rêver et faire rêver… Après tout, c’est peut-être cela aussi l’essence du design.

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