Conjoncture
Si les afficheurs ont anticipé la loi Grenelle 2 en réduisant leur patrimoine, ce qui pénalise leur chiffre d'affaires, certains assouplissements réglementaires, le dynamisme des transports et l’innovation du digital soutiennent, voire développent l'activité.

Décidément, le plus vieux média du monde semble connaître un nouvel âge d’or grâce au digital. En 2014, après une année 2013 en recul, de 1,7%, la publicité extérieure était l'un des rares médias à connaître une (timide) reprise, aux côtés de la télévision et d'internet, avec des recettes nettes s'établissant à 1,32 milliard d’euros (+0,8%), selon l'Irep. Mais preuve que cela reste fragile, au 1er trimestre 2015, les recettes publicitaires étaient en baisse de 2,1% (à 235 millions). Si les annonceurs sont séduits par l’affichage digital (seulement 17 millions d’euros, mais en hausse de 23,4%), le mobilier urbain (stable, à 90 millions) et les transports (+6,9%, à 60 millions), le traditionnel affichage grand format pâtit, lui, d’une baisse d’investissements marquée de 10,9%, à 75 millions d’euros.

La raison? Les afficheurs ont anticipé la loi Grenelle 2, qui entre en vigueur en 13 juillet prochain et réglemente particulièrement l’affichage grand format. Elle les oblige à revoir leur patrimoine, ce qui aura un impact sur leur activité. «L’affichage est pertinent dans les zones où il y a de l’audience. L’est-il dans les zones rurales? Et le très grand format de 12m², support historique, perd en pertinence», estime Philippe Baudillon, PDG de Clear Channel France. Pour autant, «la loi clarifie les règles et elle va mieux valoriser les panneaux restants», espère Gérard Unger, président de Média Transports.

Mais l’impact pourrait être plus important pour les pré-enseignes dérogatoires, souvent aux mains d'acteurs locaux. «Nous avons dû baisser nos tarifs, et notre chiffre d’affaires est en baisse sur le marché local», constate Jean-François Curtil, PDG d’Exterion Media (ex-CBS Outdoor). L'afficheur, qui réalise 70% de son chiffre d'affaires dans les marchés locaux, a d’ailleurs relancé en janvier sa vénérable marque Giraudy, précisément pour se repositionner sur ce type marché.

Hubs de communication

Autre évolution du cadre réglementaire pour le secteur, un amendement à la loi Macron autorise les publicités grand format (4x3m) dans les stades de plus 15 000 places (et non 30 000 comme il était prévu en vue de l'Euro 2016), dont ceux que l'on trouve hors agglomération. Une manne potentielle pour les mairies et les exploitants: du coup, «nul doute que les décrets seront adoptés d’ici l’Euro», souligne Stéphane Dottelonde, président de de l'Union de la publicité extérieure (UPE). «Les investissements ont augmenté dans les nouveaux transports urbains», constate Albert Asseraf, directeur général stratégie, études et marketing de JC Decaux. Logique, alors que le trafic explose dans ces zones de passage (aéroports, gares, transports urbains tels que les tramways), «ils deviennent des hubs de communication, où le mobilier urbain se développe», précise Philippe Baudillon.

Quant à  l’affichage numérique («out of home», ou OOH digital), il a dynamisé le secteur même s'il ne représente encore que 6% des investissements. «Mais il est encore soumis à l’autorisation préalable donnée au cas par cas par les mairies, ainsi Paris l’interdit», rappelle Stéphae Dottelonde. Preuve de son importance, JC Decaux, Clear Channel, Exterion Media et APG-SGA (Suisse) planchent sur un système commun de mesure d'audience pour l'affichage numérique, attendu d’ici à fin 2015. Objectif: fournir aux annonceurs les mêmes indicateurs que pour l’affichage traditionnel. Par ailleurs, Metrobus a lancé fin avril un outil de mesure d'audience de l'OOH digital dans le métro et le RER parisiens. Il est étudié par le Centre d'étude des supports de publicité (CESP).

Contextualisation des contenus grâce au digital

L’affichage digital a aussi fait évoluer la créativité. La campagne pour le lancement de Netflix, en novembre 2014, déclinée dans le métro de Paris sous forme de publicités vidéos contextualisées de 6 secondes, a marqué les esprits. «Avec ces nouveaux formats digitaux, on voit émerger de nouvelles formes d’écritures. De plus en plus d’agences travaillent sur l’animation d’un écran à l’autre, selon les lieux ou les moments de la journée, explique Albert Asseraf. Avec ces écrans digitaux et la data sur les déplacements et les flux de mobilité, on peut mieux contextualiser nos contenus.»

Les afficheurs développent également des opérations spectaculaires autour de murs d’écrans digitaux. Clear Channel a ainsi déployé Digital Dream depuis 2013, un dispositif comprenant trois écrans géants de 250 m² installés place du Dôme, dans le centre commercial Les 4 Temps de La Défense. Le dernier annonceur en date n’est autre que Chanel. Effet immersif garanti.

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