Face au digital, les éditeurs de presse magazine n’ont d’autre choix que d’adapter leur modèle économique. Julien Pillot, directeur du pôle médias chez Precepta et auteur d’une étude sur le sujet *, livre quelques pistes. DELPHINE SOULAS-GESSON @DelphineSoulas

Le digital est-il en train de tuer la presse magazine?

Julien Pillot. Le digital remet en cause toute l'activité traditionnelle de la presse magazine, avec d’un côté des recettes en baisse et de l’autre des coûts en augmentation. D’où un effet de ciseaux qui oblige les éditeurs à bouger. Pour autant, le numérique n’a jamais tué une activité, il a rebattu les cartes de l’industrie de la musique, du cinéma et aujourd’hui de la presse. Plutôt que de s’apitoyer sur leur sort, les éditeurs doivent voir le digital comme une opportunité pour réinventer leur business model. Ceux qui ne se transformeront pas ne s'en sortiront pas.

 

De quelles options disposent les éditeurs de presse?

J.P. Chacun doit définir ses priorités, la plupart n’ayant pas les moyens de jouer toutes les opérations stratégiques disponibles. Faire payer l’information en est une. Aujourd’hui, le consentement à payer reste le même qu’avant le boom du numérique, autour de 10% du public. Ce qui change, c’est le plafond que les lecteurs sont prêts à payer. Les éditeurs n’ont pas le choix, ils vont devoir éviter les comportements de passager clandestin. Une autre voie possible est le «hub serviciel», comme l’a mis en place Le Figaro. L’information gratuite sert de produit d’appel, le site proposant tout un tas de services sur lesquels il se rémunère, comme l’emploi, le «ticketing» [billeterie] ou l’immobilier. C’est une stratégie qui fonctionne pour des médias à forte audience.

 

L'e-commerce et le hors-médias sont-ils aussi des voies possibles?

J.P. L'e-commerce est une voie intéressante, qui peut être utilisée par un plus grand nombre d’acteurs que le hub serviciel puisque les barrières à l’entrée sont moins importantes. Il s’est développé en priorité sur les titres féminins, car c’est une presse plus soluble dans la publicité que d’autres et les comportements d’achat sur internet sont plus développés chez les femmes. Mais rien ne dit que les masculins ou les newmagazines ne vont pas s’y mettre. Concernant le hors-médias, cela permet de créer des événements en lien direct avec l’éditorial et pour lesquels les sponsors sont très intéressés.

 

Le papier est-il condamné?

J.P. Les éditeurs auraient tort de l’abandonner. Même si le support papier souffre de plusieurs handicaps, à commencer par la crise de la vente au numéro, il demeure la face rentable de l'activité quand le numérique reste une face à monétiser.

 

Les marques de presse magazine souffrent-elles face aux pure players?

J.P. La capacité d’extension d’une marque n’est pas la même selon que l’on est un magazine ou un pure player. Par exemple, Elle est une marque capable d’ouvrir des cafés, ce qui n’est pas le cas d’Auféminin. Dans ce domaine, on cherche moins des leaders d’audience que des leaders d’influence. Le potentiel de marque est encore du côté de la presse magazine.

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